• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1. CONTEXTE HISTORIQUE ET

4.1 Le monde des morts et son évolution 1 Le recrutement des groupes socio-économiques

4.1.1.1 Les sujets des groupes A et A’

319 sujets (314 squelettes et 5 cardiotaphes) composent le groupe A, 20 appartiennent à la phase 2 et 299 à la phase 3, dont 43 de moins de 20 ans et 276 adultes (87 hommes et 80 femmes28) (voir la distribution

détaillée des sujets dans les tableaux 1 et 2 de l’annexe 2).

Que ce soit pour la deuxième ou la troisième période, les profils démographiques ne sont pas conformes aux schémas de mortalité archaïque et reflète une population non naturelle avec des effectifs sélectionnés (fig.40). En effet, il manque de nombreux tout-petits, le déficit des jeunes enfants décédés entre 1 et 4 ans est également visible, ceux de la phase 2 et âgés entre 5 et 9 sont surreprésentés et il n’y a pas de grands adolescents (15-19 ans) pour cette même phase. Les indices de juvénilité (IJ) et les indicateurs 15P5 (Séguy,

Buchet 2011, 153) calculés pour chaque période chronologique (tab. 7) témoignent globalement d’une amélioration de l’espérance de vie ou d’une moindre sélection des sujets selon leur âge au décès dans ces espaces funéraires privilégiés. L’indice IJ est conforme avec une mortalité théorique pour la phase 2 (compris entre 0,1 et 0,3) alors que pour la dernière période (IJ= 0,0769), les enfants sont davantage exclus du cimetière.

Les adultes décédés entre 30 et 49 ans pour la phase 3 et 40 et 49 ans pour la phase 2 sont quant à eux surreprésentés.

IJ 15P5

Phase 2 0,1875 0,1579

Phase 3 0,0769 0,0909

Tableau 7 : Indices paléodémographiques.

~ 94 ~

Figure 40 : Quotients de mortalité en ‰ des sujets du groupe A selon les phases chronologiques comparés aux extrêmes

des tables de Ledermann [e0 (20) et e0 (40)].

Selon l’âge au décès, la répartition spatiale des sujets ne semble pas être la même. Si l’exploration cartographique de la répartition des adultes du groupe A correspond grosso modo à la répartition générale des individus (fig. 41/A), les sujets de moins de 20 ans se concentrent davantage entre la balustrade et le tableau de la Vierge dans la chapelle Notre-Dame (fig. 41/B). Cette concentration est statistiquement significative29 et témoigne de la volonté des vivants de regrouper les enfants dans un espace particulier et

de surcroît particulièrement privilégié.

~ 95 ~

Figure 41 : A : Carte de densité heatmap des adultes (n=276) ; B : individus de moins de 20 ans (n=43), toutes phases

confondues (plan du couvent au XVIIe siècle).

La répartition entre les hommes et les femmes est équilibrée puisque 80 femmes et 87 hommes sont comptabilisés dans ce groupe (fig. 42). Ici encore, les deux phases ont été réunies pour la description de leur répartition spatiale. Topographiquement, les hommes semblent davantage inhumés dans des zones privilégiées avec une densité masculine plus importante dans les lieux hautement symboliques comme l’extrémité orientale des chapelles Notre-Dame et Saint-Joseph ou dans le chœur de l’église conventuelle. Quant aux femmes, elles sont surtout représentées dans la chapelle Notre-Dame, et plutôt au delà de la balustrade (fig. 43). Ces observations sont seulement des tendances puisqu’elles ne sont pas statistiquement significatives30.

Figure 42 : Nombre d’hommes et de femmes déterminés par phase chronologique.

~ 96 ~

Figure 43 : A et B : Répartition en nombre et en densité heatmap des 80 femmes du groupe A (toutes phases confondues) ; C et D : Répartition des 87 hommes.

~ 97 ~

4.1.1.2 Les sujets des groupes B, B’ et B’’

141 adultes dont 69 hommes et 30 femmes déterminés31 et 47 enfants ou adolescents de moins de 20 ans

sont comptabilisés dans le groupe B issu de la nef de l’église et des extérieurs des bâtiments conventuels. L’évolution chronologique des effectifs du groupe montre une forte croissance (83 %32) entre les XIIIe et

XIVe siècles, croissance qui se ralentit ensuite entre les deux dernières périodes (32 %). L’ensemble est

détaillé en annexe 2 (annexes 2.3 et 2.4). Globalement, les indices de juvénilité et les proportions de squelettes d’immatures (15P5) qui en découlent varient peu quelles que soient les périodes et sont plutôt

conformes à une mortalité archaïque (valeurs comprises entre 0,1 et 0,3) (Sellier 1995) (tab. 8).

IJ 15P5

Phase 1 0,1 0,1667

Phase 2 0,1695 0,1690

Phase 3 0,1667 0,1818

Tableau 8 : Indices paléodémographiques.

L’observation dynamique du recrutement entre les différentes phases montre une tendance des courbes de mortalité à devenir conformes aux schémas de mortalité naturelle (fig. 44). La phase 1 se caractérise par une absence d’enfants de moins de 5 ans et de 10 - 14 ans et par une surreprésentation importante des adultes jeunes, notamment des 20 - 30 ans. Si la courbe de la phase 2 présente le même aspect pour les jeunes enfants, à partir de 5 - 9 ans les quotients de mortalité entrent dans les standards attendus. Enfin, les quotients de la dernière phase caractérisent un recrutement naturel à partir de 1 an.

Figure 44 : Quotients de mortalité en ‰ des sujets du groupe B selon les phases chronologiques comparés aux extrêmes

des tables de Ledermann [e0 (20) et e0 (40)].

31 6 hommes probables et 2 femmes possibles peuvent être rajoutés à cet effectif. 32 Le taux de croissance classique se calcule : (71-12)/71*100

~ 98 ~

La répartition spatiale des adultes et des enfants de la dernière phase n’est pas aléatoire : les plus jeunes se concentrent contre le mur occidental de la nef (fig. 45/B) alors que les adultes de plus de 20 ans se retrouvent davantage au centre du bâtiment, au niveau de la chaire à prêcher (fig. 45/A). Ce regroupement cartographique est même statistiquement significatif33, indiquant ici l’intentionnalité des lieux de dépôts

des corps.

Figure 45 : A : Carte de densité heatmap des adultes de la phase 3 (n = 72) et B : Individus de moins de 20 ans (n = 33).

Quelle que soit la période, les hommes sont significativement surreprésentés par rapport aux femmes34 (fig. 46). Le taux de

masculinité varie en effet de 88,9 % pour la phase 1 à 68,1 % pour la phase 2 et 67,4 % pour la dernière période. Cette observation traduit des biais dans le recrutement des individus en fonction du genre et une population non naturelle. Compte-tenu des faibles effectifs déterminés, notamment féminin, la répartition spatiale sexuée de ces sujets n’apporte pas de précision.

Figure 46 : Nombre d’hommes et de femmes déterminés par phase chronologique et liens significatifs en rouge.

33 p = 4,86e-06 (I de Moran) et p = 0,0002 (I de Moran avec des distances de 0,5).

~ 99 ~

Le sous-groupe B’ comprend seulement les sujets du groupe B inhumés dans la nef de l’église. 8 sujets

dont un seul mineur (décédé entre 10 et 14 ans) compose cette série pour la phase 2 contre 105 pour la dernière période (72 adultes et 33 sujets de moins de 20 ans). Quelle que soit la période envisagée, les schémas de mortalité ne sont pas conformes à une mortalité naturelle. Un déficit de sujets de moins de 9 ans et une surreprésentation des adultes décédés entre 30 et 50 ans sont notés pour la phase 2 et un manque d’enfant de moins de 1 an caractérise la dernière période (fig. 47). 32 hommes et 17 femmes sont comptabilisées35.

Figure 47 : Quotients de mortalité en ‰ des sujets du sous-groupe B’ selon les phases chronologiques comparés aux

extrêmes des tables de Ledermann [e0 (20) et e0 (40)].

Le sous-groupe B’’ ne prend en compte que les sujets inhumés à l’extérieur des bâtiments conventuels. Il

regroupe ainsi 62 adultes et 13 enfants et ne concerne que les deux premières périodes. Les schémas de mortalité ne sont toujours pas conformes à une population naturelle : absence d’enfants de moins de 5 ans quelle que soit la période et surreprésentation des adultes de plus de 20 ans pour les effectifs de la première phase (12 sujets) (fig. 48). La surreprésentation globale des hommes est statistiquement significative avec 37 hommes pour seulement 13 femmes déterminées36.

Figure 48 : Quotients de mortalité en ‰ des sujets du sous-groupe B’’ selon les phases chronologiques comparés aux

extrêmes des tables de Ledermann [e0 (20) et e0 (40)].

35 Différence entre hommes (32) et femmes (18) significative au seuil p = 0,1574 (khi² d’homogénéité = 1,999). 36 Différence entre hommes (37) et femmes (13) significative au seuil p = 0,01343 (khi² d’homogénéité = 6,1121).

~ 100 ~

4.1.1.3 Les sujets du groupe C

66 individus composent le groupe C issus de la salle capitulaire (annexes 2.5 et 2.6). Si la proportion du nombre d’enfants est particulièrement importante pour la première phase d’occupation du couvent (IJ=0,1818 et 15P5=0,2143), caractérisant même une mortalité archaïque, ils disparaissent presque

totalement des effectifs ensuite (tab. 9). Globalement, les sujets du groupe C se caractérisent par une forte croissance au cours du temps (73 %) notamment des sujets adultes (78 %).

IJ 15P5

Phase 2 0,1818 0,2143

Phase 3 0 0,0192

Tableau 9 : Indices paléodémographiques.

Quelle que soit la période envisagée, les courbes de mortalités déduites illustrent bien les biais de recrutement par rapport à une mortalité naturelle (fig. 49). Si logiquement les enfants de moins de 4 ans sont absents, la phase 2 se caractérise par une surreprésentation des individus entre 10 et 59 ans. La courbe de la phase 3 montre quant à elle une surreprésentation des adultes de plus de 30 ans et des enfants de moins de 15 ans totalement absents. Les critères d’inhumation semblent devenir plus restrictifs au cours du temps. Cette même remarque peut être formulée quant au genre des sujets retrouvés significativement en faveur des hommes37 (fig. 50). Les taux de masculinité sont respectivement de 80 et 90 % pour les

phases 2 et 3 et illustrent bien l’homogénéisation du recrutement. L’ensemble de ces distorsions par rapport à un schéma de mortalité archaïque plaide bien en faveur d’une spécialisation funéraire de ces espaces où seulement quelques femmes (3 en tout) et enfants (4) sont acceptés.

Figure 49 : Quotients de mortalité en ‰ des sujets du groupe C selon les phases chronologiques comparés aux extrêmes

des tables de Ledermann [e0 (20) et e0 (40)].

~ 101 ~

Figure 50 : Nombre d’hommes et de femmes déterminés par phase chronologique et lien significatif en rouge.