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Souvenirs autobiographiques et états subjectifs de conscience dans la schizophrénie

Base de connaissances

5. La mémoire autobiographique et sa spécificité dans la schizophrénie

5.1. Souvenirs autobiographiques et états subjectifs de conscience dans la schizophrénie

Nous l’avons décrit précédemment (cf. 4.3.4.), lors d’un rappel mnésique autobiographique, la composante épisodique de la mémoire est associée à la conscience autonoétique, alors que la composante sémantique se réfère à la conscience noétique (Tulving, 1985). Pour rappel, la récupération en mémoire d’un souvenir épisodique est associée à une réviviscence et prise de conscience du contexte d’acquisition de ce dernier, alors que le rappel d’une information sémantique s’associe à un sentiment de familiarité, où le contexte d’acquisition du souvenir n’est pas récupéré.

Dans la schizophrénie, le rappel épisodique, évalué à l’aide du paradigme expérimental R/K « Remember, je me souviens » et « Know, je sais » (Gardiner, Java, & Richardson-Klavehn, 1996; Tulving, 1985), est altéré dans la plupart des études, alors que le rappel sémantique semble relativement préservé (Danion et al., 1999; Huron et al., 1995; Huron & Danion, 2002; Sonntag et al., 2003; Danion et al., 2003; Huron et al., 2003).

Danion et al., (2005) utilisent la version du TEMPAu (Piolino et al., 2000) adaptée à la schizophrénie, afin d’évaluer la spécificité du rappel épisodique et de son lien avec la conscience autonoétique. Les auteurs comparent, pour cet effet, un groupe de 22 sujets sains à un groupe de 22 patients souffrant de schizophrénie. Les résultats obtenus mettent en évidence, pour la majorité des souvenirs rappelés par les sujets témoins, une association avec des réponses de type « je me rappelle ». Cette association est beaucoup moins fréquente et cohérente pour les patients, et la différence entre les deux groupes s’avère significative. En outre, les réponses « je sais » sont comparables dans les deux groupes au niveau de leur nombre, et semblent associées, chez les témoins, à des périodes plus anciennes par rapport aux périodes récentes, phénomène que les auteurs expliquent par la sémantisation des souvenirs anciens. Par ailleurs, les réponses « je suppose » sont significativement plus

nombreuses chez les patients que dans le groupe témoin. Ces résultats témoignent du déficit de la mémoire autobiographique au sein de la schizophrénie, et mettent en avant le lien entre le trouble du rappel épisodique et celui de la conscience autonoétique.

Cuervo-Lombard et al. (2007) et Danion et al. (2005) retrouvent une altération globale de la remémoration consciente chez les patients en comparaison aux sujets témoins. Cette étude a permis de distinguer les trois contenus de rappel : factuel (quoi), spatial (où) et temporel (quoi), et de spécifier, pour chaque contenu, le type de réponse associé: je me rappelle, je sais et je suppose. Pour une large majorité de souvenirs, les patients fournissent des réponses « je me rappelle » concernant les contenus factuel et temporel, alors que l’association d’une réponse « je me rappelle » au contenu spatial est moins fréquente. En comparaison au groupe témoin, les patients rapportent significativement plus de réponses « je sais » et « je suppose », et significativement moins de réponses « je me rappelle », et ce pour les trois types de contenus évalués (factuel, spatial et temporel).

Oliveira, Cuervo-Lombard, Salamé et Danion (2009) ont étudié le lien entre la conscience autonoétique et la projection dans le futur « je m’imagine » chez les patients souffrant de schizophrénie. Cette étude est motivée par la découverte des liens entre le sentiment d’identité et de continuité personnelle, le bon fonctionnement de la mémoire autobiographique et son lien avec le self. Les auteurs formulent l’hypothèse que la projection dans le futur sera perturbée dans la schizophrénie et cette perturbation sera équivalente à celle de la remémoration consciente des événements spécifiques passés.

Les auteurs (Cuervo-Lombard, Salamé et Danion, 2009) ont ainsi comparé deux groupes de sujets, et notamment 25 patients diagnostiqués schizophrènes avec un âge moyen de 34 ans, et 23 sujets sains comparables aux patients d’un point de vue de l’âge et du niveau socio-culturel. Par l’intermédiaire d’un questionnaire « événements futurs », les sujets ont été amenés à se projeter dans le futur sur quatre périodes différentes : la semaine prochaine, le

mois prochain, l'année prochaine et les 5 prochaines années, en élaborant trois projets par périodes (les vacances ou loisirs, le travail ou activités en famille). Les participants ont ensuite été invités à imaginer un événement spécifique à venir, lié à ce plan, en le décrivant dans les moindres détails, aussi bien phénoménologiques (sentiments, émotions, pensées) que factuel (quoi), spatial (où) et temporel (quand), et en attribuant, à chaque contenu de l’événement imaginé, l’état subjectif de conscience qui lui est associé (autonoétique, noétique et anoétique). De manière générale, les résultats indiquent que les patients, en comparaison au groupe témoin, ont peu de projets et s’imaginent peu d’événements spécifiques relatifs à ces projets futurs. De même, la représentation en image mentale fournie par les patients est moins précise et vive en comparaison au groupe contrôle. La richesse de cette image mentale est distribuée de façon harmonieuse entre les différentes périodes imaginées chez les témoins, alors qu’elle se dégrade et s’appauvrit avec l’éloignement dans le temps de l’événement imaginés chez les patients.

Ces résultats soulignent, chez les patients souffrant de schizophrénie, un dysfonctionnement au niveau des capacités de projection dans le futur d’événements imaginés, associé à une perturbation au niveau de la conscience autonoétique sous-jacents aux déficits d’ordre exécutif.

Les auteurs Neumann, Philippot et Danion (2007) ont cherché à examiner les états de conscience qui accompagnent la reconnaissance des événements émotionnels (positifs et négatifs) chez les patients souffrant de schizophrénie, en comparaison à un groupe de sujets témoins (sains). Ils ont utilisé, pour cet effet, durant une phase d’apprentissage, des images neutres associées (tel qu’un vase pour les items objets ou une autruche pour les item animaux) à des phrases émotionnelles (connotées positivement ou négativement). Par exemple « ce vase en cristal m’a été donné par mes enfants pour mon anniversaire » pour la version positive, et « ce vase en cristal qui était un cadeau de mes enfants a été volé » dans la version négative.

Durant la phase de test, les participants étaient amenés à reconnaitre les images précédemment présentées, ainsi que leur valence, et à noter leur état de conscience subjectif associé à ces dernières (je me rappelle / je sais / je suppose). De manière générale, la reconnaissance des images chez les patients, ainsi que leur valence émotionnelle, sont significativement inférieures à celles du groupe témoin. De même, l’association de la conscience autonoétique « je me rappelle » avec la reconnaissance des images et leur valence est significativement moins fréquente chez les patients en comparaison au groupe contrôle. Ces résultats suggèrent un appauvrissement du rappel conscient des détails précis des événements émotionnels chez les patients. Par ailleurs, la reconnaissance en fonction de la valence de l’image encodée est comparable dans les deux groupes, à savoir, les patients, comme les témoins, reconnaissent significativement plus d’images à valence positive plutôt que des images connotées négativement.

5.2. Souvenirs autobiographiques et self-defining memories et leurs