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Chapitre 1 : Problématique de la maîtrise des consommations d’énergies réelles dans le secteur

C. La garantie de performance énergétique

4. Suivi des consommations en exploitation

L’International Performance Measurement and Verification Protocol (IPMVP, 2012) est un cadre reconnu et utilisé pour la mesure et vérification des économies d’énergie et d’eau. L’ASHRAE Guideline 14 (ASHRAE, 2014) est un autre document de référence concernant les activités de mesure et vérification des performances énergétiques des bâtiments. Ces deux cadres constituent la base commune à d’autres cadres existants et nous nous appuyons sur eux pour énoncer les principes du suivi des consommations d’énergie en exploitation.

a) Définitions et options de l’IPMVP

Le principe fondamental du protocole IPMVP est la définition des économies d’énergie par la différence des consommations avant et après amélioration, en ajustant la consommation de référence aux conditions de la période de suivi tel qu’illustré par le graphique ci-dessous :

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Le point fondamental de ce principe est la nécessité de séparer les effets d’actions de performance énergétique d’autres effets liés à l’activité du site, au climat, aux comportements ou autres.

Tout d’abord, il est nécessaire de sélectionner des variables indépendantes supposées avoir un impact significatif sur les consommations d’énergie. ASHRAE Guideline 14 recommande d’inclure les variables qui vont être modifiées entre les périodes avant et après action de performance énergétique, tel que les paramètres climatiques et les niveaux d’occupation. La pratique la plus courante consiste à mettre en relation la consommation énergétique avec la température de l’air extérieur.

Ensuite, il convient de développer un modèle des consommations d’énergie en fonction de ces variables sur la base des données mesurées durant la période dite « de référence ». Cela permet d’obtenir un modèle pouvant prédire les consommations énergétiques de l’état pré-amélioration. L’ASHRAE Guideline 14 propose plusieurs approches de construction de ces modèles sur la base des régressions linéaires par morceaux. Cette approche permet de représenter les effets non linéaires de la consommation d’énergie pour différents régimes (par exemple pour représenter la différence entre le week-end et les jours ouvrés, ou entre la saison de chauffage et de climatisation).

Le modèle de référence obtenu permet de calculer ce qu’aurait été la consommation énergétique durant la période post-améliorations sans l’impact des actions de performance énergétique en adaptant les conditions climatiques et d’usage qui seraient différentes de la période de référence. Il est alors possible de comparer cette « référence ajustée » avec la valeur de consommation énergétique réelle de la période post-amélioration et de déduire les économies d’énergie obtenues.

Les économies d’énergie sont définies par l’équation suivante :

𝐸𝑐𝑜𝑛𝑜𝑚𝑖𝑒𝑠 = (𝐶𝑜𝑛𝑠𝑜𝑚𝑚𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑝é𝑟𝑖𝑜𝑑𝑒 𝑑𝑒 𝑟é𝑓é𝑟𝑒𝑛𝑐𝑒 − 𝐶𝑜𝑛𝑠𝑜𝑚𝑚𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑝é𝑟𝑖𝑜𝑑𝑒 𝑑𝑒 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑖) ± 𝑎𝑗𝑢𝑠𝑡𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑑𝑒 𝑟𝑜𝑢𝑡𝑖𝑛𝑒 ± 𝑎𝑗𝑢𝑠𝑡𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑒𝑥𝑐𝑒𝑝𝑡𝑖𝑜𝑛𝑛𝑒𝑙𝑠

Le terme « ajustement » sert à placer les consommations de référence et de suivi dans les mêmes conditions d’exploitation et d’usage. Comme la référence doit pouvoir être ajustée avec les conditions de la période de suivi, un modèle est nécessaire.

Les ajustements de la référence sont de deux types :

- Ajustements récurrents : les « variables indépendantes » dont on sait qu’elles impactent la consommation d’énergie et vont varier de façon prévisible sont utilisés pour ajuster la consommation de référence avec leurs valeurs mesurées lors de la période de suivi grâce au modèle mathématique créé pour calculer la consommation d’énergie de référence.

- Ajustements exceptionnels : les facteurs ne sont pas censés changer durant la période de suivi mais sont réputés impacter la consommation d’énergie. Ces facteurs doivent être suivis. S’ils varient, des ajustements sont nécessaires. Un cas typique donné par l’IPMVP est celui d’un projet d’amélioration de l’efficacité énergétique d’un ensemble d’éclairages. Si durant la période de suivi, des éclairages supplémentaires sont installés, un ajustement exceptionnel de la référence doit être effectué. La consommation d’énergie additionnelle des nouveaux éclairages doit être ajoutée dans le modèle de consommation de référence pour pouvoir toujours être en mesure de détecter les économies d’énergie induites par l’amélioration initiale.

A partir de ces définitions, les économies d’énergie sont calculées de cette manière :

𝐸𝑐𝑜𝑛𝑜𝑚𝑖𝑒𝑠 = (𝐶𝑜𝑛𝑠𝑜𝑚𝑚𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑟é𝑓é𝑟𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑎𝑗𝑢𝑠𝑡é𝑒 − 𝐶𝑜𝑛𝑠𝑜𝑚𝑚𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑝é𝑟𝑖𝑜𝑑𝑒 𝑑𝑒 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑖) ± 𝑎𝑗𝑢𝑠𝑡𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑒𝑥𝑐𝑒𝑝𝑡𝑖𝑜𝑛𝑛𝑒𝑙𝑠

Les conditions de référence doivent être parfaitement documentées dans le plan de mesures et vérification (plan de M&V) pour faire le suivi des modifications dans les facteurs statiques et effectuer

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correctement les ajustements exceptionnels. Par ailleurs, il est précisé que si des changements de facteurs statiques sont prévisibles, la méthode d’ajustement exceptionnel doit également être décrite dans le plan de M&V.

Quatre options sont définies par l’IPMVP pour déterminer les économies d’énergie et les niveaux d’incertitudes associés à des actions de performance énergétiques (APE). Le tableau 8 ci-dessous résume les 4 options de l’IPMVP selon le volume 1 – 2012 :

Option Calcul des économies Application type

A : Isolation de l’APE – mesure des paramètres clefs Mesure des paramètres clefs définissant les consommations d’énergie du système

Mesures peuvent être ponctuelles sur une période courte ou continues sur une période plus longue

Les paramètres non mesurés sont estimés soit par données historiques, données fabriquant ou à dire d’expert

Calculs des consommations de référence et de suivi à partir :

- Des mesures des paramètres clefs - Des valeurs

estimées

Ajustements de routines et exceptionnels selon besoin

Rénovation d’éclairage où la puissance électrique est le paramètre clef à mesurer

périodiquement et où les heures de fonctionnement sont estimées selon les heures d’ouverture et le comportement des usagers Conditions typiques : l’estimation des paramètres non-critiques évite la difficulté des ajustements exceptionnels, l’incertitude d’estimation est acceptable, l’efficacité d’une APE peut être évaluée par mesure ponctuelle sur un paramètre clef, l’estimation de paramètres est moins chère qu’une option B ou D, les paramètres clefs sont faciles à identifier

B : Isolation de l’APE – mesure de tous les paramètres Économies déterminées par mesure de la consommation d’énergie du système amélioré Mesures peuvent être

ponctuelles sur une période courte ou continues sur une période plus longue

Mesure de la consommation d’énergie durant la période de référence et de suivi et/ou calculs utilisant les mesures de paramètres donnant la consommation

Ajustements de routines et exceptionnels selon besoin

Mise en place de moteur à vitesse variable pour optimiser les consommations d’une pompe. Le sous-compteur est en place une semaine avant l’amélioration et reste en place après

Conditions typiques : les

compteurs ajoutés seront utilisés plus tard pour l’exploitation et/ou la facturation, les mesures de tous les paramètres sont moins chères que la simulation de l’option D, les économies et/ou les conditions d’exploitation sont variables

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C : Site entier

Économies déterminées par la mesure de la consommation d’énergie à l’échelle du site entier

Mesure continue de la consommation pendant les périodes de référence et de suivi

Analyse des consommations énergétiques des périodes de référence et suivi

Ajustements de routine sur un modèle obtenu par régression

Ajustements exceptionnels selon besoin

Programme de rénovation avec plusieurs APE, Mesure des économies de gaz et d’électricité sur un an pour chaque période Conditions typiques : la

performance énergétique de tout le site est évaluée, les APE sont multiples, les APE s’appliquent à des usages énergétiques difficiles à mesurer séparément, les

économies d’énergie sont grandes comparé à la variance des données de consommation de référence, les options A/B sont trop complexes à cause des effets interactifs, pas de changement majeur sur le site anticipé, système pour suivre les facteurs statiques disponible, une corrélation suffisante peut être établie entre la consommation et des variables indépendantes

D : Simulation calibrée

Économies déterminées par une simulation du site par

comparaison à la simulation calibrée sur la situation de référence

La démonstration de la calibration de la simulation de référence sur les

consommations est requise Cette option demande des compétences fortes en calibrage de simulation

La consommation doit être calibrée sur les données horaires ou mensuelles sur la base des factures énergétiques. Les données de sous-comptage

permettent d’affiner le calibrage

Programme de rénovation avec plusieurs APE où aucune donnée sur la période de référence n’est disponible, le comptage d’énergie après installation de compteurs est utilisé pour calibrer la simulation. La simulation est ensuite calibrée sur la période de suivi pour calculer les économies par différence avec la simulation de référence

Conditions typiques : des données de référence ou de suivi

indisponibles, trop d’APE pour utiliser les options A ou B, APE non mesurables séparément, les options A et B sont trop chères, des effets interactifs complexes, des changements importants sur le site anticipés et impossible à prendre en compte dans les calculs énergétiques autres, cas de

bâtiments neufs

Thèse de doctorat – Aymeric NOVEL 63 b) Modélisation des consommations en exploitation

(1) Les modèles par régression

Les modèles explicites de la consommation obtenus par régression correspondent aux options A, B et C. Ce sont typiquement ceux qui sont utilisés pour les équations d’ajustement dans les CPE. L’ASHRAE Guideline 14 résume les familles de modèles comme suit :

Modèle à un paramètre 𝒀 = 𝒃𝟎

Figure 33: Modèle statique à 1 paramètre

Il s’agit d’un modèle adapté à la consommation d’électricité des bâtiments sur réseaux de chaleurs/froid urbains. C’est un talon, une consommation moyenne, soit une constante.

Modèle à deux paramètres 𝒀 = 𝒃𝟎 + 𝒃𝟏𝑿𝟏

Figure 34: Modèle statique à 2 paramètres de la consommation de climatisation

Il s’agit d’un modèle adapté à la consommation de climatisation d’un bâtiment sur système CAV, avec batteries de réchauffage et sans free-cooling

Régression par morceaux à trois paramètres 𝒀 = 𝒃𝟎 + 𝒃𝟏. (𝑿𝟏 − 𝒃𝟐)+

Figure 35: Modèle statique à 3 paramètres pour le chauffage (gauche) et la climatisation (droite) Il s’agit de modèles adaptés à des bâtiments équipés de systèmes CAV et dont la température neutre est connue.

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Régression par morceaux à quatre paramètres 𝒀 = 𝒃𝟎 + 𝒃𝟏. (𝑿𝟏 − 𝒃𝟐)++ 𝒃𝟑. (𝑿𝟏 − 𝒃𝟐)+

Figure 36: Modèle statique à 4 paramètres pour le chauffage (gauche) et la climatisation (droite) Il s’agit de modèles adaptés pour la consommation de chauffage/climatisation pour un bâtiment équipé d’un système VAV centralisé

Régression par morceaux à cinq paramètres 𝒀 = 𝒃𝟎 + 𝒃𝟏. (𝑿𝟏 − 𝒃𝟐)++ 𝒃𝟑. (𝑿𝟏 − 𝒃𝟒)+

Figure 37: Modèle statique à 5 paramètres pour le chauffage et la climatisation

Il s’agit d’un modèle adapté aux mêmes types de cas que les modèles à trois paramètres mais avec deux points neutres. Le modèle à 5 paramètres est typique des bâtiments équipés par PAC réversibles alors que les modèles à 3 paramètres sont pour des systèmes séparés (chaudière gaz et groupe froid).

Effectuer des régressions linéaires par morceaux en séparant des périodes/régimes différents permet de rationaliser et de simplifier les régressions, permettant aussi aux modèles linéaires d’être pertinents. Ces modèles type préconisés par l’ASHRAE tiennent compte principalement de deux phénomènes :

- Les déperditions et apports statiques d’un bâtiment donné par rapport au climat - Le type de système CVC (par grandes catégories)

Ce sont des modèles essentiellement statiques. Ces modèles peuvent tenir compte d’autres variables comme des repas servis par jour ou des unités de production. Leurs désavantages sont :

- Ils sont insensibles aux effets dynamiques tels que l’inertie

- Ils ne tiennent pas compte d’autres variables climatiques que la température extérieure (Humidité, ensoleillement)

- Ils ne sont pas adaptés à certains types de bâtiments dont les besoins énergétiques sont très dépendants des usages

Pour ces cas, l’ASHRAE Guideline 14 recommande de développer d’autres modèles, au pas horaire ou journalier et des modèles séparés par périodes pour les cas générant un modèle linéaire avec trop de morceaux. C’est également la recommandation du BPA Regression for M&V reference guide (BPA, 2012) pour éviter d’avoir des modèles avec trop de variables d’état.

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Les régressions multiples

La forme type de ces modèles tel que donnée dans l’annexe B-2 de l’IPMVP (2012) est : 𝑌 = 𝑏0 + 𝑏1𝑋1 + 𝑏2𝑋2 + ⋯ + 𝑏𝑝𝑋𝑝 + 𝑒

𝑌 est la variable dépendante ou la réponse, la consommation d’énergie sur une période donnée (1h, 1jour, 1 semaine, 1 mois, 1 année)

𝑋𝑗 (𝑗 = 1,2,3, … , 𝑝) représente les p variables indépendantes telles que le climat, le niveau d’occupation, la durée de la période de mesure, etc.

𝑏𝑖 (𝑖 = 1,2,3, … , 𝑝) représente les p coefficients associés aux p variables indépendantes et le coefficient 𝑏0 est la constante non liée aux variables indépendantes sélectionnées

𝑒 représente l’erreur résiduelle (ou résidu) qui n’est pas expliquée par le modèle et donc par les variables indépendantes considérées.

L’analyse par régression détermine les coefficient bi qui minimisent la somme des carrés des résidus. Ces modèles par régressions sont également appelés modèles des moindres carrés. Un exemple très couramment utilisé implique les variables de degrés-jours et d’occupation :

𝐶𝑜𝑛𝑠𝑜𝑚𝑚𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑é𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒 𝑚𝑒𝑛𝑠𝑢𝑒𝑙𝑙𝑒

= 𝑏0 + 𝑏1 × 𝐷𝐽𝑈𝑐 + 𝑏2 × 𝐷𝐽𝑈𝑓 + 𝑏3 × 𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑑′𝑜𝑐𝑐𝑢𝑝𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛

Ici b0 représente une consommation « talon » qui ne dépend pas des trois autres variables.

Ces modèles permettent de prendre en compte plusieurs variables mais il est recommandé de ne pas démultiplier le nombre de variables en triant par pertinence physique.

Les régressions multiples par morceaux 𝒀 = 𝒃𝟎 + 𝒃𝟏. (𝑿𝟏 − 𝒃𝟐)++ 𝒃𝟑. (𝑿𝟏 − 𝒃𝟒)++ 𝒃𝟓. 𝑿𝟐 +

𝒃𝟔𝑿𝟑

Combiner les régressions multiples pour créer un modèle par morceaux peut améliorer les modèles. Il est possible de combiner autant de variables indépendantes et morceaux que l’on veut. Néanmoins, les outils à disposition tels que le « ASHRAE inverse model toolkit » limitent le nombre par exemple à 6 coefficients.

Les méthodes de modélisation employées varient également en fonction de l’option IPMVP choisie. Ainsi, une régression linéaire est utilisée pour l’amélioration d’un moteur (Dalgleish et al., 2003), qui est un exemple d’option A ou B alors qu’une régression multilinéaire est utilisée pour une option C. Enfin, pour que le modèle obtenu par régression linéaire soit valable il y a 4 hypothèses fondamentales qui doivent être respectées :

- Linéarité de la relation entre la réponse et les variables - Indépendance des variables choisies

- Normalité : la distribution des résidus suit une loi normale et la moyenne des résidus est nulle - Homoscédasticité : la variance des résidus est constante

(2) Les modèles numériques

L’utilisation de modèles numériques (STD et SED) est une spécificité de l’option D. Dans les options A, B et C, les erreurs de modélisation (voir chapitre 2) sont en lien avec une fonction mathématique. Lorsque l’on ne peut pas obtenir une telle fonction, on peut recourir à un modèle numérique. L’option D est habituellement sélectionnée pour les projets de nouvelles constructions ou de réhabilitations lourdes. Dans le cas de l’existant, la modélisation peut viser à réduire les marges d’incertitudes sur la prévision des économies d’énergie en réalisant une modélisation SED des consommations d’énergie

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calibrée sur l’existant. Elle peut également viser à définir une cible d’engagement en valeur absolue, comme dans le cas du neuf, théorique.

Les SED demandent de nombreux paramètres d’entrée. Les incertitudes des économies déterminées par ce type de modélisation sont principalement dues à la précision avec laquelle les paramètres modélisés correspondent à la réalité, par exemple la puissance installée d’éclairage.

Dans le cas d’une situation de référence, le processus de calibration de modèle peut être utilisé. Dans le cas de la période de suivi, le recalage dépend des données disponibles dans le cadre du M&V mais également de la correspondance faite entre données mesurées et variable de modélisation.

La précision avec laquelle le programme simule l’impact de chaque paramètre est en général négligée car les principaux programmes de simulation sont considérés comme donnant des résultats réalistes, à condition qu’elle soit bien réalisée et que les bonnes données d’entrée soient disponibles. Typiquement, les sujets de régulation, de mise en œuvre, d’hypothèses de charge informatique peuvent être prépondérants dans les écarts et ne sont pas des approximations structurelles de la SED.

c) Conditions d’exploitation et d’usage

Améliorer l’efficacité énergétique d’un bâtiment ne doit pas venir aux dépens de la qualité d’usage. Les paramètres typiques incluent le niveau d’éclairement, la température et le taux de ventilation pour la qualité de l’environnement intérieur, ainsi que des facteurs propres à des process le cas échéant comme des débits d’eau, un taux de production ou encore un niveau de pression pour de l’air comprimé. Le plan de M&V consigne les conditions de service qui doivent être assurées pour une consommation d’énergie réduite. IPMVP Volume II, Concepts and Practices for Improved Indoor Environmental Quality (IPMVP, 2012), fournit des recommandations pour le suivi de la qualité de l’environnement intérieur dans le cadre de l’amélioration de l’efficacité énergétique.

Les paramètres de la qualité de l’environnement intérieur qui sont en lien direct avec la consommation énergétique sont les suivants :

- Le confort thermique caractérisé notamment par la température et l’humidité. Ceci sera impactant en termes de traitement de l’air et d’émission de calories/frigories dans les espaces - La concentration de polluants et odeurs dans l’air tels que le CO2, l’humidité, le CO, le NOx,

les COV, l’ozone, etc… Ceci sera impactant en termes de débit de ventilation d’air neuf et de taux de recyclage, niveaux de pression à maintenir, filtration

- Le niveau d’éclairement et qualité de l’éclairage. Ceci sera impactant sur les consommations d’éclairage artificiel

L’IPMVP Volume II donne un résumé des liens entre les actions de performance énergétiques et les facteurs de la qualité de l’environnement intérieur (QEI), dont certains peuvent être repris dans les équations d’ajustement.

d) Conclusion

En conclusion de cette partie, nous retiendrons qu’un cadre bien défini existe pour la définition et le suivi des consommations énergétiques réelles ainsi que l’utilisation du principe d’ajustement de la valeur d’engagement. La modélisation des consommations est au cœur de ces méthodes qui se limitent à la régression multilinéaire. Force est de constater que les exemples donnés par ces cadres généraux restent relativement simples concernant les variables prises en compte et que ce sont essentiellement des modèles statiques. Ils n’offrent donc pas de réponse aux problématiques limitant l’application de la garantie de résultat énergétique.

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Toutefois, d’après les retours d’expérience montrant l’importance de la prise en compte des usages et des comportements, il semble important d’engager des réflexions sur les besoins des utilisateurs, sur leurs variations possibles et leurs évolutions dans le temps afin d’améliorer le suivi énergétique. Cela permettrait aussi de mieux prendre en compte les usages spécifiques de l’énergie. Selon l’IFPEB (2016), ceci amène à définir des unités fonctionnelles qui représentent l’activité du bâtiment et son intensité. Ces unités sont définies dans le langage de l’activité en question comme illustré ci-dessous pat des propositions d’unités fonctionnelles selon les catégories de bâtiments tertiaires INSEE/CEREN :

Figure 38: Exemples d'unités fonctionnelles du bâtiment applicables à l'analyse énergétique (Source : IFPEB, 2016)

Nous avons vu que la GRE nécessite un mécanisme d’ajustement. Cet ajustement doit pouvoir intégrer la « traduction » des usages nominaux et de leurs potentiels d’évolution, via la description de l’intensité d’usage. Les consommations calculées peuvent être exprimées par unité d’usage et non seulement par m². C’est le rapport entre consommation énergétique et service rendu qui est alors en jeu. Dans cette vision, l’objet clef n’est plus le m² uniquement, mais le service rendu par ce m², faisant apparaître une notion d’« intensité d’usage/m² ».

Il apparaît de ces observations que la notion bien établie de valeur normalisée en kWh/m², qui correspond fondamentalement à une « Maîtrise d’Ouvrage », ne correspondra plus à une « Maîtrise d’Usage » et appellera à l’utilisation d’indicateurs de type kWh/ « unité d’usage » ou bien à une normalisation des consommations à « situation et usage normaux », de manière analogue à la normalisation des consommations à « climat normal ».

Cela serait sans doute intéressant pour permettre un élargissement du périmètre d’application de l’ajustement de la référence, mais cela demanderait de déterminer quantitativement la relation entre consommation d’énergie et usages des espaces. Cela soulève également la question de la mesure de ces usages car ces données seraient nécessaires si la méthode d’ajustement de la référence intègre ces facteurs.

5. Conclusion

La GRE pose le cadre qui permet de maîtriser les consommations d’énergie réelles. C’est un marché en croissance et qui présente des retours d’expérience positifs. Néanmoins, la GRE telle que pratiquée