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à partir de matrices complexes

4. Etude du comportement du W lors des processus d’altération.

4.1. Etudes préliminaires

4.4.2. Surfaces altérées et minéraux secondaires

Maintenant que nous avons montré que les résultats expérimentaux, nous nous proposons de décrire l’effet de l’altération sur les phases minérales considérées dans cette étude.

Evolution des minéraux primaires

Les planches des Figure 4.9, Figure 4.11 et Figure 4.12 présentent les résultats obtenus au MEB pour la caractérisation des surfaces des phases minérales avant et après altération (charges expérimentales). La Figure 4.9 représente des cristaux avant lixiviation. Les minéraux primaires identifiés dans les échantillons correspondent à ceux qui avaient été au préalable déterminés par EDS : olivine, pyroxène, spinelle.

Les spectres EDX (Figure 4.10) permettent d’obtenir une composition semi- quantitative de ces minéraux. Nous avons ainsi pu confirmer que les pyroxènes sont très riches en Mg et Ca et contiennent peu de Fe. Ils appartiennent donc à la série diopside-augite-pigeonite (clinopyroxènes). Les olivines sont très riches en Mg leur composition est très proche de celle du pôle forstérite.

Dans ce qui suit, nous nous sommes particulièrement intéressés aux olivines. Après 10 jours de lixiviation en système fermé (Figure 4.11), les surfaces semblent avoir été peu modifiées par l’interaction avec les fluides d’altération. En effet, que l’on observe les minéraux issus de la série A (altérés en milieu acide) ou de la série B (altérés en milieu basique), les grains présentent des surfaces intactes, des angles peu arrondis et pas de figures de dissolution.

Nous en déduisons que l’altération en système fermé (à l’échelle d’une dizaine de jours) a peu d’effet visible sur les surfaces minérales. Cela est en accord avec les modélisations effectuées avec PHREEQC dans lequel nous avons calculé que le système n’évolue que très peu après les quelques premières heures. Les grains les plus fins de la poudre se dissolvent très rapidement et la solution atteint des concentrations proches de celles à l’équilibre.

Au contraire, les surfaces minérales des olivines observées après 125 jours de lixiviation en système semi-ouvert présentent d’importants indices de dissolution (Figure 4.12).

Figure 4.9 : Minéraux primaires observés dans la poudre de dunite utilisée pour les expériences de lixiviation. De gauche à droite et de haut en bas : olivine (vue d’ensemble), olivine (surface), pyroxène (de la série diopside-augite-

Figure 4.11 : Etat de surface des minéraux primaires (olivines) après 10 jours de lixiviation en système fermé. Il est possible que les placages et autres petits minéraux visibles sur les photographies soient un mélange de minéraux secondaires, de fragments d’olivine et d’antigorite. Toutefois, ceux-ci sont trop petits pour être analysés avec précision.

Figure 4.12 : Diversité des puits de dissolution observés dans les olivines des séries AC (images A, B, E) et BC (images C, D, F). Images SEM : A - grandissement : M = x1 300, tension d’accélération : Vacc = 10 kV ; B - M = x10 000, Vacc = 10 kV ; C - M = x4 000, V = 5 kV ; D - M = x10 000, V = 5 kV ; E – M = x4 000 , V = 10 kV ; F - M = x7 000 , V = 15 kV.

Ces figures de dissolution sont beaucoup plus abondantes sur les minéraux altérés à pH acide (série AC), mais sont aussi visibles sur les minéraux altérés à pH basique (série BC). Il s’agit notamment de puits de dissolution coniques, similaires à ceux observés par Velbel (2009).

Minéraux secondaires

L’altération de minéraux ferromagnésiens peut théoriquement entrainer la précipitation de minéraux secondaires tels que phyllosilicates (saponites, nontronites, serpentines) et oxydes et hydroxydes de fer. Ces minéraux ont tous été identifiés comme produits de l’altération dans les matrices de chondrites carbonées altérées (ex : Zolensky et al., 1993).

Toutefois, les fractions fines mises en suspension (canon à ultrasons) et récupérées après lixiviation dans les échantillons A, B, AC et BC n’ont pas permis d’observer de tels minéraux. Les images BEI obtenues sur ces fractions montrent une très grande homogénéité en termes de minéralogie, et les spectres EDX sont ceux de silicates de magnésium et de fer. La composition correspond à celle de l’olivine, mais aussi de l’antigorite, et il faudrait effectuer d’autres analyses sur ces poudres (ex : DRX) pour déterminer si ce sont des fragments d’olivine ou des cristaux d’antigorite. Si ce sont des antigorites, il est très probable qu’une grande partie de celle-ci provienne de la poudre de départ, tout comme l’olivine, et que seule une faible fraction se soit formée pendant l’expérience. En effet, nous avions identifié de l’antigorite dans les échantillons naturels utilisés pour l’expérience.

D’autre part, j’ai présenté en introduction une synthèse de Brearley (2006) qui détaille les différents minéraux d’altération retrouvés dans les chondrites. Parmi ceux- là figurent de nombreuses évaporites (carbonates, halogénures, sulfates). Nous avons donc évaporé les lixiviats AC125 et BC125 (à l’étuve, à 40°C), afin de concentrer les éléments en solution et d’observer les minéraux qui précipitent. En effet, si la thermodynamique prédit que certains minéraux sont sursaturés en solution et devraient précipiter, c’est la cinétique chimique qui contrôle la précipitation : les minéraux les plus sursaturés ne sont pas forcément ceux qui précipitent en premier.

Dans le cas des expériences AC125 et BC125, les résultats sont très différents. Parmi les minéraux issus de l’évaporation de BC125 (Figure 4.13), on retrouve uniquement deux phases : des cristaux cubiques et des sphérules.

Les spectres EDS (Figure 4.14) des cristaux cubiques indiquent qu’ils sont composés de chlore et de sodium, ce sont donc des cristaux de halite. Les sphérules sont riches en carbone, oxygène, et contiennent aussi Na, Si, Ca, F et Cl. Leur forme sphéroïde et leur composition suggèrent qu’il s’agit d’un assemblage amorphe de divers carbonates et silicates. Figure 4.13 : Minéraux secondaires précipités à partir du lixiviat BC125. A gauche un cristal de halite et à droite des sphérules de carbonate amorphe.

Les minéraux issus de l’évaporation de l’expérience AC125 sont beaucoup plus variés. Les images SEI et BEI présentées dans la Figure 4.15 montrent la présence de halite, comme pour BC125, mais aussi un grand nombre d’autres minéraux ne contenant pas ou peu de silice.

Figure 4.15 : Minéraux issus de l’évaporation du lixiviat AC125. A et C sont des images BEI, B est une cartographie EDS

et D est une image SEI. Les spectres EDS obtenus sur les différentes phases de B sont présentés dans la Figure 4.16 ; C et D représentent un carbonate de calcium (calcite ou aragonite).

Les spectres EDS (Figure 4.16) de ces minéraux montrent qu’il s’agit essentiellement d’évaporites : halite (NaCl), sylvite (KCl), gypse ou anhydrite (CaSO4),

calcite ou aragonite (CaCO3). De petits silicates de magnésium sont aussi présents,

mais il est difficile de déterminer si ce sont des fragments d’olivine ou des petites antigorites. Nous avons également observé un cristal composé uniquement de silice. Il pourrait s’agir d’un petit éclat issu du mortier qui a servi à broyer la poudre de

péridotite utilisée dans l’expérience, mais il est possible d’envisager que ce soit une calcédoine (SiO2) amorphe cristallisée lors de l’évaporation. Figure 4.16 : Spectres EDS des minéraux présentés dans la Figure 4.15. 4.4.3. Fractionnement isotopique du W associé à l’équilibre dissolution- précipitation de la scheelite

L’importante solubilité du W et les observations réalisées sur les chondrites CV, qui montrent un fractionnement isotopique pouvant être relié à leur degré d’altération, soulèvent une question importante : les équilibres en phase aqueuse et les équilibres de dissolution et précipitation minérale engendrent-ils un fractionnement isotopique ?

(CaWO4), dont l’équation de dissolution est bien connue (Naumov et al., 1974; Robie et al., 1978) : !"#!! = !!!!+ !! !!! log ! = −9,47 Dans ce qui suit, nous supposerons que l’équilibre chimique a été atteint. J’ai choisi de mettre en solution un large excès de Scheelite broyée finement de façon à atteindre l’équilibre rapidement et à optimiser les échanges entre la phase solide et la phase liquide. J’ai donc versé approximativement 20 mg de scheelite dans 10 mL d’eau milliQ, et j’ai porté l’ensemble à 110 °C (en étuve), comme dans les expériences précédentes. Après 8 jours, l’échantillon a été sorti de l’étuve, refroidi puis centrifugé. Le surnageant et la phase solide ont été séparés pour être tous deux analysés individuellement. Des analyses isotopiques ont été effectuées sur le MC-ICPMS Neptune (Thermo Finnigan®) à l’Observatoire Midi-Pyrénées, en utilisant la procédure décrite au chapitre 2. Pour mesurer directement le fractionnement solide-liquide associé à cet équilibre, j’ai adapté le protocole de standard-sample bracketing en alternant l’analyse de la phase aqueuse et celle de la phase solide (au lieu de standard et échantillon). J’ai ensuite calculé le fractionnement liquide-solide grâce à l’équation suivante : ∆!!!= 1000 × !! !!− 1 (≈ !!− !!) Les résultats sont présentés dans le Tableau 4.8. Tableau 4.8 : Fractionnement isotopique du W entre la phase liquide et la phase solide à l’équilibre. δ182W/184W 2SD δ183W/184W 2SD δ186W/184W 2SD δ(2/4)

(amu-1) 2SD (amuδ(3/4) -1) 2SD (amuδ(6/4) -1) 2SD δ,amu-1 2SD

Δliq-sol -0,12 0,02 -0,09 0,01 0,12 0,03 0,06 0,01 0,09 0,01 0,06 0,01 0,07 0,03

Δliq-sol -0,12 0,03 -0,07 0,01 0,15 0,03 0,06 0,02 0,07 0,01 0,07 0,02 0,07 0,01

Moy ; 2SE 0,07 0,01

Le fractionnement isotopique du W de la scheelite entre la phase liquide et la phase solide vaut :

L’équilibre de dissolution-précipitation de la scheelite entraine donc un enrichissement (faible mais mesurable et reproductible) de la phase liquide en isotopes les plus lourds. De tels enrichissements de la phase liquide en isotopes lourds, engendrés par des équilibres abiotiques de dissolution-précipitation, ont déjà été observés pour des systèmes isotopiques de métaux de transition comme le Mo, Fe, S ou encore le Cu, en conditions naturelles (ex : Archer et Vance, 2008; Cameron et Vance, 2014; Sharma et al., 2013; Vance et al., 2008) ou contrôlées (Brantley et al., 2004).

Je présente ici le fractionnement isotopique du W à l’équilibre de dissolution- précipitation de la scheelite, étape indispensable vers une meilleure compréhension du comportement et du fractionnement isotopique du W lors des interactions fluide- roche. Une étude plus approfondie devra faire suite à ce travail et sera nécessaire pour obtenir une compréhension réelle des mécanismes en jeu et de leurs conséquences sur le fractionnement isotopique du W.

Dans ce paragraphe, nous avons observé un enrichissement de la phase liquide en isotopes lourds, ce qui ne va pas dans le même sens que ce que nous avons observé pour les chondrites CV, pour lesquelles c’est le résidu solide qui s’enrichit en isotopes lourds. Mais il faut garder à l’esprit que dans le cas de la dissolution de la scheelite, c’est un fractionnement à l’équilibre qui est observé, alors que dans le cas des chondrites CV, il s’agit probablement d’une dissolution préférentielle de certains minéraux lors de l’altération.

Une nouvelle étape de cette étude consiste en la modélisation numérique des phénomènes. Dans ce qui suit, nous présentons les résultats de simulations informatiques reproduisant les expériences d’altération présentées au début de ce chapitre, et simulant le passage en solution du W lors des dissolutions minérales, ainsi que la spéciation de cet élément en solution.

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