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III. Méthode et techniques expérimentales

4. Caractérisations isotopique des composés soufrés par spectrométrie de masse

4.2. En surface : SIMS

Le terme SIMS signifie « Secondary Ion Mass Spectrometry ». Il désigne un ensemble de techniques d’analyse physico-chimique de surface (µSIMS, nano-SIMS et ToF- SIMS) dont le principe commun repose sur l’interaction d’un faisceau d’ions primaires incidents avec la surface de l’échantillon. Les ions primaires, en impactant la surface, lui transmettent une partie de leur énergie (entre 0,1 keV et 50 keV) (Figure III-14). Cela provoque une cascade de collisions sur une profondeur de 1 à plusieurs dizaines de nanomètres. Ce phénomène, appelé « pulvérisation » produit une énergie suffisante pour conduire à l’émission de particules de différentes natures : des photons, des électrons

77 secondaires, des particules neutres (atomes et molécules) mais également des ions secondaires (élémentaires et moléculaires) positifs et négatifs. Ces ions quittent la surface de l’échantillon avec une énergie cinétique relativement faible (quelques eV) et sont extraits par un champ électrostatique et transférés jusqu’au spectromètre de masse. Ce principe d’analyse permet d’étudier tout type de surface dès lors que l’échantillon est compatible avec l’ultravide. De plus, cette technique est très sensible pour la plupart des éléments du tableau périodique ce qui permet notamment l’analyse des éléments traces (ex : limite de détection pour le 32

S- en nanoSIMS: 2.10-2 ppm pour une aire analysée de 3600 µm² avec un faisceau d’ion primaire Cs+ de 400 µA).

Figure III-14 : principe très général de la spectrométrie de masse à ions secondaires (Ip : Faisceau d’ions primaires ; Is : Faisceau d’ions secondaires)

Deux types de régimes SIMS sont distingués en fonction du flux intégré de particules primaires (Fp), appelé aussi « dose » (Aucouturier et al., 2014) :

- Le régime « statique » avec Fp < 1012 ions/cm² : moins de 1% de la première couche atomique est désorbée au cours de l’analyse car l’abrasion de l’échantillon est très faible. Ce type de régime est obtenu soit en diminuant la durée d’analyse, en diminuant le courant instantané d’ions primaires, soit en divisant le flux d’ions primaires en pulses de très courte durée tout en continuant de balayer la surface pour que la zone d’impact du pulse « n+1 » ne recouvre pas la zone d’impact du pulse « n ». Selon les conditions d’acquisition, la technique ToF-SIMS peut permettre de travailler dans ce régime.

- Le régime « dynamique » avec Fp > 1014 ions/cm² → l’abrasion de l’échantillon est beaucoup plus importante. C’est donc une surface de

78 l’échantillon renouvelée en permanence lors de l’acquisition qui est analysée. Le µ-SIMS, le nanoSIMS ou encore le ToF-SIMS dans certaines conditions d’acquisition permet de travailler dans ce régime.

4.2.1. Choix des techniques d’analyse isotopique

L’utilisation de trois types de spectromètre de masse à ions secondaires différents a été envisagée :

- le µ-SIMS ;

- le ToF-SIMS (en modes bunch, burst alignement ou burst) ; - le nanoSIMS.

Le Tableau III-12 présente les caractéristiques principales de ces différentes techniques d’analyse.

Tableau III-12 : caractéristiques des trois techniques de spectrométrie de masse à ions secondaires mises en oeuvre

Instrument µ-SIMS NanoSIMS ToF-SIMS

Mode bunch ToF-SIMS Mode burst alignement ToF-SIMS Mode burst Rs (Résolution Spatiale) 8 µm 70-100 nm 2-10 µm 250-300 nm 300 nm Profondeur d’analyse ~ µm ~ nm  µm ~ nm  µm ~ nm  µm ~ nm  µm m/Δm maximum ~ 1500 ~ 10 000 ~ 13 000 ~ 200 ~ 5 000

Afin de choisir le(s) technique(s) le(s) plus adaptée(s) à l’étude des sulfures de fer formés lors de la corrosion anoxique du fer, nous devons préciser brièvement les principales caractéristiques des liserés de sulfures de fer, détaillées en partie IV.1. Ces liserés de sulfures de fer font de plusieurs centaines de micromètres d’épaisseur à seulement quelques micromètres d’épaisseur. En outre, ces liserés sont très souvent mêlés à l’échelle submicrométrique avec des phases carbonatées.

Le soufre 32 et le dioxygène 16 ont une masse molaire très proche : m(32S) = 31,972070 u et m(16O2) = 31,9898 u

La résolution massique minimale pour distinguer ces deux pics est donc : Rmin =

m Δm =

m(32S)

79 Or, les sulfures de fer détectés dans le corpus expérimental étudié sont très souvent mêlés à l’échelle submicrométrique à des phases oxygénées. La (les) technique(s) SIMS utilisée(s) doit (doivent) donc avoir une résolution massique m/Δm > 1800 afin de permettre la séparation des contributions du soufre 32 et du dioxygène 16. Ainsi, les techniques µ-SIMS (m/Δm ~ 1500 < 1800) et ToF-SIMS en mode burst alignement (m/Δm ~ 200 < 1800) ne

sont pas adaptées à l’étude de ces échantillons. L’utilisation de ces techniques risque

d’entraîner une surestimation de l’intensité en soufre 32. Le choix de ces techniques a donc tout de suite été écarté pour la détermination du fractionnement isotopique du soufre.

Le ToF-SIMS en mode bunch, grâce à une résolution massique excellente (m/Δm ~ 11000) permet de séparer le signal du soufre 32 et celui du dioxygène 16. En revanche, sa résolution spatiale est faible (2 à 10 µm) ce qui n’est pas adapté aux liserés de sulfures de fers formés les plus fins : de l’ordre du micromètre d’épaisseur. En outre, il n’a pas été possible d’obtenir une valeur fiable de l’intensité du 32

S du fait de la saturation du détecteur dû au très fort rendement d’ionisation du soufre. L’intensité du signal du 32

S est alors sous-estimée par rapport à la valeur réelle et le rapport 34S/32S obtenu en est donc plus élevé. Le ToF-SIMS en

mode bunch n’a donc pas été sélectionné pour notre étude.

En revanche, le ToF-SIMS en mode burst constitue un bon compromis entre le mode burst alignement pour lequel la résolution spatiale est élevée (entre 250 et 300 nm) et la résolution massique basse (m/Δm ~ 200), et le mode bunch pour lequel la résolution spatiale est basse (entre 2 et 10 µm) et la résolution massique élevée (m/Δm ~ 11 000).

En effet, en mode burst, le ToF-SIMS permet d’atteindre une résolution massique de l’ordre de m/Δm ~ 5000 (> 1800) tout en conservant une résolution spatiale d’environ 300 nm. Pour cela, chaque long pulse d’ions primaires est remplacé par une succession de pulses beaucoup plus courts (Figure III-15). Cela permet également de limiter le phénomène de saturation observé en mode bunch.

80 Figure III-15 : signal obtenu pour un m/z de 32 correspondant au soufre (a) avec un pulse unique et (b) avec un train de 4 pulses très courts. L'emploi d'un train de pulses très courts met

en évidence la contribution du dioxygène par un épaulement aux m/z plus élevés sur chaque pic, en présence de soufre 32 majoritaire.

Le ToF-SIMS en mode burst serait donc adaptée à nos zones d’intérêt.

Néanmoins, il est encore peu utilisé et en particulier il n’a jamais été utilisé pour déterminer des compositions isotopiques du soufre au sein de couches de produits de corrosion. Cette technique d’analyse est le plus souvent utilisée pour des études qualitatives, par exemple sur l’évolution des espèces chimiques lors de traitements (De Souza et al., 2005). Réaliser des analyses semi-quantitatives en ToF-SIMS mode burst au sein de couches de produits de corrosion nécessite donc de développer une méthodologie d’analyse spécifique.

Enfin, le nanoSIMS semble être la technique SIMS la plus adaptée à l’étude des

liserés de sulfures de fer formés lors de la corrosion anoxique du fer. En effet elle permet

de concilier une excellente résolution en masse (m/Δm ~ 10 000 > 1800) avec une très bonne résolution spatiale (50-70 nm) et une faible profondeur d’analyse (~ nm). Néanmoins, deux sources d’erreurs impactent les fractionnements isotopiques obtenus par cette technique : l’effet, appelé « effet QSA », lors de la détection des ions secondaires ; et le fractionnement d’origine instrumental se produisant lors du trajet des ions secondaires entre la surface de l’échantillon et le détecteur. Il est donc nécessaire de développer une méthodologie adaptée aux échantillons étudiés afin de corriger ces deux erreurs.

Les deux techniques sélectionnées pour notre étude sont donc le nanoSIMS, et le ToF-SIMS en mode burst. Le principe de ces appareils ainsi que les conditions d’acquisitions générales utilisées sont détaillées ci-après. Par ailleurs, le détail des

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développements analytiques mis au point au cours de cette thèse en ToF-SIMS mode burst et en nanoSIMS est présenté en partie IV.B.2.1. Les résultats des analyses isotopiques réalisées sur les échantillons du corpus sont détaillés en partie IV.B.2.2 et discuté dans la dernière partie de ce manuscrit (partie V).

4.2.2. nanoSIMS

L’appareil NanoSIMS utilisé est le NanoSIMS NS0 de CAMECA® du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris (MNHN).

Source :

La source est un faisceau d’ions primaires Cs+

. Son intensité atteint environ 18 pA en surface de l’échantillon pendant les phases d’abrasion destinée à éliminer les éventuelles contaminations de surface et la couche de métallisation. En effet tous les échantillons sont métallisés à l’or (épaisseur ~ 20 nm) préalablement à leur analyse en nanoSIMS. L’intensité du faisceau d’ions primaires est ensuite réduit à 1 pA en surface de l’échantillon pendant les phases d’acquisition. Il est possible, avec cet équipement, de produire un spot incident d’un diamètre très faible, de l’ordre de 50 nm. En effet, le faisceau d’ions primaires présente un angle d’incidence de 90°C avec la surface de l’échantillon au lieu de 60°C dans le cas du micro-SIMS, ce qui permet d’obtenir un faisceau de l’ordre de 70 nm dans notre cas. Les images sont obtenues grâce à un balayage du faisceau d’ions primaires sur la surface.

Dans le cas des analyses quotidiennes du standard CDT, une surface de 5 µm x 5 µm est abrasée. Puis, la surface analysée est réduite à une zone de 3 µm x 3 µm et la résolution est fixée à 64 X 64 pixels.

En revanche, dans le cas des analyses des échantillons eux-mêmes, une surface de 12 µm x 12 µm est tout d’abord abrasée. Puis la surface analysée est réduite à une zone de 9 µm x 9 µm et la résolution est fixée à 256 X 256 pixels.

Analyseur :

La séparation des ions secondaires est réalisée par un analyseur à secteur magnétique dont le principe est détaillé dans le paragraphe sur le CF-IRMS ci-dessus (Figure III-16).

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Détecteur :

La détection est réalisée par cinq multiplicateurs d’électrons (Figure III-16). Chaque multiplicateur d’électrons est précédé d’un déflecteur permettant de sélectionner les ions secondaires auxquels on s’intéresse. Il n’est donc possible de suivre le signal que de 5 ions de m/z différents. Lors de notre expérience nous avons suivi en particulier les signaux de l’oxygène 16, du soufre 32 et du soufre 34.

Le traitement des images acquises est réalisé avec le logiciel L’IMAGE PV-WAVE.

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4.2.3. ToF-SIMS

L’appareil ToF-SIMS utilisé est un Tof SIMS 5 de ION TOF®. L’acquisition est réalisée à l’aide du logiciel constructeur Surface Lab®.

A l’heure actuelle, le traitement des données est réalisé à l’aide du logiciel constructeur Surface Lab® et du logiciel de traitement de pics Peakfit®. La méthode de traitement des données est détaillé en partie IV.B.1.2.1.3.

Source :

Avant l’acquisition, la surface est abrasée par un faisceau d’ions Cs+

pour éliminer les éventuelles pollutions de surfaces (courant entre 50 et 200 nA). Ensuite l’acquisition est effectuée en polarité négative burst avec un courant d’ions primaires Bi+ de l’ordre de 0,1 pA. Le protocole d’analyse employé, consiste tout d’abord en l’abrasion de la surface sur une zone de 300 µm x 300 µm par un faisceau d’ions Cs+

, de 0,5 à 2 keV selon l’acquisition. Cette abrasion a pour but d’éliminer les éventuelles pollutions de surfaces et/ou la couche de métallisation. Ensuite, un faisceau incident d’ions primaires Bi+

(~ 0,1 pA) est envoyé sur la surface de l’échantillon. La zone analysée mesure 100 µm x 100 µm et est située au centre de la zone préalablement abrasée. Lors des analyses, des cycles successifs composés de dix acquisitions (c’est-à-dire dix scans), 1 seconde d’abrasion (pour éviter que des contaminants se déposent sur la surface de l’échantillon en cours d’analyse) et 0,5 seconde de repos sont réalisés. Ainsi, des cycles d’acquisitions/abrasion sont réalisés au cours de l’analyse. Par conséquent, la surface de l’échantillon est renouvelée en permanence pendant l’analyse. Nous sommes donc en régime dynamique.

Lorsque les phases analysées ne sont pas assez conductrices, il est parfois nécessaire d’utiliser un canon à électrons, appelé « floodgun », pendant l’analyse afin de faciliter l’évacuation des charges.

Analyseur :

Sur les appareils de type ToF-SIMS, l’analyseur utilisé est un analyseur à temps de vol (Figure III-17). Les ions secondaires qui ont tous la même énergie cinétique, sont séparés en fonction du temps de vol (t) entre l’entrée de l’analyseur à temps de vol et le détecteur (distance = l), et par conséquent en fonction de leur masse : m

z = 2 × Vo × t²

l² où z est la charge

de l’ion secondaire. Dans ce cas la compensation de la distribution en énergie des ions secondaires est réalisée en amont de l’analyseur par un « réflectron » ou un dispositif

84 constitué de trois secteurs électrostatiques. Le ToF-SIMS utilisé dans notre étude est équipé d’un analyseur à « réflectron ».

Détecteur :

La détection est réalisée par des multiplicateurs d’électrons. Ce système est constitué de plusieurs dynodes. La première permet de convertir le signal ionique en signal électrique. Les suivantes amplifient la gerbe d’électrons obtenues. Le signal final est environ 107 fois plus intense que le signal ionique reçu. Le temps mort de ce détecteur, c’est-à-dire l’itnervalle de temps minimal séparant l’arrivée de deux ions sur le détecteur, est de l’ordre de 10 ns. Cela correspond approximativement à une différence de m/z de 0,08 entre ces deux ions. Ce type de détecteur est susceptible de se détériorer lorsque le signal ionique incident est trop élevé. Par conséquent, les électrons sont collectés par une cage de Faraday dans ce dernier cas.

Dans le cas du ToF-SIMS, tous les ions secondaires peuvent être détectés simultanément.

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