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CHAPITRE 2 LE NÉMATODE À KYSTE DU SOJA (HETERODERA GLYCINES

2.5 Survie et dispersion

Grâce à divers mécanismes, le NKS parvient aussi bien à s’adapter qu’à survivre à différents niveaux de stress hydriques, thermiques et chimiques (sels, pesticides ou métabolites secondaires des plantes) (Duan et al., 2009; Schroeder et MacGuidwin, 2009). Ainsi, cette section vise à présenter comment le NKS a réussi à se disperser aussi rapidement et à s’introduire avec succès dans une gamme variée d’environnements.

Le NKS parvient à être dispersé grâce à sa capacité d’entrer en dormance (il peut survivre plus de trois ans sous anhydrobiose et neuf ans en diapause) lui permettant de limiter les pertes d’eau et à ne pas éclore en absence d’hôtes puisqu’il est protégé par l’enveloppe de l’œuf, du kyste et par la matrice gélatineuse (Inagaki and Tsutsumi, 1971; Perry et Moens, 2011; Watanabe, 2006). Précisément, sa dispersion sous cet état est facilitée par nombreux vecteurs: le vent, différents contenants servant au transport de graines ou matériel végétal contaminé (semis, racines, branches); des roues de tracteurs ou d’autres équipements agricoles mécanisés; des semelles de bottes ou des vêtements; des poils d’animaux; etc. (Esser, 1980; Inagaki et Tsutsumi, 1971; Kristjansson, 2010; Lehman, 1994). Même un petit amont de terre collé à une roue ou une botte peut contenir des centaines de milliers de kystes pouvant être transportés sur des centaines de kilomètres (Riggs, 2004).

En outre, Slack et al. (1972), ont démontré que le NKS pouvait survivre à différentes conditions d’humidité et de températures et cela permettrait son transport sur de longues distances dans l’eau, même sous forme de larve. En 1972, Slack et al. ont démontré que les J2 sous forme libre pouvaient survivre et conservaient leur potentiel infectieux au-delà de 630 j dans l’eau entre 0 et 12 °C; 530j à 16 °C; 310j à 20 °C; 120j à 24 °C; 60j à 28 °C; 44j à 32 °C; 15j à 36 °C; 2j à 40 °C. D’ailleurs, en condition d’humidité extrême les NKS survivraient plus longtemps dans les sols que dans l’eau : J2 survit de 7 à 19 mois en sol inondé, de 29 à 38 mois en sol desséché et plus de 90 mois dans un sol ayant la capacité au

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champ; enkysté, la survie est de 8 ans (-4 °C) à près de 2 ans (32 °C) en sol humide et de 7 ans (4 °C) à un an (36 °C) en sol sec (Slack et al, 1972). La survie en sol sec serait due à l’absence d’eau qui limiterait le taux d’éclosion et à l’entrée en anhydrobiose (Koenning et Baker, 1995; Van Gundy, 1965; Watanabe, 2006). À l’opposé, la survie en sol inondé serait due à l’absence d’oxygène limitant le taux d’éclosion et à l’entrée en anoxybiose (Slack et al., 1972). À ce propos, on sait que le NKS peut être transporté sur de longues distances par les eaux de ruissellement, d’irrigation et de surface notamment parce qu’on a associé sa présence à des épisodes d’inondations dans le bassin de la Red River (Faulkner et Bolander, 1970; Tonneson, 2007). Également, au Nigeria, on a récupéré des kystes, incluant des juvéniles viables d’H. sacchari, ayant été emportés par les flots à 8 km de leur source (Lehman, 1994) et au Sahel, chaque année les eaux de ruissellement causent l’infestation de champs par 16 genres et espèces de phytonématodes (Cadet et Albergel, 1999).

Également, grâce à sa plasticité phénotypique, le NKS parvient à survivre et à éviter la congélation grâce à l’enclenchement de la cryobiose ou de la diapause lorsque les conditions de températures sont défavorables à son développement (Duan et al., 2009; Wharton, 2011). Cette capacité lui a permis de survivre à son transport entre les régions chaudes à froides et à la rudesse de l’hiver lui permettant de s’introduire dans une gamme variée d’environnements (Riggs et al., 2001; Wharton, 2011). Les J2 et les mâles adultes actifs sous forme libre dans le sol soumis à de basses températures adopteront une stratégie de tolérance au froid, mais ne survivront pas à ≤ 0 °C (Duan et al., 2009). En comparaison, grâce à l’enveloppe, les juvéniles à l’intérieur des œufs et des kystes vont être en mesure d’adopter une stratégie d’évitement de la congélation (cryobiose) en empêchant la formation de cristaux de glace dans leurs fluides corporels (Wharton, 2011). D’ailleurs, c'est principalement grâce à la présence du tréhalose, de la glycérine et d’une variété de protéines macromoléculaires (protéines de choc thermique, protéines de nucléation de la glace, lipoprotéines, protéines antigel et protéines d’hystérésis thermique) que le NKS est tolérant et évite les chocs thermiques (Grewal et Jagdale, 2002; Wharton, 2011). Par exemple, les œufs enkystés restent viables en cryobiose durant plus de 7 mois à -40 °C (Ichinohe, 1955 cité par Slack et al., 1973) et 18 mois à -24 °C (Slack et Hamblen, 1961).

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De plus, grâce à l’entrée en quiescence, le NKS peut supporter voire s’adapter à différentes concentrations de sels, à la présence de substances toxiques nématicides, etc.) et à la traversée d’un tractus digestif (Duan et al., 2009; Schroeder et MacGuidwin, 2010; Viglierchio, 1990; Viglierchio et Brown, 1989). En réalité, lors de périodes de sécheresses et de pluies favorisant la mise en solution de sels, les nématodes phytoparasites du sol survivent grâce à l’inhibition de leur éclosion et par l’entrée en quiescence (osmobiose) (Van Gundy, 1965). D’ailleurs, selon Van Gundy (1965), la majorité des nématodes vivant dans les sols pourrait supporter de 15 à 20 atmosphères (atm) durant une courte période de temps, ce qui représente un niveau de pression osmotique bien au-dessus des 2 atm qui sont atteints en général dans les sols, démontrant la force de leur résilience en conditions adverses. D’autre part, Schroeder et MacGuidwin (2010) ont réussi à démontrer que les NKS juvéniles en cryobiose et protégés dans l’œuf assimilaient beaucoup moins de composés toxiques ce qui assurait leur survie comparativement à leurs pairs actifs. Également, l’enveloppe des œufs, en particulier des kystes, limite la pénétration de nombreuses substances chimiques telles que celles présentes dans le système digestif des animaux (Epps, 1971; Perry, 1989). En effet, il a été démontré que les œufs enkystés et les larves de NKS pouvaient survivre à leur passage à travers le tractus digestif de porcs (Sus scrofa domesticus) et de trois espèces d’oiseaux (Molothrus ater P. Boddaert, 1783 (vacher à tête brune), Quiscalus quiscula L. 1758 (quiscale bronzé) et Sturnus vulgaris L., 1758 (étourneau sansonnet)) (Epps, 1971). Cela renforce l’hypothèse que certains oiseaux migrateurs tels que des canards et des oies (famille des Anatidae) voire des mouettes, des sternes et des goélands (famille des Laridae) pourraient aisément être des vecteurs de transport de NKS autant sur courtes, moyennes et longues distances (Epps, 1971).

Bref, pour éviter la dispersion de cette espèce, il semble que beaucoup de moyens de contrôle doivent être entrepris puisque le nombre de vecteurs de dissémination potentiels est important et leur résilience élevée. Cependant, malgré la prévention, les effets des CC doivent être considérés, car ils pourraient modifier les dynamiques entre le NKS et le milieu.