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CHAPITRE 2 LE NÉMATODE À KYSTE DU SOJA (HETERODERA GLYCINES

2.4 Interactions entre les NKS et les organismes nuisant à la culture du soja

L’introduction du soja en dehors de son aire de répartition naturelle a eu pour conséquence de l’isoler des prédateurs naturels et des pathogènes qui lui étaient associés (Bond et Wrather, 2004; Mack et al., 2000). La réunion subséquente du soja avec ceux-ci a eu des conséquences économiques et écologiques importantes (Monson et Schmitt, 2004; Pimentel et al., 2005). En effet, depuis l’introduction du soja en Amérique, de nombreux agents pathogènes ont été reconnus pour former des complexes de maladie facilitant le parasitisme, l’invasion d’autres organismes nuisibles et amoindrissant les effets de certains individus bénéfiques pour l’hôte (Alston et al., 1993; McCarville et al., 2012; Robbins et al., 1990). Lorsque le NKS et certains champignons pathogènes du soja, en particulier ceux d’origine tellurique, partagent la même niche écologique, des synergies peuvent naître et si celles-ci sont positives (1+1>2), on peut voir apparaître divers complexes de maladie affectant la croissance du plant et le développement ou la reproduction des organismes impliqués dont H. glycines (tableau 2.3) (Back et al., 2002; Bond et Wrather, 2004).

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Tableau 2.2 Exemples de synergies positives entre le NKS et différentes maladies du soja causées par des champignons pathogènes.

Nom de la maladie Nom du champignon Résultat de l’interaction sur le soja Effet sur la densité (NKS)

Pourriture noire des racines (black root rot ou red crown rot).

Calonectria crotalariae Augmentent l’intensité et la profondeur

des blessures au niveau des racines.

Chancre des tiges. Diaporthe phaseolorum

var. caulivora Réduisent la croissance du plant.

Fusariose vasculaire. Fusarium oxysporum Accentuent le flétrissement du soja.

Pourriture

phytophthoréenne. Phytophthora sojae

NKS favorise la présence de P. sojae et

réduisent les apports en nutriments.

a Syndrome de la mort subite. Fusarium virguliforme anciennement F. solani f. sp. glycines

Augmentent les symptômes foliaires et réduiraient la reproduction des NKS grâce à la compatibilité de l’utilisation des gènes résistants aux deux nuisances dans le soja.

Pourriture

charbonneuse.

Macrophomina

phaseolina Réduisent la production de gousses.

b

Pourriture brune des tiges.

Cadophora gregata

anciennement

Phialophora gregata

Aggravent l’intensité des pourritures au

niveau des racines.

a

Effet neutre et bEffet non testé sur les populations de NKS.

Traduit et modifié de Bond et Wrather (2004), p.113 et Kaitani et al. (2000), p.193.

Puisqu’ils partagent la même niche écologique et le même hôte, les interactions NKS- champignons pathogènes peuvent modifier la densité de NKS (tableau 2.3). Par exemple, C. crotalariae (Overstreet et McGawlay, 1988 et Overstreet et al., 1990), F. oxysporum (Ross, 1965 cité par Bergeson, 1972) et C. gregata (Sugawara et al., 1997) auront un effet positif sur la reproduction et la densité de population des NKS. À l’inverse, les interactions champignons pathogènes-NKS peuvent avoir un impact négatif sur la densité de NKS comme c’est le cas en présence de D. phaseolorum var. caulivora (Russin et al., 1989) et de F. virguliforme, on parle alors d’effet antagoniste (annexe 3) (McLean et Lawrence, 1995; Roy et al., 1989; Westphal et Xing, 2011). Ainsi, ces interactions ont le potentiel d’accentuer les dommages sur l’hôte, d’augmenter l’inoculum et d’accentuer la diffusion des maladies. Dans d’autres cas, les complexes de maladies seront caractérisés par des interactions multiples entre le NKS et plusieurs organismes pathogènes de taxons différents qui accentueront ou non la pression sur les plants de soja par effet additif (Bergeson, 1972; Bond et Wrather, 2004). La compréhension des liens qui renforcent ces complexes permet de comprendre pourquoi, dans certaines régions, le NKS cause plus de dommages aux plants qu’ailleurs, alors que les types HG (voir annexe 1) et les sources de résistance utilisées sont essentiellement les mêmes (Bergeson, 1972). Le tableau 2.3 donne quelques exemples de complexes de maladies engendrés par des interactions multiples.

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Tableau 2.3 Exemples d’interactions multiples à l’intérieur de complexes de maladie entre le NKS et d’autres organismes nuisibles du soja.

Espèces créant le complexe avec le NKS Impacts Références

Septoria glycines (maladie de la tache

brune); Xanthomonas axonopodis pv.

glycines (pustule bactérienne)

Effet additif sur les pertes de rendement (diminution du nombre de gousses).

Appel et al., 1984.

Spissistilus festinus (l’hémiptère à trois

cornes de la luzerne); Xanthium strumarium;

Cassia obtusifolia; Ipomoea lacunosa.

Effet additif du NKS, de l’insecte nuisible et des trois mauvaises herbes sur les pertes de rendement (mort des plants, affaiblissement du plant, diminution du nombre de gousses et de leur taille, pas de production de gousses).

Robbins et al., 1990.

Helicoverpa zea (polyphage), mauvaises

herbes annuelles (p. ex. Digitaria

sanguinalis; Panicum dichotomiflorum; Ambrosia artemisifolia (l’herbe à poux), etc.

Effet additif du NKS, en général, le complexe va retarder la production de gousses à plus tard dans la saison ce qui diminue la production.

Alston et al., 1993.

Cadophora gregata (pourriture brune de la

tige); Aphis glycines (puceron du soja).

Le complexe affecterait positivement la reproduction des NKS sur le soja et réduirait l’exposition des plants aux attaques de pucerons sur les cultivars résistants au NKS. Le complexe a favorisé, sur tous les cultivars, la diminution des pertes de rendement dues à A. glycines et a augmenté celles du NKS. Sur les cultivars susceptibles, le complexe a diminué les impacts négatifs de C. gregata.

McCarville et

al., 2012.

Tel qu’illustré dans le tableau 2.3, généralement les interactions multiples entre le NKS, les champignons, les mauvaises herbes et les insectes auront un effet positif et additif sur les dommages faits aux plants, mais il peut arriver que les relations soient plus complexes et qu’il soit nécessaire d’effectuer des études épidémiologiques plus poussées afin d’identifier la contribution de chaque organisme (Bond et Wrather, 2004; Westphal et Xing, 2011).

En général, afin de contrôler ces complexes et de gérer les risques, on préconisera l’utilisation de cultivars résistants, la lutte chimique et biologique ou certaines pratiques culturales comme la rotation avec des cultures non hôtes ou le labour (Alston et al., 1993; McCarville et al., 2012; Westphal et Xing, 2011). D’ailleurs, la principale source de résistance (PI 88788) contrant le NKS serait résistante, à différents niveaux, à C. gregata (Hughes et al., 2004; Patzoldt et al., 2005), au virus de la mosaïque (Gunduz et al., 2004) et même à A. glycines (McCarville et al., 2012). Par ailleurs, la gestion efficace des complexes de maladie à l'aide de la résistance est très difficile puisque dans certains cas, par exemple celui de F. solani f.sp. glycines (syndrome de la mort subite), on n’a pas encore développé des modes de contrôle efficace (Westphal et Xing, 2011). Ainsi, les relations du NKS avec d’autres organismes nuisibles posent encore de nombreux défis quant aux modes de gestion à adopter, car les CC pourraient modifier l’environnement et accentuer les dynamiques (Bond

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et Wrather, 2004; Robbins et al., 1990; Westphal et Xing, 2011). D’ailleurs, on s’intéresse de plus en plus à la lutte biologique (utilisation d‘antagonistes et de sols suppressifs, détails à l’annexe 3) pour limiter les dommages des complexes de maladies formés avec le NKS (Mazzola, 2002; Mazzola, 2007; Parke, 1996).