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CHAPITRE 2 LE NÉMATODE À KYSTE DU SOJA (HETERODERA GLYCINES

2.6 Réponses attendues du NKS dans un contexte de changements climatiques

2.6.2 Impacts potentiels de la hausse des températures, des précipitations et des événements

On prévoit globalement que la température de l’air augmentera entre +2 °C et +4 °C, que les précipitations seront de 5 à 15 % plus importantes et que les événements climatiques extrêmes (vagues de chaleur, pluies torrentielles, etc.) seront plus fréquents d’ici la fin du siècle (Pautasso et al., 2012; Rosenzweig et al., 2001). Ces changements auront des impacts sur les agroécosystèmes, notamment sur la production, à cause de la modification des aires de distribution et prévalence des maladies et des organismes nuisibles (Colagiero et Ciancio, 2011; Fuhrer, 2003; Ghini et al., 2008; Rosenzweig et al., 2001).

Comme le NKS ne parvient à se déplacer que sur quelques centimètres, sa dispersion à grande échelle doit obligatoirement reposer sur des vecteurs de transport (Lehman, 1994). Parmi ceux-ci, on retrouve les hommes (incluant leurs propres moyens de transport ou machinerie) et les animaux, mais également des vecteurs abiotiques comme le vent et les cours d’eau (Lehman, 1994). Ainsi la hausse du nombre d’événements violents tels que des tornades ou des tempêtes tropicales pourrait permettre le transport des kystes et œufs de NKS localement, alors que celle du nombre d’ouragans, voire la hausse des vitesses des courants de la haute atmosphère, aurait le potentiel pour les entraîner à l’intérieur de nouvelles régions (Boxall et al., 2009; Colagio et Ciancio, 2011;Rosenzweig et al., 2001).

D’autres événements tels que les vagues de chaleur et les sécheresses qui surviennent souvent conjointement et qui sont souvent accompagnés de forts vents et d’une forte irradiation solaire seront amplifiés dans le futur (Lehman, 1994; Rosenzweig et al., 2001). Comme il existe une corrélation entre les épisodes de sécheresse et les infestations de NKS, la hausse de ce type d’événement sera néfaste pour la culture du soja (Rosenzweig et al., 2001). En outre, à moyenne échéance, ce type d’événement causera la réduction de la biomasse aérienne des plants et cette réduction de la couverture végétale favorisera autant l’érosion hydrique que celle du vent (Rosenzweig et al., 2001). Par conséquent, si les forts

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vents ou la pluie devaient perdurer les probabilités que le NKS soit dispersé par l’érosion éolienne ou hydrique des sols agricoles seraient accentuées, et ce, aux échelles locale et régionale (Boxall et al., 2009; Colagiero et Ciancio, 2011). Également, l’augmentation du nombre d’inondations liées aux pluies torrentielles favorisera le lessivage des sols agricoles de surface entraînant un bon nombre de kystes vers les cours d’eau (Boxall et al., 2009; Rosenzweig et al., 2001). D’ailleurs, l’augmentation de l’irrigation liée à la hausse des températures et des sécheresses pourrait favoriser l’introduction du NKS dans de nouveaux champs si les eaux sont infectées (Boxall et al., 2009).

Déjà, on prévoit que les CC accentueront les troubles physiologiques des plants causés par des carences en nutriments, les polluants atmosphériques, les stress thermiques et hydriques et, de façon indirecte, par la surutilisation de pesticides, d’herbicides et des autres contrôles chimiques dans les agroécosystèmes (Boland et al., 2004; Ghini et al., 2008). Par conséquent, le plant affaibli sera plus susceptible aux diverses maladies, aux insectes, aux nématodes, à la compétition avec les mauvaises herbes et aux autres organismes nuisibles qui eux, pourraient être avantagés par les CC (Boland et al., 2004; Colagiero et Ciancio, 2011; Ghini et al., 2008). Ainsi, dans une région où les sols seraient plus chauds et humides et où les sites d’infection sur les racines seraient plus nombreux, on peut penser que le nombre d’entrées possibles pour les champignons transmis par le sol seront plus nombreux et que les complexes de maladie en association avec les NKS seront renforcés (Back et al., 2002; Chakraborty et al., 2000; Rosenzweig et al., 2001; Williamson et Hussey, 1996). En revanche, l’élévation des températures et de l’humidité du sol pourrait favoriser la densité d’antagonistes tels que les champignons du genre Pasteuria spp. ou Fusarium spp. (voir l’annexe 3) et limiter les dommages causés par les NKS (Colagiero et Ciancio, 2011).

De plus, avec la modification du climat (principalement les températures et les précipitations) le zonage agroclimatique sera modifié et le soja pourrait être cultivé dans de nouvelles régions (Chakraborty, 2000). Par exemple, dans les régions tempérées (Québec, Russie, etc.), l’augmentation de la durée de la saison de croissance pourrait permettre la culture du soja dans les régions situées plus au nord (Bélanger et Bootsma, 2000). Conséquemment, cette extension de la zone de production du soja pourrait favoriser l’introduction de nouvelles espèces potentiellement plus compétitives que celles déjà présentes et causer une

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modification profonde des interactions entre les espèces formant les complexes de maladies (Boland et al., 2004; Ghini et al., 2008). Ces nombreuses incertitudes quant à la forme que prendront les complexes de maladies formés par de multiples bioagresseurs en interaction avec le NKS compliquent l’expression de prédictions et l’élaboration de moyen de gestion à court, moyen et long terme (Rosenzweig et al., 2001).

En considérant la situation d’un autre point de vue, les effets combinés de la hausse du CO2,

des UVB, de l’O3 et des autres gaz sur les organismes pathogènes varient selon l’espèce, il

est difficile de prévoir si les complexes de maladies en interaction avec les NKS seront accentués ou limités dans le futur (Boland et al., 2004). En revanche, parmi les polluants atmosphériques, il semblerait que l’O3 et que la combinaison de l’O3 et le SO2 modifieraient

la translocation des métabolites des racines du soja, qui eux, altéreraient la qualité et la quantité de nutriments disponibles dans le syncytium pour le NKS (Weber et al., 1979). Corollairement, l’O3 seul ou en combinaison réduiraient le nombre de mâles et à échéance,

le nombre de NKS des générations subséquentes (Weber et al., 1979). Par conséquent, la diminution du nombre de NKS limiterait le nombre de complexes NKS-pathogènes de même que le nombre d'entrées potentielles dans les racines pour les champignons du sol.

Par ailleurs, depuis les années 1940, on a constaté que la quantité de pesticides épandus et leur niveau de toxicité étaient 33 fois plus importants qu’auparavant, ce qui a soulevé des questions quant aux répercussions sur l’environnement et la santé humaine (Rosenzweig et al., 2001). Dans un contexte de CC, on prévoit qu’il y aura une exacerbation des infestations d’organismes nuisibles aux cultures et de l’utilisation des divers moyens de contrôle chimiques et cela affectera grandement les dynamiques des pathosystèmes régionaux, mais également les risques pour l’environnement et la santé humaine (Bauxall et al., 2009; Chakraborty et al., 2000; Rosenzweig et al., 2001). Évidemment, il existe quelques incertitudes quant aux impacts qu’auront les CC sur les agroécosystèmes puisque les ensembles d’éléments étudiés sont très complexe. C’est pourquoi, il est primordial d’élaborer dès maintenant des stratégies de prévention, d’atténuation et de surveillance des impacts des CC sur les agroécosystèmes avant qu’il y ait des répercussions sur la nature et sur l’être humain, ce à quoi pourrait répondre la modélisation des éléments du CC sur l’étude du cycle de vie d’organismes nuisibles tels que le NKS (Colagiero et Ciancio, 2011).

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Chapitre 3

Utilisation de modèles bioclimatiques et d’analogues spatiaux pour

prédire et faciliter la gestion des impacts d’H. glycines sur la

production de soja dans un contexte de changements climatiques

Étude de cas au Québec

Au Québec, le NKS est devenu une EEE émergente, car il vient d’être détecté à Saint-Anicet durant l’été 2013 (Mimee et al., sous presse). C’est pourquoi on s’intéresse à prévoir le type d’impact qu’il générera sous les conditions environnementales et climatiques prévalent au Québec. Également, on s’intéresse aux impacts qu’auront les CC sur les dynamiques qu’entretiennent les NKS avec le soja à l’intérieur des agroécossystèmes québécois. Cependant, malgré l’existence de nombreux modèles climatiques prédisant les impacts des CC sur divers systèmes, les modèles biophysiques régionaux ne peuvent à eux seuls répondre à toutes les incertitudes concernant l’évolution du pathosystème soja-NKS (Chakraborty, 2013; Scherm, 2004). Par conséquent, il faut inclure les éléments ayant trait à la biologie, à la phénologie et au cycle de vie de l'hôte et de son parasite dans les modèles climatiques afin de prédire quels types d’impacts générera cet EEE, quelles mesures d’adaptation et stratégies d’intervention devront être mises en place et quelle direction devra prendre la recherche. C’est dans cette optique que s'inscrit l’étude de cas centrée sur le Québec présentée dans ce chapitre.