• Aucun résultat trouvé

Sujet dans l’intimité d’un couple Médecin – Patient

2ème partie

A. Importance de l’expérience du médecin

4. Sujet dans l’intimité d’un couple Médecin – Patient

Au moment de la consultation, le médecin est souvent seul avec le patient. Ainsi, l’intimité du couple entre le patient et sa compagne va être discutée au sein d’un couple médecin patient. Treize des quinze médecins ont souligné l’absence fréquente de la compagne dans ces consultations et/ou parfois lorsqu’elle est présente, son désintérêt pour ce qu’elle ne considère pas comme un problème.

Le rendez vous en couple pour ce motif semble représenter la meilleure des situations pour certains médecins, mais également la moins fréquente. Ainsi, lors de l’entretien 2, il est dit « Alors parfois, le conjoint est présent. Là je trouve que c’est bien car on peut sonder les aspirations des 2 membres du couple. Et souvent c’est plus efficace quand les 2 sont présents. Mais bon c’est là aussi la minorité des cas. Quand ils viennent à 2, en général, c’est que cela représente le motif de la consultation. ».

Durant l’entretien 14, il est clairement exprimé la faible fréquence des consultations de couple pour ce motif : « Je pense que le conjoint est souvent absent de la discussion. Parce que quand ils viennent à 2, c’est rare qu’ils en parlent quand le conjoint est là et quand ils viennent, ils en parlent quand ils sont tout seul. C’est rare que j’aie une consultation de couple. »

Plusieurs raisons ont été citées pour expliquer l’absence de la compagne lors de ces rendez vous.

Tout d’abord, bien que concernant sa partenaire, certains patients ne veulent pas en discuter avec elle, au moins dans un premier temps. Ainsi, les médecins nous ont exprimé cette idée

clairement dans l’entretien 2 : « Bien que lorsqu’un homme nous parle de ses problèmes, ça

doit rester dans le cabinet, ça reste un discours singulier entre le médecin et l’homme. Mais ils ont certainement toujours un doute ou une peur que les choses s’éventent. », également dans l’entretien 7 : « Ah non, parce que là, il n’aime pas du tout qu’elle le sache. » ou encore dans le 9 : « J’ai déjà prescrit des traitements et le patient me faisait promettre…fallait surtout pas que sa femme soit au courant. »

Mais la réciproque semble parfois vraie également : certaines femmes trouvant que leur compagnon présentent quelques difficultés en parleront au médecin en l’absence de leur mari, comme explicité au cours de l’entretien 15 : « Ce n’est pas quand les 2 sont présents que la femme va s’exprimer. Je pense qu’elle s’exprimera en dehors de la présence de son mari. » Toutefois, les difficultés sexuelles restent une affaire de couple et laisser le partenaire dans l’ignorance peut également être délétère au sein du couple et pour la prise en charge. Ainsi, pour le médecin de l’entretien 12 : « Donc je garde ce secret mais après je le lève, il faut le lever mais au départ j’aborde les choses. Mais il faut le lever ce secret parce que justement si ça reste tabou dans le couple, on ne peut pas avancer. C’est un peu schématique mais voila. » Ensuite, certains médecins ont pu observer que parfois, l’homme est le seul demandeur, la femme n’ayant pas de raison de se plaindre de la situation, soit n’ayant que peu d’envies sexuelles soit étant satisfaite par son compagnon. Pour exemple, l’entretien 3 « Dans ce cas là, l’homme en parle mais souvent la femme dit que pour elle il n’y a pas de problème et qu’il n’a pas besoin de médicament, que tout va bien… » ou l’entretien 6 « chez les gens de plus de 60 ans la demande peut être masculine avec une femme qui n’est pas toujours d’accord parce que bon ils ne vivaient pas, je pense, leur sexualité à deux. Donc ca arrange Madame qu’il ne puisse pas arquer. »

- 58 - Le médecin ne souhaite parfois pas rentrer dans les détails de la vie privée du patient, il ne pose alors pas forcément la question de l’avis de la compagne ni d’une éventuelle consultation de couple. Le médecin se méfie aussi d’une demande avouée comme étant au sein du couple mais qui en réalité concernerait une maitresse voir des prostituées. Entretien 6 : « Ou alors la demande est unilatérale parce qu’il a une maitresse... » ou bien entretien 9 : « Non, je n’ai jamais demandé. Un patient m’a avoué que c’était pour aller voir les prostituées. »

Les médecins considèrent majoritairement que les difficultés sexuelles concernent un couple, bien qu’ils ne prennent généralement en charge qu’un des deux partenaires. Un seul médecin considère que les difficultés sexuelles ne concernent que l’homme dans le sens où celles-ci provoquent chez lui un sentiment de dépréciation importante. Il se rattache ainsi au terme d’impuissance, fréquemment utilisé pour parler de dysfonction érectile : entretien 13 : « Les troubles de l’érection, je pense que dans 99% c’est le problème de l’homme dans le sens ou c’est lui qui se sent euh…le mot impuissance montre bien le côté puissance. Donc l’érection est une forme de pouvoir et les gens qui n’ont plus ce pouvoir se sentent diminués. »

A travers sa profession, le médecin traitant est souvent amené à partager l’intimité de ses patients, mais ceux-ci veulent quand même garder une part de leur vie privée secrète. La présence de l’homme seul, sans sa femme, permet également pour lui de contrôler les informations qu’il souhaite donner.

Nous avons donc vu, jusqu'à présent, que pour qu’un échange de bonne qualité puisse se faire entre le patient et le médecin sur ce sujet, le patient doit, le plus souvent, être seul avec le médecin. Puis, le médecin doit avoir établi une relation de confiance avec son patient pour oser lui parler de sexualité. Enfin l’attitude du médecin face à la question évoquée doit encourager le patient à continuer le dialogue.

Mais lors de cette conversation, comment se fera le dialogue ?

5. Relation sans barrière. a. Pas d’utilisation de questionnaires.

Les médecins souhaitent garder avec leur patient un échange direct, sans l’intermédiaire d’un questionnaire. Ce questionnaire est considéré comme faisant barrière entre le patient et eux et dépersonnalise l’entrevue. La consultation semble alors ressembler à une prise en charge informatique où le patient sélectionne un problème, un questionnaire sort et une fois les cases cochées, le diagnostic et le traitement sont établis. Ni le patient ni le médecin ne souhaite ce genre de relation. Cette notion est évoquée au cours de l’entretien 2 : « Or si ma pratique médicale consiste, à chaque fois que le patient vient à identifier son type de problème, à rechercher la fiche correspondante et lui poser des questions…non je ne vois pas mon métier comme ça. Je m’en inspire bien sûr. Je pense que la médecine doit rester avant tout une relation entre le médecin et son patient et non pas une grille à remplir. » ou dans l’entretien 4 : « Je pense franchement que si on pose ce genre de questions formulées comme ça, les gens ne répondent pas. Ca fait peur et ce n’est pas facile à comprendre. Je pense qu’il vaut mieux parler à bâtons rompus avec le patient. Et on comprend très bien ce qu’ils veulent nous dire et eux savent très bien décrire leur trouble. Ce questionnaire créé une barrière quelque part. »

- 59 - Il est certain que remplir une fiche est rapide. Mais dans la course contre le temps, il est logique d’éliminer les éléments considérés comme inutiles voir néfastes comme mentionné dans l’entretien 6 : « Non, on n’a pas le temps de tout ça. Même si ça ne prend qu’une ou deux minutes, cumulé sur la journée…on n’a pas le temps de tout ça…Après faut rester naturel aussi. »

Donc, lors des consultations, les médecins apprécient de pouvoir avoir un échange franc et direct avec le patient. Pour ce faire, le médecin et le patient doivent parler le même langage également.

b. Langage simple, sans terme scientifique.

Les patients vont parler de leurs difficultés avec leur langage propre, ils ne connaissent pas toujours le langage médical correspondant. Ce langage médical, s’il est connu n’a pas été intériorisé et ne pourra donc pas être utilisé spontanément pour un sujet aussi intime.

Ainsi, comme mentionné dans l’entretien 10 : « Ben généralement, ils me disent que ça tient moins longtemps, que…enfin ils ne disent pas qu’ils ont des troubles de l’érection généralement. Ils disent qu’ils ont plus de mal ou…euh…ils commencent par me parler du fait qu’ils n’ont plus d’érection matinale…ou alors…euh…ben qu’ils n’arrivent pas à avoir un acte assez long…euh…Souvent c’est comme ça. »

En retour, le patient apprécie également que le médecin discute avec lui en utilisant un langage qu’il peut comprendre. Un langage trop professionnel impose une distance entre le médecin, maitrisant ce langage, et le patient qui se trouve alors en position d’infériorité. L’utilisation d’un langage simple, compris des deux parties est apprécié et du coup permet une meilleure efficacité dans la prise en charge comme mentionné dans l’entretien 7 : « Il vaut mieux expliquer au patient avec nos mots et rien que le fait qu’ils sachent que ça va marcher, ça marche. Je pense même que si je leur donnais un placebo bleu, ça marcherait. »

En résumé, le patient va voir son médecin, celui en qui il a confiance, quelque soit son genre d’après la majorité des médecins, puis il va attendre la réaction du praticien pour savoir si c’est un sujet dont il peut parler avec lui. Ensuite l’échange va se faire dans l’intimité du couple médecin patient, sans la partenaire, sans questionnaire, sans terme scientifique incompréhensible pour le patient.

La relation médicale, dans le cadre des difficultés sexuelles, reprend les bases de toute consultation médicale mais celles-ci ont une importance encore plus grande face à un sujet pas comme les autres….

C. Sujet médical…pas comme les autres… 1. Pathologie médicale.

Tous les médecins reconnaissent que les difficultés sexuelles sont un sujet de médecine générale. Citons par exemple l’entretien 1 : « Il m’intéresse au même point que les autres pathologies de mes patients. » ou l’entretien 3 : « c’est de la médecine donc il n’y a aucun soucis. », l’entretien 4 : « Pas de ressenti particulier, c’est un sujet comme un autre. Pas de

- 60 - crainte à aborder ce sujet, c’est un symptôme comme un autre. », ou encore l’entretien 12 : « Tout est sujet de médecine générale, y compris ça. »

Pour preuve, la consultation va se dérouler majoritairement comme toute consultation médicale : le patient énonce son problème, le médecin réalise un interrogatoire, un examen clinique, et va expliquer la prise en charge avec parfois bilan sanguin, un avis spécialisé et/ou une prescription médicamenteuse.

Lors de l’interrogatoire, le médecin cherche à distinguer les dysfonctions pouvant être d’origine organique. Il recherche donc les antécédents médicaux principalement cardio-vasculaires, la prise de traitements pouvant conduire à des difficultés sexuelles iatrogènes, un état dépressif... Le médecin va également se baser sur la relation au sein du couple et la persistance ou non d’érection matinale.

Citons ainsi l’entretien 2 : « Quand il y a un trouble de l’érection, lorsque l’interrogatoire va pouvoir me faire préciser les choses, effectivement, je fais un interrogatoire, je connais les antécédents médicaux du patient, je connais son traitement, donc je vérifie déjà que ce n’est pas un effet secondaire d’un traitement. Je regarde s’il est hypertendu, s’il est diabétique et puis on va commencer un petit bilan cardiovasculaire ou métabolique en fonction de ses antécédents. »

Ensuite l’examen clinique va généralement surtout s’orienter sur la recherche d’une pathologie cardio-vasculaire.

Un tiers des médecins ont déclaré prescrire un bilan biologique. Un seul précise ne recommander que très rarement un bilan et les autres n’ont pas spécifié leur attitude.

Selon le terrain, ils vont fréquemment proposer un bilan cardio-vasculaire auprès d’un cardiologue et/ou une consultation auprès d’un urologue afin de vérifier l’absence d’organicité. Puis vient la prescription médicale, celle-ci n’est pas systématique par ailleurs. Rappelons par ailleurs la définition de la santé inscrite à la constitution de l’OMS en 1946 et inchangée depuis : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. »

La prise en charge des difficultés sexuelles est donc bien un sujet de médecine générale. Le médecin de l’entretien 6 exprime cette notion : « Médical ? Oui parce qu’il y en a qui le vivent mal. Je pense que oui ça fait partie d’un épanouissement personnel, familial, à deux, une complicité, un moment de plaisir. »

Ensuite, une grande part est accordée au caractère psychologique des difficultés sexuelles, soit comme étiologie à celles-ci soit comme facteur aggravant. Ainsi, plusieurs médecins signalent prendre le temps d’expliquer, de rassurer leur patient. Cela semble déjà être un élément de la prise en charge

La prescription, quand il y en a une, se doit d’être expliquée, peut être plus que pour tout autre traitement. En effet, cela va intervenir au sein du couple et ne doit pas être pris pour un traitement miracle. Le médecin de l’entretien 12 exprime bien les explications à fournir au patient pour que ces traitements n’aient pas d’actions délétères: « Et sinon, on passe à un traitement type Cialis ou Viagra. Sans le prescrire initialement. J’explique le type de traitement, j’explique le coût quelques soient les patients que j’ai devant moi. Et puis comment ça se prend, comment ça peut entraver ou faciliter une relation sexuelle. A quel moment ça se prend etc.… Et voilà. Ce n’est pas le médicament miracle mais il faut que ça s’inscrive dans les préliminaires, le début de la relation etc.… Et puis je leur dis de réfléchir. »

- 61 - Le traitement sert, bien souvent, à la fois de réassurance pour le patient et de confirmation de l’origine psychologique pour le médecin.

Nous venons donc de voir le caractère médical de la prise en charge des difficultés sexuelles avec toutefois une première différence : l’importance du psychologique, de la réassurance et l’influence de cette pathologie, non pas uniquement sur le patient, mais sur le couple, la famille. Poursuivons à chercher ce qui la différencie des autres pathologies médicales.