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Sur la genèse du credo du tangrisme classique

Beaucoup des auteurs expliquent la création les succès d'Attila par son éducation gréco-romaine. Pourtant déjà le premier Empire asiatique des Huns, créé environs 750 ans avant Attila, était déjà très bien organisé.

Sadri Maksudi compare dans son livre Histoire et droit des peuples turques [15] le premier Empire des Huns avec les Etats féodaux européens :

« Nous voyons dans l'Etat des Huns Beaucoup des traits inhérents à la féodalité :

1. Le pays des Hun était aussi divisé en différents beylik. Ces 24 unités administratives de l'État des Huns, on peut appeler plutôt les fiefs que les simples provinces.

2. Le pouvoir chez les Huns était dans les mains des beys, et ils composaient une classe privilégiée, une aristocratie.

3. La classe dirigeante chez les Huns était à la fois unes caste militaire. Toutes ces caractéristiques sont communes à la formation sociale des Huns et le féodalisme européen. Mais il y a aussi les différences entre eux, qui sont les suivants:

1. Les Huns avait une forte autorité centrale en la personne souveraine de Tengri Kut. Il ne fut pas un monarque de style européen, qui a été forcé de se battre pour l'affirmation de sa puissance. Tengri Kut avait le plein pouvoir et la grande autorité, tout son désir était de la loi pour les beys.

2. Dans le système de la féodalité européenne des unités militaires des seigneurs étaient autonomes. Il n'y avait pas de subordination entre eux. Dans l'Etat des Hun chaque bey avait aussi son armée, mais tous les troupes étaient directement subordonnées à Tengri Kut ...

3. En Europe féodale, les relations entre un grand seigneur et son vassal étaient fondées sur un accord. C'était une relation du droit civil fondée sur les obligations contractuelles.

Dans la formation politique des Huns la subordination des beys à Tengri Kut n'était pas contractuelle. Elle était définie par les principes du droit public, généré par le pouvoir, qui, en termes juridiques, était reconnu par la puissance et l'autorité de Tengri Kut.

L'Etat des Huns était différent de l'Etat féodal européen. Peut-on l'État des Huns appeler monarchie centralisée ? Oui, l'Etat des Hun était une monarchie absolue centralisée. » ([15], p. 188-189)

Le titre du chef d'état Tengri Kut (Tangra Kut) est très signifivatif :

"Bien que les historiens chinois écrivaient ce titre sous la forme de Tingli Kutu et traduisaient comme« Fils du ciel », ne fait aucun doute que la seule orthographe correcte est Tengri Kut... Il ne fait aucun doute que le titre de Tengri Kut signifiait puissance céleste, règne céleste. Nous avons déjà prouvé que dans

la langue des anciennes turques le mot kut avait aussi les significations bonheur, grandeur, puissance, domination politique ...

Dans les sources chinoises le titre Tengri Kut est complété par un autre titre - Tang Hu. Les sinologues européens lisent ce mot de différentes façons : Şen-Yu (Rahip Biçurin, op.cit p 12). » ([15], p. 354)

On transcrit ce deuxième titre actuellement sous la forme Shanyu. La signification de base du mot kut est âme. Par conséquent, le titre Tengri Kut peut également avoir le sens de Âme Divine ou Élu par Tangra.

Il est probable que dans le premier Empire des Huns (il y a 2000-2300 ans) le credo de la religion tangrienne ne contenait pas encore l'idée d'un gouvernement mondial, mais affirmait que tous les peuples et tribus des steppes avec la même manière de la vie doivent avoir un seul dirigeant, élu par Tangra.

Le désir d'Attila à créer une fédération des nations européennes sous son autorité est une extension naturelle de cette idée. Il commençait à penser probablement du gouvernement mondial, dans ce cas, il est créateur du credo du tangrism classique.

Dans le même temps, on n'a pas tenté d'unifier les cultes régionaux et tribaux, parce qu'il existait un consensus que tous ces cultes mènent à Tangra.

Très tôt, l’art militaire des cavaliers des steppes a atteint un niveau très élevé. Ensuite, il s’est développé lentement à cause de cette performance. Nous observons le même phénomène par rapport à la religion tangrienne. En effet, la religion tangrienne a servi plus de 1500 ans l’idée de l’unité des peuples des steppes et même l’idée de la création de l’Empire universel.

Gérard Chaliand résume les recherches sur l'art militaire des peuples de la steppe de la façon suivante :

« Nulle part, hors de la steppe, la révolution que constitue l'usage de la cavalerie n'a été portée à une telle efficacité militaire. Mobilité, capacité de concentration, puissance de jet de l'arc à double courbure, technique de harcèlement et de feintes font des nomades de la steppe, … , les représentants majeurs d'une culture stratégique d'une singulière efficacité ... » ([21], p. 61).

« Les front militaires des nomades altaïques couvrent – à l’exception du Magreb – l'ensemble du théâtre des conflits du monde antique et médiéval. Sur les deux millénaires où ces nomades exercent leur pesée, à deux reprise, ils sont présent à l'échelle du monde : aux IV-V siècles et aux XIII-XV siècles de notre ére. » (p. 59).

La complication de ses dogmes et leur fixation étaient impossibles à cause de la trop large diffusion de cette religion. A la différence, par exemple, de la

religion chrétienne, où les dirigeants des différentes Eglises imposent leurs interprétations des dogmes et luttent contre le non-conformisme, la religion tangrienne n’a été basée que sur les principes généraux reconnus pratiquement par tous les peuples turco-mongols. La fixation rigide des dogmes aurait pu empêcher les tentatives permanentes de réunir ces peuples autour des chefs ou les peuples ayant reçu les signes de bienveillance de Tangra, convainquant pour les habitants des steppes.

Evidemment, pendant les périodes du morcellement, les différents peuples et tribus commençaient à interpréter à leur manière la religion tangrienne. Certaines tribus passaient, sous l’influence de leur voisins païens, à l’interprétation polythéiste. Notos que la notion du Dieu comme de l’ensemble de toutes les forces, de tous les champs inconnus et des leurs sources, capables d’aider un homme, est compatible avec tous les autres perceptions, par exemple, du Dieu comme du Créateur. On peut aussi détacher de cet ensemble universel des sous-ensembles de forces, de champs inconnus et de leurs sources, capables d’aider un homme dans certaines de ses activités et les nommer par les noms des divinités (des anges, des esprits, etc.) traditionnelles. Ainsi nous levons la contradiction qui existe à première vue entre les interprétations monothéiste («impériale» d’après A.Kodar) et polythéiste du tangrisme.

Mais quand un nouvel empire naissait, l’idéologie dominante essayait de renforcer l’interprétation monothéiste de la religion tangrienne. Considérez ce processus sur l'exemple de la création de l'Empire mongol. Temüjin (le futur Genghis Khan) était sans aucun doute élèvé dans l'esprit de tolérance religieuse («plusieurs voies vers un seul Dieu») et rêvait d'une vie paisible dans des conditions de fragmentation et d'escarmouches continues des tribus steppiques renforcées dans son cas par une situation de grande insecurité après la mort de son père.

Il suffit de citer quelques extraits de l'Histoire Secrète des Mongols (d’après [22] et http://altaica.ru/SECRET/e_tovchoo.php#I ) en soulignant les endroits les plus intéressants :

§ 72… Ils levèrent le camp en abandonnant Dame Hoelün, les mères et les fils. Quand Caraqa-le-Vieux tenta de les en empêcher, Todoen répondit :

« Les flots profonds sont taris, Les pierres claires sont brisées ! Comment nous en empêcherais-tu ! »

Et, de derrière, il lui percère l’échine à coups de lance.

§ 73. Comme Caraqa-le-Vieux, rentré chez lui blessé, gisait en grandes souffrances, Temüjin alla le voir. Caraqa-le-Vieux lui dit :

« Le peuple rassemblé par ton exellent père, tout notre peuple, ils l’ont pris et ils ont levé le camp. Quand j’ai voulu les en empêcher, voici ce qu’on m’a fait ! »

A ces mots, Temüjin versa des larmes et sortit ... § 74… Alors :

Dame Hoelün, femme avisée de naissance, Eleva ses enfants petits et grands.

Attachant bien serrée sa coiffure d’épouse, Retroussant dans sa ceinture les pans de sa robe, Elle parcourait la rivière Onon en amont et en aval, Cueillait airelles et cerises sauvages,

Et nourissait jour et nuit leur gosier. Mère, la Dame, âme forte de naissance, Elèvait ses fils bienheureux.

Avec en main une pique en bois de cyprès

Elle déterrait pour les nourrir la sanguisorbe et l’ansérine. Ces fils nourris par Mère, la Dame,

Des poireaux sauvages et de ciboule Accéderent au rang de roi.

Ces fils nourris de fruits sauvages Par Mère, la Dame, aux bons préceptes Devinrent des sages, pillier de la loi.

§ 254... Alors Bleu-l’Ardent, débout du côté est, dit : «Pourquoi une telle précipitation, Blanchet (Chaadaï) ? Parmi ses enfants c’est toi que ton père le Roi attendait beaucoup. Je vais vous dire à quoi ressemblait la vie quand vous n'étiez pas venus au monde:

Le Ciel étoilé était en révolution,

Les peuples nombreux étaient en conflit : Jamais couchés dans leur lit,

Ils se faisaient captifs les uns les autres. La Terre fertile était boulversée,

Tous les peuples étaient en conflit : Jamais en repos sous leur couverture, Ils s’attaquaient les uns les autres. En de pareils temps, ta mère

Ne l’avait pas souhaité, certes pas :

C’est advenu en un temps où l’on s’affrontait. Elle ne s’était pas s’enfuie, certes pas :

C’est advenu en un temps où l’on se battait. Elle n’était pas amoureuse, certes pas :

C’est advenu en un temps où l’on s’entre-tuait. Tu parle au risque de durcir les tendres sentiments De ta mère, la Reine vénérable,

Au risque d’aigrir son coeur du lait ! … Si tu blesses ta mère

Du sein de qui tu est né,

Tu ne pourra fondre ses griefs ! Lorsque votre père le Roi-Aigle Edifait la nation entière,

Attachant à sa selle sa tête noire,

Emplissant de grands sacs de son sang noir, Sans ciller de ses yeux noirs,

Sans poser sur le coussin le plat de son oreille, Faisant un coussin de sa manche,

Etalant le pan de sa robe,

Etanchant sa soif avec sa salive

Soupant des débris logés entre ses dents, Tant s’efforçant et s’acharnant

Que la sueur de son front rejoignait ses pieds, Que la sueurs de ses pieds atteignait son front, En ce temps-là, votre mère peinait avec lui ...

C’est pourquoi, il était naturel, l’apparution et le renforcement d’un rêve d'unir les peuples «dans la joie et la paix», en utilisant, si nécessaire, des méthodes cruelles, mais naturelles pour cette époque.

§ 279. L’Empereur Ogodaï dit ainsi :

« Nous ne voulons pas tourmenter la nation que mon père Gengis Khan a instauré avec peine. Lui permettant de poser ses pieds sur le sol, ses mains sur la terre, nous la laisserons vivre heureuse …

Après les grandes victoires de Gengis Khan, il semblait tout à fait possible l'idée d'un gouvernement mondial formulé en termes : « Il n’y a qu’un seul Dieu dans le ciel et, sur la terre, il ne doit être qu’un seul maître». Les cavaliers des steppes «dirigées vers le droit chemin» par Gengis Khan, se voyaient dans le rôle des forces armées du futur Etat mondial et s’unissaient assez facilement sous la bannière de l'Empire mongol. Il était prévu que le monde sera conquis en quelques décennies : « Et ils ont l'intention de subjuguer le monde entier, ayant une révélation divine qu'ils dévastent le monde pendant trente-neuf ans. Ils affirment la punition divine pour purifier le monde ... ([23], p. 800-801)

A cette fin, les guerriers ne ménageait ni leur propre vie, ni celle des autres pendant la guerre, mais parmi la population pacifique devait être «aussi inoffensifs qu'un petit veau» ([23], p. 104).