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Les sukuk représentatifs d’un droit personnel ou asset-based sukuk

Cette catégorie de sukuk est appelée asset-based sukuk parce que l’émetteur est dépossédé de l’actif. En réalité, seul sera cédé un droit aux revenus de l’actif tangible. Compte tenu du rôle prépondérant de la possession dans la propriété islamique qui confère à son titulaire un droit de suite opposable à la cession du bien par son propriétaire574, un actif tangible dont le propriétaire est dépossédé affaiblit sa situation juridique. L’actif étant impossible à céder avant sa réception par l’émetteur, les sukuk qu’il sous-tend deviennent des titres de dette. Les souscripteurs disposent d’un droit personnel qu’ils exercent par l’intermédiaire de l’émetteur à l’encontre de l’emprunteur afin qu’il livre l’actif salam des sukuk ou le produit de sa vente à un tiers. Ils ont le droit au prix qui est réglé périodiquement en contrepartie de l’actif murâbaha que l’emprunteur a conservé dans sa possession, ou encore, le droit aux revenus d’une prestation de services (sukuk al khadamâte). Les prétendus revenus de l’actif ne sont pas issus d’une véritable exploitation de celui-ci, mais de l’exécution de l’obligation contractuelle sous-jacente, d’où la connotation obligataire des titres.

Les agences de notation financière scindent les sukuk en deux catégories : ceux dont l’exécution forcée peut être diligentée uniquement contre la personne de l’émetteur et ceux qui confèrent un droit de liquider l’actif tangible575. Juridiquement

parlant, le critère de distinction tient uniquement à la nature du droit des souscripteurs : réel ou personnel. L’agence de notation Moody’s ainsi que l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) ou IOSCO576, utilisent la même

summa divisio asset-backed et asset-based sukuk qui est établie selon eux, sur le critère

de la charge du risque et sa nature. Dans les asset-based sukuk le risque transféré par le titre est principalement le risque de crédit, alors que celui des asset-backed sukuk repose essentiellement sur la performance de l’actif sous-jacent. Une catégorie intermédiaire combine le risque de crédit avec celui des résultats d’exploitation de

574 Ch. Chéhata, Essai sur la théorie de l’obligation en droit musulman hanafite , op. cit., n° 270, p. 174. 575 Standard & Poor’s, Islamic Finance Outlook , 2008 ; Fitch’s, Ratings critera report, 5 march 2007.

576 Moody’s, “Special report on sukuk”, 25 February 2008 et, “The future of sukuk : substance over form ?”, 6 may 2009, p.

l’actif sous-jacent. Or la nature du risque dépend de celle du droit dont jouissent les souscripteurs, et ainsi les critères de distinction précités se confondent.

Compte tenu de la structuration des sukuk, les titulaires jouissent d’un droit personnel à l’encontre de l’émetteur en vertu du contrat d’émission ainsi que d’un droit aux utilités de l’actif sous-jacent. Dans cette catégorie de sukuk, le contrat sous-jacent ne transmet pas la possession de l’actif à l’émetteur. Dépossédé, l’émetteur gère l’opération en attendant que l’emprunteur exécute intégralement ses obligations de faire ou de payer en vertu du contrat sous-jacent. Et puisqu’en Islam, les prérogatives du propriétaire sur son bien ne peuvent être exercées en cas de dépossession, les sukuk adossés sur ces actifs sont équivalents à un titre de créance (bonds)577. La dépossession peut être permanente (Sous- section 1), ou temporaire (Sous-section 2).

Sous-section 1. Les sukuk représentatifs d’un droit personnel à titre permanent

Il existe trois structures de sukuk qui confèrent au souscripteur un droit personnel permanent : les sukuk al salam, les sukuk al murâbaha et les sukuk de services. Tous les contrats sous-jacents des asset-based sukuk impliquent une vente à terme (bay’ mu-

ajjal), alors que les asset-backed sukuk ont pour sous-jacent un contrat déjà été exécutés dès

la conclusion du contrat.

Par conséquent, à la maturité des titres, l’emprunteur des asset-based

sukuk doit soit acheter et livrer la chose (sukuk al salam) qui n’était pas en sa possession

pendant la durée de l’opération (§1), soit régler le prix de la chose dont il a été livré (sukuk

al murâbaha) (§2), ou encore effectuer une prestation de services préalablement payée

(sukuk de services/khadamâte) (§3). La rémunération des souscripteurs proviedra donc du prix de l’actif dû par l’emprunteur et non d’un quelconque droit de jouissance sur l’actif. La nature obligataire étant prédominante dans cette catégorie de sukuk, ils sont restreints à la cession sur le marché secondaire en vertu du principe de l’interdiction de vendre la dette par la dette (bay’ al dayn).

577 Moody’s, Investors services, The future of sukuk , ét. précit., p. 1 ; Sheikh Taqi Usmani, Sukuk and their contemporary applications, ét. précit., p. 4.

§1. Sukuk al salam578

Sous la pression des banques islamiques en besoin d’améliorer leur gestion des liquidités, l’Organisation de la conférence islamique a fini par autoriser les sukuk

al salam, sous réserve de maturité à très court terme, et de détermination précise du

délai de livraison ainsi que du descriptif du bien objet du salam579. Pourtant, elle avait

interdit l’émission de sukuk similaires aux zero bonds/prize bonds jusqu’en 1990580.

Les contrats salam581 et murâbaha sont des contrats à terme acceptés en Chari’a. Lorsque le contrat à terme comporte le report des deux obligations, comme c’est le cas des contrats forward et futures582, la vente de la dette par la dette est caractérisée583.

Mécanisme. Régis par le standard 10 et les articles 3/3 et 5/1/5/3 du standard 17 des normes chari’atiques AAOIFI, les sukuk al salam sont des titres financiers à court ou très court terme, dont le sous-jacent est un contrat de vente salam584 conclu entre l’emprunteur (souvent banque islamique ou organisme public) et l’entité émettrice. L’emprunteur ayant déjà reçu le prix de l’actif au moyen des fonds collectés auprès des souscripteurs, aura la charge de livrer l’actif au terme convenu au contrat sous-jacent lequel correspond au terme des sukuk al salam stipulé dans le prospectus. L’émetteur qui agit pour le compte des souscripteurs n’étant pas intéressé d’être livré de l’actif, procède à sa vente à un tiers (souvent tiers arrangeur) au moyen d’un salam parallèle ou d’une promesse unilatérale d’achat585 avant d’en reverser le prix aux souscripteurs.

578 AAOIFI, standard 10, art. 2/2 : Le terme salaf ou vente peuvent également être utilisés dès lors que le concept est clairement

exposé au contrat : A contrat of salam may be concluded using the word salam or salaf or sale or any term that indicates sale

of a prescribed commodity for deferred delivery in exchange for immediate payment of the price ”.

579 Al Jaziri, Kitâb al fiqh ‘ala al mazhahib al arba’ , éd. Dâr Al kotob al ‘ilmiyya, Beyrouth, 2003, vol. II, p. 280.

580 OIC, Fiqh academy, résol. n° 60/11/6, “ Bonds”, 14-20 mars 1990. La vente des zero bonds se fait au prix inférieur à la

valeur nominale, et celle des prize bonds se fait à un prix prédéterminé. Dans les deux cas, il y a atteinte aux prescriptions de la Chari’a.

581 Coran, Sourate de la vache, n° 282 : « Ô croyants ! Lorsque vous contractez une dette à terme, consignez -la par écrit et

qu’un rédacteur requis par vous en enregistre les clauses avec fidélité. (…). N’omettez pas de mettre par écrit tout acte de prêt, quel qu’en soit le montant et d’en préciser l’échéance. (…) » ; Hadith recueilli par Ibn ‘Abbâs et relate notamment par Al Bukhâri, op. cit. n° 2240 ; Al Kâsâni, op. cit., vol. VII, p. 101.

582 OIC, Fiqh academy , résol., n° 63/1/7, 9 -14 mai 1992, “ Financial markets”: A propos des contrats dits options (produits

dérivés de couverture des risques) V. II, b) : “ Since the object of the contract is neither a sum of money nor a utility or a financial

right which may be waived, then the contract is not permissible in Shari'a ” ; A propos des contrats sur marchandises avec report des

deux obligations contractuelles, la raison chari’atique qui justifie l’interdiction, III, 1, pt 3 : “This contract is not permissible

because of the deferment of the two elements of the exchange. It may be amended to meet the well -known conditions of ‘salam’ (advance payment). If it does so, it shall be permissible”.

583 M. El Gamal, op. cit., n° 1.3, pp. 119 et 120 ; W. Al Zuhaïli, Al mu’âmalâte al mâliyya al mo’âssira, op.cit ., pp. 131 et 132. 584 Les populations de la Péninsule arabique nommaient ce type de contrats salam, alors que celles de la région de l’Irak lui

donnait l’appellation de salaf, v. Al Châfé’i, op. cit., vol. IV, p. 181.

Les conditions chari’atiques. Comme tous les contrats islamiques à terme, tous les détails du contrat salam doivent être explicités dans le prospectus des sukuk al salam. Or l’emprunteur vendeur à terme ne connaît pas vraiment le prix de la chose à livrer au moment de sa livraison. Compte tenu du risque de fluctuation du prix entre le début de l’opération et son dénouement, les contrats salam et dont les sukuk qu’ils sous-tendent doivent être de courte durée (variable entre 3 mois à un an selon l’école jurisprudentielle concernée586). Le prix de l’actif à sa livraison, lequel n’est autre que la rémunération des souscripteurs est déterminable en référence au prix du marché (souvent LIBOR/EURIBOR ou d’autres références nationales)587. Sa détermination à l’avance constituerait un prêt à intérêt (riba). L’actif salam peut être un bien meuble, immeuble, un bien fongible sauf de la monnaie588.

La fixation de la rémunération des souscripteurs dès le début de l’opération est constitutive de riba. Le prix de l’actif doit correspondre à la valeur de l’émission selon les dispositions de l’article 5/1/5/3, et les comités de surveillance chari’atique en font une stricte application589. Le profit est hypothétique et ne sera connu qu’à l’échéance des titres et donc à la livraison/revente de l’actif, à l’issue de laquelle les investisseurs espèrent réaliser une plus-value, si les conditions du marché sont favorables. La pratique des salam parallèles et des promesses unilatérales d’achat démontre qu’ils servent d’outils de garanties du capital, puisque l’insertion d’un tiers (arrangeur) dans l’opération légalise la détermination du prix d’achat par rapport au prix initial majoré d’une marge590.

Souvent comparés aux zero ou prize bonds, les sukuk al salam ne peuvent être négociés sur le marché secondaire (article 5/2/14) avant la livraison de l’actif salam. Si une livraison périodique est approuvée par le comité, les sukuk al salam ne peuvent être négociés sur le marché secondaire qu’après avoir atteint un ratio de tangibilité égal à 33 % (parfois 50 %)591.

586 L’Ecole mâlikite (Mâlik bin Anass) avait imposé la courte durée du contrat salam (3 jours, éventuellement assorti d’une

condition chart), alors que la majorité des écoles y ont exigé l’absence de toute condition ( chart) : Al Kâsâni, op. cit., vol. VII., p. 101.

587 Dubai International Financial Centre & Clifford Chance, sukuk guide book, ét. précit., pp. 34 à 39 . 588 AAOIFI, standard 10, art. 3/2.

589 Dubai International Financial Centre & Clifford Chance, Sukuk Guide book, 2009, pp. 34 et 35. 590 Islamic Finance Qualification, op. cit., p. 186.

591 AAOIFI, standard 17, art. 5.2/14 : “It is not permissible de trade in Salam certificates” ; Dubai International Financial Centre & Clifford Chance, Sukuk Guide book, 2009, ibid.

La banque centrale du Bahraïn émet fréquemment des sukuk al salam d’une durée ne dépassant pas un an. La dernière en date a été effectuée en avril 2018 pour un volume total de 3 mois avec un taux de profit espéré de 3,32 %592.

§2. Sukuk al murâbaha

Mécanisme de la murâbaha. La murâbaha est un des contrats de vente à terme licites593 (buyu’ al âjâl ou buyu’ mu-ajjala) qui consiste en une livraison de l’objet du contrat dès sa conclusion, en contrepartie d’un prix différé augmenté d’une marge.

Basé sur la confiance entre les parties594, ce type de contrat fiduciaire (trust sale) inclut deux ventes successives où le murâbeh, qui est souvent le banquier, agit en qualité d’intermédiaire pour acquérir et livrer un bien désigné par l’emprunteur (al âmer bil chirâ-

a), avant d’en percevoir le prix selon un échéancier prédéterminé. Malgré les nombreuses

controverses qu’elle a suscitées, cette forme de vente à crédit a fini par obtenir l’aval des

fouqahâ, dont le premier était le juriste Al Châfé’i595, et qui l’ont classée dans la catégorie

des contrats de vente nommés596.

Embarras à l’égard de la vente double et le risque de riba. Compte tenu de l’interdiction par le Prophète de la double vente (bay’atân fi bay’a/bay’atân fi wâhida)597 et

le spectre du riba omniprésent dans les esprits des fouqahâ, les ventes doubles sont licites sous réserve d’absence de marge entre les prix.

Alors que cette technique de double vente, connue sous le nom de bay’ al

‘ayyina598, n’est pas prohibée chez les châfé’ïtes dès lors que les contrats et leurs objets sont

conformes à la Chari’a dans leur apparence, les hanbalites les ont classés dans la catégorie

592 Banque Centrale du Bahrain, communiqué, 12 juin 2019. https://www.cbb.gov.bh/page.php?p=cbb_sukuk_al -

salam_securities_subscribed__120619

593 OIC, Fiqh academy, résol., n° 40-41 (2/5 et 3/5), 10 -15 déc. 1988, (sur l’exécution de la promesse et le contrat murâbaha). 594 Licéité basée sur un Hadith relaté par Abdallah bin ‘Amr, retranscris par Mu slim, Al Bukhâri, Ibn Hanbal, dans lequel le

Prophète a donné à l’exécution d’une promesse la valeur d’une obligation religieuse. V. W. Al Zuhaïli, Al Mu’âmalâte al

mâliyya al mo’âssira, op. cit., p. 70.

595 Al Châféi, Al Omm, éd. Dâr Al wafa , Arabie-Saoudite, 2001, vol III, p. 33.

596 Al Kasâni (hanafite), op. cit., vol VI, p. 180 ; Mâlik bin Anass, op. cit., n° 77, p. 667 ; Ibn Qudâma (hanbalite), op. cit.,

Vol. VI, pp. 266 et s. ; Ibn Taymiyya (châfé’ite), fatâwas.

597 Hadith du Prophète transmis par Abou Huraïra et relaté par : Muslim, Sahih ; Al Nassâ-i, Al Tirmizhi, Al jâmé’ al kabîr ;

cf. W. Al Zuhaïli, Al Mu’âmalâte al mâliyya al mo’âssira , éd. Dâr al fikr, Damas-Beyrouth, 2002, p. 35 ; Un autre Hadith transmis par Aïcha la dernière épouse du Prophète, relayé notamment par Al Bayhaqi (châféite), Al Sunan al kubra , op. cit., vol V, p. 330.

de ruses (hiyal), qui entraînent toute la nullité du contrat599. Les mâlikites eux, pensent que les contrats à terme sont valides dans leur principe sauf s’ils constituent une bay’ al ‘ayyina, laquelle selon eux, est caractérisée par l’écart entre les prix successifs. Cependant, et à l’instar des hanbalites, ils ont interdit les bay’ al ‘ayyina pour éviter qu’elle ne constitue un

subterfuge pour contourner l’interdition du prêt à intérêt600. Abou Hanifa, lui ne voit dans la

bay’ al ‘ayyina aucune atteinte à la Chari’a s’il existe une période entre les deux ventes

successives, ou un tiers inséré entre les parties à l’accord initial601.

Légalisation de la vente à crédit. Dans les ventes à terme dont le prix est reporté, il existe plusieurs types contrats autorisés, que nous pouvons regrouper dans deux catégories générales :

(i) Bay’ bil wafa (ou bay’ al ‘uhda, bay’ al amâna, ou bay’ al thanâya) : une vente fiduciaire602 avec report du prix où la transparence est totale entre le vendeur et l’acquéreur sur le prix et ses modalités, d’où le terme wafa ou amana qui désigne la loyauté du vendeur dans la conclusion des deux contrats. La murâbaha en fait partie603. Elle a été considérée comme un subterfuge (hîla) autorisé en droit musulman des contrats604.

(ii) la revente sans obligation de transparence sur le prix intial : elle s’apparente à une commande de bien déterminé que l’intermédiaire achète auprès d’un tiers et revend à son client, sans avoir à dévoiler le prix initial ni sa marge de profit. Il en existe deux sous-types : al mussâwama où le contrat est conclu sans précision sur le prix final, mais qui sera convenu lors de la livraison, et bay’ bithaman âjil605 où le prix final est précisé au contrat sans distinction entre le coût de revient et de la marge bénéficiaire, aux côtés des autres détails propres au contrat (lieu, date de livraison, de paiement et autres modalités). Il existe une troisième forme de vente dont la rémunération n’est pas déterminée à la

599 Ibn Qudâma (hanbalite), op. cit., vol. IV, n° 174 et s. ; Ibn Taymiyya, op. cit., vol XXIX, n° 446 et s.

600 Littéralement, la théorie de sadd al tharâ-i’ considère que certains outils juridiques licites peuvent être interdits compte

tenu de la présomption d’illicéité qui pèse sur l’opération ; M. Al Bogha, op. cit., p. 572 ; W. Al Zuhaïli, Ossoul al fiqh al

islâmi, éd. Dâr al fikr Damas, 1986, vol. II, p. 873. 601 Ibn Âbidîne, op. cit., vol. V, p. 225.

602 Majalla, art. 118 : « La vente à réméré ou bey bil vefa est une vente sous condition de restitution de la chose en contrepartie

de la restitution du prix ». La vente bay bil wafa, est classée dans la catégorie des « sûretés ».

603 C. civ. des Emirats Arabes Unis (en arabe), art. 584 : la revente de la chose même à son vendeur initial ( bay al ‘ayina) est

acceptée si elle équivaut à une murâbaha (vente avec marge) non constitutive de prêt à intérêt.

604 S. Mahmassâni, Falsafat al tachrî’ fil Islam, op. cit ., p. 245. 605 Littéralement, vente à terme.

conclusion du contrat. Elle consiste en une gratification pour la prestation d’intermédiation accomplie (jo’âla).

La licéité de la murâbaha classique606. Dans le droit financier contemporain,

les banques et institutions financières islamiques ont souvent recours à la conclusion de contrats murâbaha pour financer l’acquisition de logements par leurs clients particuliers. La marge qui frappe le prix initial n’a pas été jugée ribawi, puisqu’elle correspond, non pas à la rémunération du temps écoulé, mais au prix de la prestation de l’intermédiaire financier à trouver et conclure avec le tiers pour le compte de son client. Ce type de vente à terme a été approuvé par l’Organisation de la conférence islamique en 1988607.

La transparence du contrat murâbaha la distingue sensiblement du contrat de vente à terme classique bay’ bi thaman âjil et du contrat mussâwama, en ce sens que le prix dans ces deux contrats est déterminé de manière globale sans que le montant de la marge ni le prix d’acquisition auprès du fournisseur ne soient précisés distinctement l’un de l’autre. Il est également possible que la murâbaha serve de contrat-cadre avec livraison immédiate et paiement échelonné selon un calendrier bien établi à l’avance608, pour un donneur d’ordre.

La forme de murâbaha pratiquée par les institutions financières islamiques. Selon les dispositions de l’article 2/1/3 standard 8 AAOIFI relatif à la murâbaha609, un ordre

d’acheter est formulé sous forme de promesse d’acheter, révocable ou irrévocable610, dans

laquelle les caractéristiques du bien, le fabriquant/fournisseur et toutes les modalités relatives à l’opération de double vente. Le donneur d’ordre devra s’acquitter d’une somme d’argent (hâmiche al jiddiyyah) qui garantit sa capacité à dédommager l’intermédiaire en cas de non-exécution de sa promesse irrévocable d’acheter611, et que la banque devra lui restituer

606 OIC, Fiqh academy, résol. n° 64/2/7, 9-14 mai 1992, art. 1er, à propos des ventes à crédit (installment sale). 607 OIC, Fiqh academy, résol., n° 40-41 (2/5 et 3/5), 10-15 déc. 1988, précit.

608 Financement par contrat murâbaha entre PIA (Pakistan International Airlines) et IICG (Islamic Investment Company of the

Gulf) en 1995 pour l’acquistion immédiate de kérozène pour les besoins des aéronefs, avec un paiement échelonné sur une période de 2 ans. Rapport provisoire PIA, http://www.piac.com.pk/PIA_About/profiles/2005/Interim_rpt_1st_qtr.pdf ; mention faite dans MBA Finance, ouvrage collectif, M. Bertonèche, A. Bilan, N. Bouzou, A. Cartapanis, J.-F. Casta, F. Seddaha, E. Cohen, J.-M. Dalbarade, A. Douhane, P. Fernandes, D. Folus, C. Gimet, C. Gresse, P. Poncet, R. Portait, O. Ramond, M. Ruimy, J.-M. Rocchi, B. Soltani, O. Tabatoni, 2ème éd., Eyrolles, 2017, p. 712.

609 AAOIFI, standard 8, art. 2/1/3 : “The customer’s wish to acquire the item does not constitute a promise, or commitment, except when it has been expressed in due form. (…)”.

610 OIC, Fiqh academy , résol., n° 40-41 (2/5 et 3/5), 10-15 déc. 1988, art. 2, relative à la murâbaha et précisant que le caractère

unilatéral de la promesse n’oblige pas le promettant.

611 AAOIFI, standard 8, art. 2/5/3 et 2/5/4, Murâbaha to the purchase orderer. Art. 2/5/3 : “It is permissible for the institution in the case of binding promise by the customer, to take a sum of money as hamish jiddiyah (ie security deposit). This is to be paid by the customer at the request of the institution, both as an indication of the financial capacity of the customer and t o ensure the compensation of any damage to the insisution arising from a breach by the customer of his binding promise. Having

ou déduire du montant total de la murâbaha si le donneur d’ordre accepte le contrat612. Après