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Les caractéristiques du bien objet du contrat

Le droit français813 et le droit musulman814 consacrent le transfert de la propriété d’une chose vendue, solo consensu lequel est souvent concomitant à la conclusion du contrat. L’article 1583 du Code civil dispose que la vente est parfaite et le transfert de propriété acquis dès accord sur la chose et le prix : « Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoi que la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».

Si la pureté et la rentabilité sont les conditions de la patrimonialité de la chose, leurs défauts sont susceptibles d’invalider le contrat. A contrario, la détermination (Sous-section 1), l’existence (Sous-section 2), la livrabilité (Sous- section 3) et le titre (Sous-section 4) sont ci-après qualifiés de caractéristiques qui influent variablement sur la validité du contrat.

Sous-section 1. L’indispensable détermination de l’actif sous-jacent

Les stipulations du contrat sous-jacent doivent obligatoirement déterminer l’actif générateur de revenus et qui sera transféré entre les mains de la

SPV/Trustee, et ce en vertu des articles 5/1/8/2, 5/1/8/3 et 5/1/8/5815. Le fait est que le

813 C. civ., art. 1196, al. 1er : « Dans les contrats ayant pour objet l’aliénation de la propriété ou ou la cession d’un autre droit,

le transfert s’opère lors de la conclusion du contrat ».

814 Ch. Chéhata, « Sur l’acte translatif de propriété en droit musulman hanafite », in Travaux de la semaine internationale de droit musulman, op. cit., p. 36.

815 AAOIFI, standard 17, art. 5/1/8/2 : “ The prospectus of sukuk must include the identification of the contract on the basis of which the certificates are to be issued, such as sale of tangible asset, ijar a, (…)” ; Art. 5/1/8/3 : “the contract that forms the basis of the issue must be complete with respect to its elements and conditions and (…)” ; Art. 5/1/8/5 : “The prospectus must

principe du consentement éclairé en droit classique fait présumer que l’acquéreur avait procédé à un examen visuel (ru-ya) de la chose objet du contrat, et pris connaissance de ses caractéristiques avant de consentir à l’achat. À défaut d’examen visuel, une clause expresse peut être stipulée pour décrire les caractéristiques de la chose (poids, quantité, etc.), ce qui suffit à former le contrat ou, à en suspendre ou annuler rétroactivement la formation du contrat si le visionnage n’est pas concluant (khiyâr

shart al ru-ya816).

La description précise de la chose dans les clauses contractuelles817 assure le consentement éclairé de l’acquéreur. Il ne sera pas exposé au risque (gharar) d’ignorance (jahâla) portant sur l’obligation de son co-contractant. Les contrats gharar sont les contrats dont la réalisation de l’obligation subordonnée à un évènement fortuit comme les contrats au jet de pierre (bay’ bil hassâte) ou au toucher (mulâmassa), ou autres contrats aléatoires couramment utilisés à l’époque du Prophète818. Notons que

les contrats dont l’objet est approximativement quantifié (bay’ al juzâf) sont prohibés en dehors de l’échange de denrées quantifiables selon le même critère de mesure819.

Les contrats gharar ressemblent ainsi aux contrats aléatoires de droit français où « les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un évènement incertain820 ».

La sanction de l’indétermination de la chose n’est pas la même dans les écoles jurisprudentielles islamiques. La chose insuffisamment décrite est un vice affectant la validité du contrat (fâsid) pour les hanbalites et mâlikites, alors que le critère d’invalidation pour les châfé’ites réside dans le caractère litigieux de

l’indétermination821. Abou Youssef, disciple d’Abou Hanifa, considère que

l’indétermination de la chose ou du prix est sans incidence sur le contrat (jâ-iz),822 alors

state that the investment of the realised funds and the assets into which t he funds are converted will be undertaken through Shari’a-compliant modes of investment”.

816 La validité des options (khiyâr al chart) repose sur un Hadith rapporté par Ibn Amr et cité par Al Bukhâri, op. cit., n° 2113,

pp. 508 et 509.

817 Majalla, art. 201 : « L’acheteur prend connaissance de la chose vendue par la description des qualités qui la distingue des

autres objets (…) ».

818 Ibn Qudâma (hanbalite), op. cit., vol. VI, n° 759, p. 298.

819 Notons que l’Imâm al Châfé’i a vait considéré que si la vente à la louche (al juzâf) est acceptée, ce n’est que dans le cadre

d’échange de denrées similaires déterminées sur la base du même critère de quantification, en sachant que les choses à échang er ont été évaluées par les contractants. V. op. cit., vol. IV, pp. 162 et 187.

820 C. civ., art. 1108 al 2.

821 Al Charbîni (châfé’ite), op. cit., vol. II, p. 345.

qu’elle le prive de son caractère obligatoire (lâzim) pour la majorité des hanafites823.

Pour Abou Hanifa, l’indétermination n’est considérée comme un défaut qui invalide le contrat que si elle ne crée une ignorance litigieuse [jahala mufdia lil nizâ’] laquelle constitue un gharar (nullité relative)824.

Sous-section 2. La non nécessaire existence de la chose

Le principe selon lequel la chose doit exister au moment de la conclusion du contrat musulman825, a été établi sur la base d’un Hadith du Prophète qui prohibe la vente de ce que l’on ne possède pas826. Un autre Hadith mentionnait le recours du

Prophète à l’achat d’un siège en bois commandé auprès d’un menuisier qui le lui livrera après l’avoir fabriqué (istisnâ’), alors qu’un autre écrit témoignait de l’achat par le Prophète d’un bien qui sera livré dans l’avenir (qu’ils ont apparenté au contrat

salam)827.

L’interdiction de vendre ce dont on ne possède pas été analysé e par Ibn Taymiyya – juriste hanbalite de référence – comme l’obligation d’exécuter ses obligations contractuelles immédiatement après la conclusion du contrat828. A la

lumière d’autres Hadith témoignant d’une pratique répandue des ventes à terme (buyu’

al âjâl), les juristes des autres écoles en ont consacré certaines comme une exception à

la disponibilité de l’actif au moment de la conclusion de la vente829. Licéisés830 par voie

d’istihsan (préférence) ou de qiyâs (analogie) pour répondre aux besoins des

823 Al Kâsâni, op. cit., vol. VII, p. 607.

824 Abou Hanifa plaide pour la sanction de nullité relative ( fâsid) d’un contrat dont certains éléments composant le lot

indivisible, sont inconnus Al Kâsâni ibid. ; Ibn Hammam (hanafite), Fath al qadeer, op. cit., vol. VII, p. 254.

825 Majalla, art. 197 : « la chose vendue doit exister au moment de la vente ».

826 Plusieurs Hadith, dont le principal est rapporté par Hakîm bin Hizâm et retranscrit par Al Tirmizhi, op. cit., vol. III, p. 534

et Abou Daoud (hanbalite), op. cit., vol. III, n° 3503 ; Ibn Mâja (châfé’ite), op. cit., vol. II., n° 2187 à 2189 ; Al Nassâ-i, Sunan,

op. cit., n° 4611 à 4613, p. 477 ; Al Sarakhsi (hanafite), op. cit., vol. XIII, p. 128.

827 Ibn Qudâma (hanbalite), op. cit., vol. VI, p. 384 ; Al Kâsâni (hanafite), op. cit., vol. V, pp. 201 à 215. Sur l’impossibilité

d’appliquer l’analogie du Hadith sur les contrats salam : Ibn Qayyim al Jawziyya, op. cit., vol. II, p. ; Al Khattâbi, Ma’âlim al

sounan, éd. Al matba’a al ‘ilmiyya, Alep, 1932, vol. V, p. 143. 828 Ibn Taymiyya, op. cit., vol. XXIX, p. 529.

829 Majalla, art. 262 : « Ce n’est pas une condition essentielle de la vente que l’acheteur soit mis en possession de la chose

vendue au moment même du contrat. Seulement, après la conclusion de la vente, l’acheteur doit d’abord payer le prix, et le vendeur est ensuite tenu de délivrer la chose ».

830 Ibn ‘Âbidîne (hanafite), op. cit., vol. V, p. 142 ; Mâlik bin Anass, Al mudawwana al kobra , éd. Dâr al kotob al ‘ilmiyya,

Beyrouth, 1994, vol. X, p. 192 ; Al Châfé’i, Al Omm, op. cit., vol. VII, p. 291 ; Ibn Qudâma (hanbalite), op. cit., vol. IV, p. 161.

populations, les contrats de vente istisnâ'831, de murâbaha832 et de salam833, permettent le report de la livraison de la chose (salam), du prix (murâbaha)834. Le contrat istisnâ’

étant composé de deux phases séparées par la livraison des travaux commandés, la première est actée sur la base d’un contrat salam alors que la deuxième phase est régie par un contrat du type ijâra où l’emprunteur ou un tiers versen des loyers qui serviront à rémunérer périodiquement les porteurs et titulaires de sukuk.

Certains exégètes musulmans ont considéré que si le Prophète avait accepté le principe du contrat salam835, c’est sous réserve d’une parfaite détermination de la date de livraison et d’un bien836, obligatoirement non fongible837.

Le droit musulman moderne entérine le principe de livraison rapide dans un contrat salam pour lequel l’existence du bien n’est exigée qu’à la date de livraison fixée au contrat838. Le délai de livraison doit être précisé en jours en mois et

même en années selon les termes de l’article 247 de la Majalla. En conséquence de quoi, l’acquéreur pourtant propriétaire, ne supporte les risques inhérents à la chose qu’après réception du bien, puisque le reste demeure avec la chose, mais n’empêche pas celui-ci de disposer de la chose avant d’être livré839. Ceci autorise l’acheteur à

refuser le bien qu’il aura reçu et qui n’est pas conforme au contrat840.

831 Référence à un Hadith relatant une commande faite par le Prophète auprès d’un mensuisier pour la fabrication d’un siège

en bois, cité par Al Bukhâri, op. cit., n° 1988 ; Ibn Qudâma, op. cit., vol. VI, p. 384 et s. ; Al Chaïbâni, Al Jâme’ al saghîr, vol. I, p. 325, ayant cité le recours unanime ( ijmâ’ ‘amali) par les musulmans au contrat d’Istisnâ’ ; Al Kasâni a considéré que les fouqahâ ont légalisé le contrat Istisnâ’ par voie d’Istihsan (préférence) du fait du recours manifeste, fréquent et unanim e des musulmans à ce contrat (ijmâ’) alors que la voie de qiyâs (analogie) ne le permet pas (du fait de l’interdiction par le Prophète de la vente de ce que l’on n’a pas en sa possession) : Al Kâsâni, op. cit., vol. VI, p. 85.

832 A l’origine, nombreuses discordances ont eu lieu entre les écoles et les fouqahâ sur la légalité du contrat Murâbaha, cf. Ibn

Qudâma, op. cit., vol. VI, p. 266 ; OIC, Fiqh academy, résol. n° 33 (8/4), 6-11 fév. 1988, confirmation de la décision prise en 1983 dans ce sens lors d’un sommet conclu autour des fatâwas de la Banque Islamique Al Baraqa ; confirmée par la résol. n° 64/2/7 de l’OIC, Fiqh academy prise à Jeddah en date du 9 -14 mai 1992 dans son premier article qui dispose que « la vente à terme est permise en Chari’a, quand bien elle entraîne une marge ou un surplus au prix comptant ».

833 Acceptation du contrat salam sur la base de la Sourate de la vache, verset 282, sous réserve de description et de dé lai de

livraison déterminés à l’avance : « Ô croyants ! Lorsque vous contractez une dette à terme, consignez-la par écrit et qu’un rédacteur requis par vous en enregistre les clauses avec fidélité. (…). N’omettez pas de mettre par écrit tout acte de prêt, quel qu’en soit le montant et d’en préciser l’échéance. (…) » ; v. Al Bukhâri, op. cit., n° 2240 ; Al Kâsâni, op. cit., vol. VII, p. 101.

834 Livraison et paiement échelonnés.

835 Ibn Qudâma (hanbalite), op. cit., vol. VI, p. 384 ; Al Kâsâni (hanafite), op. cit., vol. V, pp. 201 à 215.

836 Majalla, art. 246, concernant les ventes à terme (pour le paiement) : « le terme et les époques des échéances doivent être

déterminés ».

837 Al Kâsâni, op. cit., vol. VII, pp. 101 et s. 838 C. civ. Emirati, art. 568 et 569 (1). 839 C. civ. Emirati, art. 571.

Les contrats istisnâ’ constituent également une exception au principe de détermination de la date de livraison ou du paiement. Ils ont été acceptés par voie

d’Istihsân (préférence) afin de répondre aux besoins des fidèles (nécessité). Ils sont

reconnus dans tous les corpus législatifs des pays musulmans841. Les sukuk al istisnâ’

sont souvent émis pour financer des projets de construction ou de fabrication d’un bien immobilier ou mobilier inexistant (green field sukuk), ou d’aménagement d’un bien existant afin de le rendre conforme à l’usage désigné dans le prospectus (brown field

sukuk). La construction de bâtiments sur un terrain vierge et la transformation d’un

bâtiment scolaire en complexe hospitalier en sont deux exemples de contrats istisnâ’. Au-delà de la légalité du contrat istisnâ’ établie par le droit musulman classique, la Majalla lui a consacré les articles 388 à 392 et l’Organisation de la conférence islamique avait édicté sa conformité avec la Chari’a depuis 1992 dans une résolution portant le numéro 65/3/7 adoptée lors du sommet du 9 au 14 mai à Jeddah. Le contrat doit stipuler la détermination précise de la chose à fabriquer ainsi que le délai de livraison et de paiement.

Sous-section 3. L’exigence d’un actif livrable

À l’origine, la livrabilité fut introduite par l’exégète hanafite Al Kasâni842 en guise de condition chassant l’incertitude sur l’obligation contractuelle

relative à la chose (gharar). La Majalla lui a ultérieurement consacré notamment les articles 198843, 209 et 363844.

Aujourd’hui, le fiqh musulman impose que l’objet soit possible (mabî’

mumkin) pour que le contrat puisse produire ses effet s845, en ce sens que sa livraison

841 C. des obligations et des contrats au Liban, art. 624 ; C. com. du Koweit, art. 120 ; C. com. du Bahreïn, art. 2 (loi n° 7 de

1987) ; C. com. des Emirats arabes unis (Qânoune al mu’âmalâte al tijâriyya), n° 18/1993, art. 6, al. 6. Cet article considère certains contrats dont l’istisnâ’ comme un contrat d’entreprise (‘aqd muqâwala) régi par des dispositions qui lui sont propres et qui sont codifiés aux articles 872 et s. du C. civ. des Emirats arabes unis. Le contrat istisnâ’ y est défini comme le contrat par lequel une personne s’engage envers une autre à fabriquer une cho se ou effectuer une prestation.

842Al Kasâni, op. cit., vol. V, p. 147.

843 Majalla, art. 198 : « Il faut que la délivrance (de la chose objet de la vente) en soit possible ».

844 Majalla, art. 209 : « Est nulle la vente de la chose dont la délivrance est impossible. (…) » ; Art. 363 : « Pour que la vente

puisse produire ses effets, il faut que la chose vendue existe, que la livraison en soit possible et qu’elle soit dans le commerce (mâl mutaqawwim). En conséquence, est nulle la vente d’une chose non existante, impossible à livrer et hors du commerce ».

doit pouvoir être faite « sans causer de dommage846 ». Toute destruction ou détérioration (darar) d’un autre bien qu’occasionnerait la livraison de l’actif o bjet de la vente ou par celle-ci, rend la livraison relativement « impossible » et vicie (fâsid) le contrat. La livraison absolument impossible, qualifie le contrat de vente de l’inexistant (bay’ al ma’doum), lequel est frappé de nullité absolue (bâtil)847, et l’indisponibilité de

l’objet de la vente au moment de sa conclusion n’est pas constitutive d’une inexistence au sens du fiqh islamique.

En droit civil français, la validité de l’objet contractuel renvoie à celle de l’objet de l’obligation contractuelle. Il ressort des dispositions de l’article 1163 (nouveau) du Code civil que l’objet de l’obligation d’une partie au contrat doit être possible et déterminé ou déterminable.

Sous-section 4. L’existence d’un titre sur l’actif

L’actif doit être susceptible de livraison. Cette faculté est le pouvoir de mettre l’actif en possession de l’acquéreur, l’existence de la chose en tant que bien (mâl) signifie au sens des châfé’ites, que le contractant doit disposer du pouvoir de transférer la propriété du bien entre les mains de son co-contractant, et ce au moment de la conclusion du contrat. Ainsi, l’existence correspond à un titre de droit de propriété sur le bien848 – au sens du droit musulman – qui peut porter sur tout type de choses, aux

utilités licites.

La vente du Foudouli. Le droit musulman a qualifié le vendeur d’un bien sans titre par un foudouli849, une sorte d’intrus dans les droits du propriétaire. Le

846 Hadith (رارِض لاو ررض لا) selon lequel aucun contrat ne doit causer de dommage, et nul dommage ne saurait réparer un autre.

V. W. Al Zuhaïli, Al mu’âmalâte al mâliyya al mo’âssira, op. cit., p. 37.

847 Al Kasâni (hanafite), Bada-i’, op. cit., vol. VI, p. 543 ; Majalla, art. 205, al. 1er : « la vente d’une chose qui n’existe pas est

nulle » traduction fait de la notion de bay’ al ma’doum ; Al Charbîni (châfé’ite), op. cit., vol. II, p. 42 ; Al Hattâb (mâlikite), op.

cit., vol. IV, p. 363 ; Ibn Rushd (Averroès), op. cit., vol. II, p. 111 ; Ibn Qudâma (hanbalite), op. cit., vol. VI, pp. 299 et 300 ; Contra : Ibn Taymiyya, op. cit., vol. XXIX, p. 322. Cet auteur considérait que le bien qui n’existe pas (ma’doum) comme

indisponible au moment de la conclusion du contrat mais qui sera disponible dans l’avenir ; Ibn Qayyim al Jawziyya, op. cit. , vol. I, p. 319.

848 Al Châfé’i, op. cit., vol. IV, p. 16.

contrat conclu par un foudouli est un contrat qui n’est formé qu’après validation de la cession par le propriétaire, selon l’article 111 de la Majalla850.

Contrats de fourniture. Il a été convenu par la plupart des fouqahâ Hanbalites dont Abou Daoud, Al Khattâbi, Ibn Qayyim Al Jawziyya, que la prohibition de vendre ce que l’on ne possède pas vise la vente du bien dont le propriétaire est dépossédé et non les prestations de service qui incombent au prestataire et les contrats fournisseurs [‘uqud al tawrîd]851. En effet, les fournisseurs n’étant pas les vendeurs initiaux, ils ne sont que des possesseurs intermédiaires chargés de livrer la marchandise au donneur d’ordre en vertu d’un contrat de fourniture. Récemment, l’Académie du

Fiqh avait établi la licéité des contrats de fourniture et des contrats conclus à la suite

d’un appel d’offres (munâqassâ). Dans les deux types de contrats, le contractant dont l’obligation porte sur la chose n’a pas celle-ci en sa possession, soit parce qu’il n’est qu’intermédiaire, soit parce qu’elle n’existe pas (cas de contrats istisna’ ou appel d’offres visant souvent à réaliser un projet de construction dans l’avenir). Ce sont des contrats parfaitement conformes à la Chari’a malgré le double report de la livraison et du prix852.

Plus précisément, le vendeur ne se trouve dans le champ de ce Hadith prohibitif que si, au moment de la conclusion du contrat, il savait qu’il ne pourra it pas livrer ou ignore s’il en serait capable853 alors qu’il en est propriétaire. L’interdiction de

vendre ce dont on ne possède pas prohibe donc pour ces exégètes la vente d’un bien impossible à livrer.

L’objet du sous-jacent et l’objet des sukuk. Or, notre étude des

sukuk permet de déduire que l’existence de l’objet des sukuk nécessite de dresser un

bilan entre l’objet du titre et l’objet du sous-jacent, et la qualification d’islamique découle d’un taux positif entre tangibilité et crédit, vraisemblablement sur la base de la règle de la majorité. Dans la sphère exposée dans le chapitre Ier de la présente étude,

850 Majalla, art 111 : « On appelle bey’ mevkouf ou vente subordonnée au consentement d’autrui, celle à laquelle se rattache le

droit d’un tiers. Telle est la vente d’une chose par celui qui la détient sans droit ».

851 Al Khattâbi (hanbalite), op. cit., vol. III, pp. 135 et 136 à propos d’un Hadith rapporté par Ibn Amr dans lequel il autorise

la revente de l’alimentaire uniquement après sa livraison. Nonobstant quelques divergences, les ulamâs en avaient déduit, que la revente des biens non alimentaire est possible. Si aucun paiement n’a perçu, le vendeur n’est donc pas tenu de livrer.

852 OIC, Fiqh Academy , résol. n° 107/1/12, sur les contrats de fourniture, 23 -28 sept. 2000 (‘aqd al tawreed). 853 Ibn Qayyim al Jawziyya, I’lâm al mouwaqqi’ine, op. cit., je citais le vol I, p.399.

sur les gradations du concept de la propriété, plus on se rapproche de la propriété d’un bien corporel tel qu’un immeuble [‘ayn], moins les comités de surveillance chari'atique sont rigoureux dans l’application des règles ci-après, et le contraire est vrai.

Cette gradation est relevée aussi bien à la formation qu’à l’exécution des sukuk. Dans le deuxième cas, les comités de surveillance chari'atiques permettent l’accès d’un sakk au marché secondaire dès lors que le caractère corporel est dominant tel que c’est le cas des sukuk al salam, sukuk al istisnâ’ : c’est le seuil de négociabilité. Pour décider si les sukuk sont valablement formés, les comités de surveillance

chari'atiques vérifient que la part de crédit ne prévale pas sur la part de propriété dans