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5.3 ANALYSE DU COMPORTEMENT DES PÊCHEURS

5.3.3 La surveillance étatique

Le dernier point traité par le questionnaire concerne spécifiquement la mise en oeuvre des politiques publiques de gestion. On a voulu ainsi confronter les probabilités subjectives et objectives qu'un pêcheur ait été inspecté par un agent de conservation du MLCP au cours de l'année 1989. En premier lieu, on a demandé aux répondants d'estimer la probabilité d'être interpellé par un agent du MLCP au cours d'une journée de pêche (ESTS). La distribution et la moyenne des probabilités obtenues sont représentées à la Figure 5A. On a également noté le taux réel des visites d'inspection qui été effectuées, représenté par la ligne identifiée 0 (taux moyen de surveillance objective) sur la figure. En second lieu, on a demandé aux pêcheurs quel était, selon eux, le taux de surveillance minimum nécessaire (ESTSN) pour inciter les pêcheurs à respecter les règlements à la lettre (Figure 5B). La différence moyenne entre la surveillance subjective et celle suggérée par les répondants est supérieure à 17,16 % Ce résultat signifie que, pour les répondants, un taux de surveillance de 49 % par le MLCP semble équivalent à 41 % et, en supposant que les répondants ont raison à propos du taux de couverture nécessaire pour que les pêcheurs se conforment aux lois, qu'une augmentation d'environ 42 % du taux de couverture est nécessaire.

6. CONCLUSION

Nos résultats nous portent à croire que les ZEC, telles qu'elles fonctionnent présente-ment, ne bénéficient pas d'un support aussi large que souhaité par le MLCP et, plus généralement, que la privatisation n'est pas forcément la bonne politique à suivre.

Nous constatons qu'un nombre croissant de québécois issus de la classe montante se sentent à l'aise avec des politiques basées sur le consentement à payer, en grande partie à cause de leur revenu. Toutefois, des politiques qui seraient axées uniquement sur les besoins de cette nouvelle élite négligeraient les intérêts d'une autre partie de la société québécoise, notamment des communautés moins fortunées, mais qui n'en demeurent pas moins des utilisateurs de la ressource.

20 40 60

Pourcentage

--- (ESTSN)

80 100 120

100

80

60

40

20

on

Fréquence Fréquence 70

60 50 40 30 20 10

r f

0 20 40 60 eo 100 120

Pourcentage (ESTS)

A : Estimation Subjective du Taux de Surveillance (ESTS).

B : Estimation Subjective du Taux de Surveillance Nécessaire (ESTSN)

Figure 5. Relation entre les probabilités subjectives et objectives

qu'un pêcheur soit inspecté par un agent de conservation du MLCP au cours de l'année 1989

Bien qu'innovatrice, la politique d'ensemble du Québec concernant les ZEC, et plus récemment celle qui favorise la privatisation, auraient avantage à être clarifiées. Un éclaircissement pourrait être apporté concernant les implications publiques des règlements et lignes directrices émises par les ZEC et autres organismes quasi-publics oeuvrant dans le domaine. Par exemple, le nombre de membres des ZEC de pêche au saumon est-il faible parce que des décisions aussi élémentaires que l'établissement de la tarification revient au conseil d'administration? Est-il raisonnable d'exiger des membres qu'ils soient présents aux assemblées générales pour se prévaloir, entre autre, de leur droit de vote, alors que les coûts de déplacement en temps et en argent sont considérables? Plusieurs répondants se plaignent également du fait qu'il est difficile d'obtenir des réservations pour les sites de pêche si on est un résident non-membre, voir même impossible si on est non-résident.

Les répondants ont souvent mentionné que la tendance à long terme de la politique générale de privatisation, et celle des ZEC en particulier, a été de faciliter le retour des clubs privés sous le couvert d'un processus «populiste».

Dans l'appréciation de cette politique, nos conclusions fondamentales touchent particulièrement à l'hétérogénéité des profils économiques des pêcheurs en termes de revenu disponible à consacrer aux loisirs ainsi qu'à leurs diverses motivations.

Pour plusieurs raisons, le fait de demeurer à proximité d'une rivière explique égale-ment le revenu, et le revenu à son tour explique le niveau de la sympathie (ou de tolérance) face à divers actes illégaux, quoique de façon inverse. Lorsqu'on considère les résultats traitant des probabilités objectives et subjectives d'être inspecté qui inciteraient les pêcheurs à respecter les règlements, on est surpris de la difficulté potentielle de gestion à laquelle les gestionnaires risquent d'être confrontés.

Le principe de ZEC, comme outil de gestion publique, comporte plusieurs avantages, particulièrement dans le cas de zones où l'exploitation est intensive telles les rivières Matane et Matapédia. Dans ces régions, une expérience de pêche récréative peut être considérablement compromise par la présence d'un trop grand nombre de pêcheurs. Par conséquent, bien que la politique du Québec en matière de pêche récréative au saumon puisse être améliorée, nous croyons que le principe de base, soigneusement mis en application, doit être préservéé, voir étendu aux autres rivières de l'Amérique du Nord.

Rappelons que cette étude visait deux objectifs. Premièrement, les auteurs ont voulu explorer l'application de plusieurs méthodes d'estimation de biens non-marchands au problème de l'évaluation de la demande pour la pêche récréative au saumon. À partir des caractéristiques de la demande, on peut trouver une valeur pour le consentement à payer marginal ayant à la fois des fondements théoriques et empiriques. Les auteurs ont arrêté leur choix sur une méthode d'évaluation basée sur une fonction de prix-hédonique pour un bien ayant des attributs multiples. La base théorique de ce

choix repose sur la théorie de la production des ménages développée, entre autres, par Becker et Lancaster.

Le résultat du premier objectif est le suivant : les estimations courantes du consente-ment à payer moyen pour une journée de pêche au saumon varient présenteconsente-ment entre 100 $ et 200 $ par jour (Gagnon, 1989). Cependant, ni la base théorique, ni la méthode employée pour en arriver à ces estimations ne permettent d'en arriver à des résultats clairs. En utilisant une approche actuellement citée dans la littérature économique, nos meilleures estimations suggèrent une valeur du consentement à payer moyen pour une journée additionnelle de pêche de 241 $, avec des valeurs variant de 59 $ à 455 $. On constate que le consentement à payer moyen est fortement influencé non seulement par le revenu, mais également par le budget temps à consacrer aux loisirs. Les conclusions pratiques de notre analyse sont à l'effet qu'une valeur élevée du consentement à payer qui ne s'appuierait pas sur une solide base théorique pourrait encourager les responsables de l'élaboration des politiques publiques à omettre certaines nuances intrinsèques à la demande. Ceux qui seraient alors plus directement affectés et pénalisés par les politiques découlant de cette situation sont les pêcheurs sportifs ayant un revenu et un budget temps-loisir inférieurs à la moyenne. Il semble exister une forte corrélation entre la vie rurale et semi-rurale, la proximité du lieu de résidence par rapport aux rivières à saumon et les faibles revenus.

On a également estimé le consentement à payer marginal pour une augmentation de 10 % du saumon disponible pour la pêche dans toutes les rivières. Dans ce cas, le consentement à payer globale est de 6,35 $, quoique les valeurs obtenues varient de 0,36 $ à 20,77 $.

Pour les deux séries de valeurs, soit le consentement à payer moyen pour une journée additionnelle de pêche et le consentement à payer global pour une disponibilité de saumon additionnelle de 10 %, les variables explicatives les plus importantes sont REVENUE et le budget de temps consacré aux loisirs LEISURE. La principale implication de cette relation, dans le contexte des ZEC et d'une politique plus vaste de privatisation, est que le MLCP devrait s'assurer, si on considère la ressource saumon comme un bien public, que les structures institutionnelles des ZEC permettent l'accès au public, sans trop égard au revenu, en principe et de fait. Ceci peut signifier qu'il serait probablement préférable de revoir les procédures de fixation des droits d'accès et d'identifier les principales causes d'une faible adhésion aux ZEC.

Le second objectif était de déterminer les paramètres démographiques pouvant jouer un rôle dans l'acceptation des actes de braconnage, avec de l'équipement sportif, dans la population des pêcheurs sportifs au saumon, c'est-à-dire la tolérance qu'un répondant pourrait ressentir envers de tels actes illégaux. En général, il apparaît que les pêcheurs à faible revenu des régions rurales ont tendance à être plus tolérants envers les pêcheurs sportifs qui braconnent pour se nourrir. Ces mêmes pêcheurs

considèrent sans trop d'importance certaines infractions, à savoir pêcher sans permis, pêcher dans une zone fermée, ne pas étiqueter un saumon et ne pas payer les frais d'accès; comparativement, les pêcheurs plus fortunés des régions urbaines tiennent ces infractions pour très graves.

Un résultat plus inquiétant de notre analyse révèle que le MLCP, pour contrebalancer ces tendances et réussir à faire respecter intégralement ses politiques sur la pêche sportive, devrait augmenter le taux de surveillance d'à peu près 42 %. En effet, le MLCP se trouve sur la corde raide, essayant de balancer la nature publique de la ressource et l'efficacité apparente du rationnement, à court terme, d'une ressource limitée offerte via diverses options. Par ailleurs, les institutions à caractère public telles que les ZEC peuvent facilement s'improviser en institutions ressemblant davantage à des clubs privés, ce qui aurait pour effet d'exclure une grande partie de la population par le biais de stratégies de tarification à la fois explicites et implicites, et de quotas.

7. RECOMMANDATIONS

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