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CHAPITRE 1. CONTEXTE HISTORIQUE ET

3.2.4 Les caractères discrets

Les caractères discrets sont des variations anatomiques discontinues (présentes/absentes) qui présentent un déterminisme génétique variable et mal connu où leur héritabilité chez l’homme comme chez l’animal est généralement faible (Crubézy et al. 1999, 37). L’utilisation des caractères discrets dans les ensembles funéraires a deux objectifs : le premier est d’observer l’homogénéité ou l’hétérogénéité de la population afin de tenter de délimiter les populations passées (Berry, Berry 1967 ; Steiner, Menna 2000, 240), le second est de rechercher des liens de parenté et de percevoir l’organisation des espaces funéraires (Crubézy, Sellier 1990). Ici, génétique et environnement sont concernés et si les liens entre génotype et phénotype ne sont pas forcément évidents, cela reste toutefois une méthode satisfaisante pour évaluer l’homogénéité d’une population et des relations de parenté en l’absence de données génétiques

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réalisables (Ricaut et al. 2010). L’objectif est alors de mettre en évidence des groupes de sujets apparentés présentant des caractères communs et d’éventuelles caractéristiques archéologiques proches (similitude du mobilier funéraire, proximité topographique…) pour isoler des sous-groupes archéologiquement pertinents.

La présence de certains caractères discrets peut tout d’abord être liée à l’ontogenèse. Les caractères

hypostotics correspondent à la persistance de morphes fœtaux ou immatures du développement

somatique (Hanihara, Ishida 2001b). La synostose ou ossification incomplète perdure, le cas le plus connu étant probablement la suture métopique qui devrait physiologiquement se fermer vers deux ans. Les caractères hyperostotics correspondent à l’introduction de caractères phénotypiques nouveaux, inconnus à tous les stades de l’ontogenèse. Il s’agit d’une ossification d’éléments anatomiques formés habituellement par du cartilage, un ligament ou la dure-mère (Hanihara, Ishida 2001d). Les os suturaires, fontanellaires et surnuméraires constituent le troisième sous-groupe de caractères discrets. Il s’agit d’os présents à l’emplacement de sutures crâniennes et s’intercalant entre eux (Hanihara, Ishida 2001a). La dernière catégorie enfin, englobe les foramens qui varient en nombre et en position. Ils constituent des afférences ou efférences vasco-nerveuses (Hanihara, Ishida 2001c ; Crubézy et al. 2002, 114 à 115).

Les caractères hyperostotics, notamment ceux de la base du crâne, sont à privilégier en raison de leur déterminisme génétique et héritabilité (Crubézy et al. 1999 ; Donlon 2000 ; Ricaut et al. 2010). D’autres caractères pourraient être soumis à des influences fonctionnelles, comme les torus mandibulaires. Les facettes d’accroupissement sur le tibia et les facettes accessoires enregistrées sur le premier métatarsiens relèvent plus de marqueur de posture et bien que fréquemment classées parmi les caractères épigénétiques (Verna et al. 2014), elles sont associées ici aux pathologies.

28 caractères sont listés dont 18 observés sur le crâne et 4 sur la mandibule, régions anatomiques préférentiellement utilisées (tab. 5). Même si les observations infra-crâniennes ont une héritabilité moindre (Stojanowski, Schillaci 2006), 6 critères ont tout de même été cotés : 4 sur les membres inférieurs et 2 sur l’humérus. 23 de ces caractères sont bilatéraux. Qu’elle signe un certain déterminisme génétique, un trouble du développement (Crubézy et al. 1999, 46‑47) ou au contraire une absence de préférence secondaire (Hanihara, Ishida 2001a ; 2001b ; 2001c ; 2001d), l’asymétrie ou la symétrie des caractères a été calculée. Pour chaque caractère, par côté, de façon bilatérale et globale (par sujet quel que soit l’endroit), les fréquences ont été systématiquement calculées par sexe, par phase et par groupe. Afin de comparer les échantillons, des tests statistiques sont menés, Khi² d’indépendance ou tests exacts de Ficher selon le nombre de sujets concernés. Une recherche topographique des caractères présents et absents a ensuite été effectuée dans le but de repérer d’éventuels regroupements de sujets. Des tests de corrélations spatiales (I de Moran) indiquent si besoin la significativité des observations.

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En considérant, dans un second temps, les caractères non métriques dans leur ensemble, le but est de mieux appréhender les liaisons phénotypiques et génétiques comme cela a déjà été démontrées (Ricaut et

al. 2010). Ainsi, pour estimer la distance biologique entre les sujets, la mesure globale de divergence de

Smith (MMD) est calculée à partir du package « AnthropMMD » dans R (Santos 2017). Cette mesure est calculée par groupes socio-économiques déterminés. Pour appréhender l’homogénéité ou l’hétérogénéité de ces groupes, une analyse factorielle des correspondances multiples complète l’étude globale des caractères discrets et teste les sujets en aveugle.

caractère os type bilatéral

Incisive en pelle Crâne caractère dentaire oui

Tubercule de Carabelli Crâne caractère dentaire oui

épine trochléaire Crâne caractère hyperostotic oui

canal hypoglosse bipartite Crâne caractère hyperostotic oui

canal condylien intermédiaire Crâne caractère hyperostotic oui

torus palatin Crâne caractère hyperostotic non

pont mylo-hyoïdien Mandibule caractère hyperostotic oui

torus mandibulaire Mandibule caractère hyperostotic oui

épine sus-épitrochléenne Humérus caractère hyperostotic oui

troisième trochanter Fémur caractère hyperostotic oui

Agénésie M3 inférieure Mandibule caractère hypostotic oui

Agénésie M3 supérieure Crâne caractère hypostotic oui

facette condylaire double Crâne caractère hypostotic oui

foramen ovale incomplet Crâne caractère hypostotic oui

foramen spinosum incomplet Crâne caractère hypostotic oui

fossette pharyngienne Crâne caractère hypostotic non

suture métopique Crâne caractère hypostotic non

fosse de Allen Fémur caractère hypostotic oui

fosse hypothrochanterienne Fémur caractère hypostotic oui

trou zygomatique double Crâne orifice et sillon oui

canal condylaire postérieur Crâne orifice et sillon oui

foramen mentonnier double ou bipartite Mandibule orifice et sillon oui

perforation olécrânienne Humérus orifice et sillon oui

patella emarginata Patella orifice et sillon oui

os suturaire sagittal Crâne os suturaire, fontanellaire et surnuméraire non

Apicis au lambda Crâne os suturaire, fontanellaire et surnuméraire non

os suturaire lamboïde Crâne os suturaire, fontanellaire et surnuméraire oui os suturaire coronal Crâne os suturaire, fontanellaire et surnuméraire oui Tableau 5 : Liste des caractères discrets enregistrés.

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3.2.5 Étude sanitaire et paléopathologique

3.2.5.1 L’état de santé en Bretagne d’après les sources historiques

Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un « bon état de santé » est « un état de complet bien-être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en l’absence de maladies ou d’infirmités... » et en ce sens n’implique pas uniquement des questions de soins et d’héritage génétique mais également des paramètres liés au mode de vie et à la situation économique et sociale. L’état sanitaire d’une population actuelle est donc très difficile à estimer et aucun indicateur global n’existe. En archéologie, seules les données liées à la mortalité et à la paléopathologie peuvent être utilisées pour obtenir un aperçu de la santé des populations anciennes. Les sources historiques disponibles sur Rennes décrivent ponctuellement des épisodes de crise, des épidémies, des famines, des pestes (Croix 1981, 249, 349, 453, 570, 1281‑1290, 1296‑1299).

3.2.5.2 Objectifs de l’étude et méthodologie

L’étude a été réalisée en suivant les méthodes habituelles par l’examen macroscopique des différents éléments du squelette, le relevé des lésions, leur identification et leur interprétation éventuelle. Elle a concerné les traumatismes, les infections spécifiques et non spécifiques, les marqueurs de stress non spécifiques, les anomalies et malformations congénitales, les lésions d’arthrose et autres maladies inflammatoires ou dégénératives, ainsi que le relevé des modifications des enthèses non ciblées vers une activité spécifique (Aufderheide, Rodriguez-Martin 1998 ; Capasso 1999 ; Ortner 2003 ; Pinhasi, Mays 2008 ; Waldron 2009 ; Villotte 2009). Des radiographies, réalisées au CHU de Rangueil à Toulouse et au CH de Carcassonne, ont pu préciser certains diagnostics. Les diagnostics pathologiques ont été posés par le Professeur Henri Dabernat du laboratoire AMIS, Toulouse.

Dans le cas des sépultures multiples et quand cela était possible la localisation des traumatismes a été confrontée à celle des organes, séreuses et tissus mous (artères, veines, nerfs périphériques, muscles, tendons, ligaments, etc.) afin d’apprécier les conséquences des blessures. La description des traces a été normalisée pour faciliter la compréhension : une lésion osseuse de coup par arme blanche comprend deux murs (parties de l’os en contact avec la lame), deux berges (lignes de rencontre entre le mur et le tissu sain), deux profils (plans de coupe du sillon lésionnel) et un fond (zone la plus profonde de l’entaille) (fig. 31). Au cours de l’étude, le numéro 1 et le numéro 2 sont attribués aux berges et aux murs situés respectivement à gauche et à droite de l’image relative à la vue générale de la lésion. Les lettres A et B sont attribuées aux profils situés respectivement en bas et en haut de l’image relative à la vue générale de la lésion. Des débris

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osseux résultant du passage de la lame et de la destruction de l’os peuvent être présents aux différentes zones de l’entaille. Un aspect en « queue de rat » indiquant l’endroit où la lame a quitté l’os peut marquer la terminaison d’une lésion.

Figure 31 : Vocabulaire descriptif des lésions osseuses par arme blanche. A : L'homme aux plaies d'Ambroise Paré (1594) ; B : Détail de blessure ; C : Humérus avec section (a : profil en bas de la lésion et b : profil en haut) ; D : Détail de la section

osseuse (1 : mur ; 2 : berge ; 3 : profil et 4 : fond, zone la plus profonde de l'entaille) (Rozenn Colleter, Stéphane Jean).