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III. Méthode et techniques expérimentales

1. Méthodologie analytique

Ce travail de thèse traite de la problématique de la détermination de l’origine, biotique ou abiotique, des sulfures de fer observés lors de la corrosion anoxique de matériaux métalliques. La littérature présentée dans le chapitre précédent (Partie II) met en évidence que quel que soit leur mode de formation, biotique ou abiotique, les phases de sulfures de fer rencontrées dans ce type de profil de corrosion sont les mêmes : mackinawite (nanocristalline, cristalline ou partiellement oxydée), greigite, pyrite, pyrrhotite, smythite (AlAbbas et al., 2013; Duan et al., 2006; El Mendili et al., 2014; King and Miller, 1973; Langumier et al., 2009; Li et al., 2000; Neal et al., 2001; Romaine, 2014; Sherar et al., 2013a; Wikjord et al., 1980). La seule caractérisation structurale de ces sulfures de fer ne permet donc pas de conclure sur une potentielle intervention bactérienne dans les processus de formation des sulfures de fer. En revanche, la composition isotopique du soufre au sein de ces phases permettrait de conclure sur la (bio-)origine des sulfures de fer. En effet, les sulfures issus de l’activité métabolique seraient déplétés en soufre 34 par rapport à la source initiale de sulfate (Partie II.C.3.3).

La plupart des études traitant de l’origine biotique ou abiotique de composés soufrés sont menées dans le cadre d’études géologiques, cosmochimiques ou encore pétrochimiques (Baroni, 2006; Bühn et al., 2012; Druhan et al., 2014; Field et al., 2005; Kendall and Caldwell, 1998; Mehay, 2007; Thode, 1991; Thode et al., 1961). A notre connaissance une unique étude a été menée sur la composition isotopique des sulfures de fer formés lors des processus de biocorrosion anoxique (Little et al., 2012a). Toutes ces études, malgré des problématiques très différentes, emploient une même méthodologie analytique de détermination de la composition isotopique du soufre. Elle consiste à extraire le soufre sous forme de poudre de sulfate de baryum ou de sulfure d’argent. Puis, la combustion de ces poudres permet d’obtenir un gaz, le dioxyde de soufre (SO2). Il est alors possible d’analyser le

SO2 par les techniques IRMS (Isotopic-Ration Mass Spectrometry) et d’en déduire la

composition isotopique moyenne du soufre dans l’échantillon initial. Il s’agit d’une méthode d’analyse isotopique globale et destructrice. A l’issu de l’analyse, l’échantillon est détruit et la valeur de la composition isotopique obtenue est une moyenne de la composition isotopique du soufre sur l’ensemble de l’échantillon ayant subi les procédés d’extraction. Ce type de méthodologie analytique est parfaitement adapté lorsqu’il s’agit simplement de déterminer

43 l’origine biotique ou abiotique des composés. Néanmoins dans le contexte de la corrosion, l’objectif in fine n’est pas seulement de déterminer l’origine des sulfures de fer formés, mais aussi de mieux comprendre les processus de (bio-)corrosion impliqués. La morphologie et la localisation des sulfures de fer au sein des faciès de corrosion sont des informations importantes pour une bonne compréhension des mécanismes de corrosion. Il serait donc intéressant de pouvoir déterminer l’origine biotique ou abiotique des sulfures de fer tout en préservant les faciès de corrosion. Par ailleurs, l’homogénéité ou l’hétérogénéité de la composition isotopique du soufre localement au sein de la couche de produits de corrosion peut également renseigner sur :

- le type de système de corrosion en présence (ouvert, fermé, quasi-fermé),

- l’impact des porosités sur les processus de (bio-)corrosion puisque la présence d’un réseau poreux dense pourrait notamment faciliter la migration d’ions et/ou permettre à des bactéries de pénétrer dans la couche de produits de corrosion. - la présence de zones de sulfures de fer biotiques et de zones de sulfures de fer

abiotiques dans un même échantillon.

Les recherches menées dans le cadre de cette thèse ont donc tout d’abord consisté à développer des méthodes d’analyse isotopique locale permettant de préserver les couches de produits de corrosion. Les techniques d’analyse isotopique étudiées sont les techniques de spectrométrie de masse à ions secondaires (SIMS). Ces techniques permettent des analyses isotopiques locales de surface tout en conservant les informations relatives à la localisation et à la morphologie des phases de sulfures de fer observées. Ces techniques n’ont cependant jamais été utilisées pour la détermination de la composition isotopique du soufre dans le cadre de la corrosion anoxique de matériaux métalliques.

Afin d’étudier la pertinence et la faisabilité des études de composition isotopique du soufre au sein des sulfures de fer, deux types de systèmes sont pris en compte : des systèmes modèles et des systèmes réels moyen et long terme.

Dans le cas des systèmes modèles, toutes les données concernant les conditions de corrosion et leur évolution au cours du temps sont connues. Il s’agit de coupons de fer corrodés en conditions contrôlées de laboratoire avec ou sans bactéries sulfato-réductrices.

Dans le cas des systèmes réels, la quantité d’informations disponibles sur les conditions de corrosion est variable :

- l’échantillon CBCC est un échantillon corrodé en cellule de percolation biotique au contact avec de l’argilite du Toarcien (Tournemire, Auvergne-Rhône-Alpes)

44 lors d’une expérience menée pendant 13 mois par C. Chautard (Chautard, 2013). La population bactérienne est contrôlée et la composition isotopique des sulfates accessible.

-

l'échantillon MCO 1202 Canne 3ter est un coupon d’acier corrodé pendant deux ans à 85°C au sein de l’argilite du Callovo-Oxfordien au laboratoire de recherche souterrain de l’Andra à Bure. La population bactérienne est non contrôlée mais la composition isotopique de la source de sulfates est accessible (Lerouge et al., 2011, 2014; Vinsot et al., 2008).

- des échantillons archéologiques corrodés sur des durées pluri-séculaires. Ces échantillons constituent le cas extrême pour lequel nous ne connaissons ni les caractéristiques du système initial de corrosion, ni son évolution exacte depuis l’enfouissement des objets jusqu’à leur excavation.

La méthodologie analytique mise en place dans cette étude est détaillée Figure III-1. Une première étape a consisté à étudier les profils de corrosion d’échantillons corrodés en milieu anoxique afin de bien appréhender les caractéristiques de ces liserés : taille, homogénéité, compositions élémentaire et structurale, cristallinité, environnement chimique. Ainsi les profils de corrosion, et en particulier les sulfures de fer présents dans les couches de produits de corrosion de ces échantillons, sont caractérisés à l’aide de méthodes d’analyse complémentaires : microscopie optique, µ-spectroscopie Raman, microscopie électronique à balayage avec EDS. Il en résulte que les liserés de sulfures de fer peuvent être très fins, seulement quelques micromètres d’épaisseur. En outre, ils sont souvent mêlés à des phases carbonatées. Ces caractéristiques doivent être prises en compte lors du choix de(s) technique(s) SIMS employées et lors de l’optimisation des méthodologies analytiques associées.

Les caractérisations élémentaire et structurale de ces échantillons nous ont permis de sélectionner deux techniques SIMS grâce à leurs hautes résolutions spatiale et massique. La haute résolution spatiale est, en effet, compatible avec la taille micrométrique des liserés tandis que la haute résolution massique permet de séparer le signal du soufre 32 et le signal du dioxygène 16 dû à la présence de carbonates à proximité. Il s’agit des techniques nanoSIMS et ToF-SIMS mode burst. Les tests réalisés sur des échantillons de référence ainsi que sur les échantillons archéologiques, nous ont ensuite permis de développer et/ou optimiser les méthodologies analytiques employées afin d’obtenir des compositions isotopiques locales justes et précises.

45 Enfin, l’étude isotopique par SIMS des échantillons préalablement cités nous a permis de développer les raisonnements analytiques adaptés à chaque type d’échantillon en fonction de notre niveau de connaissance du système de corrosion.

En adaptant le raisonnement analytique en fonction des données à notre disposition, nous avons été en mesure de formuler des hypothèses sur l’origine des sulfures de fer observés et les mécanismes de corrosion ayant abouti à leur formation.

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