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Chapitre 1 : Problématique de la maîtrise des consommations d’énergies réelles dans le secteur

C. La garantie de performance énergétique

1. Définitions et concepts

Une garantie de performance énergétique s’exprime au travers d’un contrat de performance énergétique. Selon la directive Européenne du 5 avril 2006 (2006/32/CE), le CPE est défini comme « un accord contractuel entre le bénéficiaire et le fournisseur d'une mesure visant à améliorer l'efficacité énergétique, vérifiée et surveillée pendant toute la durée du contrat, aux termes duquel les investissements (travaux, fournitures ou services) dans cette mesure sont rémunérés en fonction d'un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique qui est contractuellement défini ou d'un autre critère de performance énergétique convenu, tel que des économies financières ».

Le cadre juridique des CPE en Europe a été successivement affiné par les directives 2006/32 du 05/04/2006, 2010/31 du 19/05/2010 et 2012/27 du 25/10/2012 et enfin par le paquet « hiver » de 2016. En France, le cadre juridique des CPE s’est décliné au travers de la loi POPE du 13/07/2005, la loi Grenelle 1 du 03/08/2009, la loi Grenelle 2 du 12/07/2010, et du rapport CPE du 03/2011 et enfin de la LTECV du 17/08/2015.

Les éléments caractéristiques d’un CPE peuvent être résumés ainsi :

- Le contractant d’un CPE fournit tous les services depuis l’audit, la conception et la mise en œuvre et le suivi des performances d’un projet d’économie d’énergie sur le site du client - Les investissements pour la performance énergétique sont remboursés en tout ou partie par les

économies d’énergie générées par le projet

- Le contractant d’un CPE assume la responsabilité contractuelle sur la performance énergétique visée par le projet et doit dédommager le client en cas de contre-performance

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Le périmètre contractuel d’un CPE peut inclure tout ou partie des missions suivantes : - Le préfinancement des actions d’efficacité énergétique

- La conception des actions d’efficacité énergétique - La réalisation des actions d’efficacité énergétique

- L’exploitation et la maintenance des installations et équipements durant la période de garantie L’architecture d’un CPE est constituée :

- De l’objet : une « cause impulsive et déterminante » du contrat qui est la diminution des consommations et des moyens (travaux et/ou fournitures et/ou prestation de services)

- De la situation de référence : surfaces, conditions d’usage du bâtiment et niveaux de service (températures, renouvellement d’air, types d’usages et durées…), mix énergétique, consommation de référence

- Des objectifs contractuels : quantités d’énergie économisées en énergie finale ou primaire, objectifs environnementaux complémentaires (réduction de GES, production ENR…), objectifs connexes (P1, travaux globaux…)

- De cas d’ajustements : ajustements récurrents (climat, volume d’activité…) et ajustements exceptionnels (clause de rencontre en cas de franchissement de seuils d’ajustements récurrents…)

- De la garantie de performance énergétique : assiette de calcul, définition de la réparation de la non-atteinte de objectifs (numéraire ou nature, réparation/pénalités, bonus/intéressement…) Le tableau 5 présente les distinctions entre les trois grandes catégories de CPE :

CPE « fournitures et

services » CPE avec travaux CPE global

1. Systèmes de gestion énergétique du bâtiment Services Autofinancement en 3-5 ans 2. Equipements de production, distribution ou équipements consommateurs d’énergie Services Autofinancement en 10-12 ans

Intervention sur l’enveloppe du bâtiment

Services

Pas d’autofinancement mais approche patrimoniale

Travaux Fournitures

Services

Pas d’autofinancement mais approche patrimoniale

Tableau 5: Les trois catégories de CPE

Les distinctions ci-dessus tendent à favoriser la dissociation des aspects « travaux d’économie d’énergie », dont la durée d’engagement est comprise entre 1 et 2 ans après réception, de ceux liés aux « services » d’exploitation-maintenance, dont la durée d’engagement est comprise entre 5 à 7 ans. Selon le guide « méthodes et outils de la garantie de résultats énergétiques » (FBE, 2016), « ces durées sont, en règle générale, trop courtes pour amortir l’investissement lié aux travaux d’économie d’énergie, notamment pour la partie « travaux » qui porte l’investissement le plus conséquent. Ainsi, tout en minimisant le risque de non recouvrement de l’investissement, la mise en place d’un mécanisme de

Thèse de doctorat – Aymeric NOVEL 41 vérification permet de valider, sans ambiguïté, l’atteinte d’objectifs de performance intermédiaires et de libérer le prestataire de son engagement contractuel. »

b) GPEI et GRE

En France, deux types de garanties ont été définies dans le rapport d’activité 2012 du Plan Bâtiment Durable (PBD, 2012), la garantie de performance intrinsèque (GPEI) et la garantie de résultats énergétiques (GRE) :

La GPEI est une performance simulée. Elle concerne la conception et les travaux jusqu’à réception. L’opérateur de travaux s’engage à atteindre une performance énergétique exprimée en consommation énergétique conventionnelle sur les 5 usages RT sous peine de reprendre les travaux et/ou dédommager le maître d’ouvrage au titre de sa garantie. Elle assure un niveau maximal de consommation énergétique, lié à un scénario d'utilisation adapté aux besoins du maître d'ouvrage et à des données pouvant différer des hypothèses prises dans le calcul réglementaire (par exemple : données météo). Mais elle sert essentiellement à resserrer la garantie d’avoir réellement les caractéristiques techniques demandées dans un marché de travaux et de réduire le risque lié à des incertitudes sur ces caractéristiques.

La GRE est une performance réelle mesurée en phase exploitation. Elle assure un niveau maximal de consommation énergétique réelle et mesurable. Cette GRE intègre donc l’exploitation et l’usage et elle s’étend sur plusieurs années après la réception des travaux de performance énergétique. Cette garantie est basée sur une référence qui peut évoluer en fonction des conditions d’usage. Elle donne lieu soit à une indemnité ou réparation, si les consommations réelles sont supérieures aux engagements et éventuellement, soit à l'intéressement du Contractant, si les économies réelles sont supérieures aux économies prévues. Sa durée est fixée entre les co-contractants : elle peut être très longue, comme dans certains contrats de Partenariat Public Privé (PPP) ou en cas de tiers-investissement, ou assez courte, le temps de faire la preuve tangible des performances du bâtiment en exploitation.

GRE et GPEI concernent aussi bien les bâtiments anciens rénovés que les neufs. Le schéma ci-dessous résume l’application de ces deux garanties le long des phases de vie d’un projet.

Figure 21: GPEI et GRE le long du cycle de vie d'un projet

c) GREi, GREe et GREo

En ce qui concerne la GRE, le guide « méthodes et outils de la garantie de résultats énergétiques » (FBE, 2016) définit trois nuances de GRE selon que l’on est en présence de travaux conséquents, de remise à niveau d’équipements ou simplement d’exploitation du site (FBE, 2016), illustrées sur la figure 22 ci-dessous :

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La Garantie de Résultats Energétiques initiale (GREi) concerne les opérations de travaux importants combinant des actions sur le bâti et les systèmes techniques. Sa durée courte doit cependant être nécessaire et suffisante à assurer la démonstration de l’atteinte de la performance contractuelle, mesurée en conditions réelles. Contrairement à la GPEI, la GREi ne libère en rien le prestataire de ses responsabilités contractuelles à la réception. Il doit attester par la mesure continue des consommations d’énergie, que le gain de performance est atteint conformément à l’objectif assigné contractuellement. Cette période correspond à celle d’un « CPE Travaux » et s’étend sur 1 à 2 ans après réception.

La Garantie de Résultats Énergétiques d’exploitation (GREe), consiste à exploiter le bâtiment et les actions de performance énergétiques (APE) ayant été mises en place au cours de la GREi, de manière optimale, dans un processus contrôlé par une mesure continue de la performance énergétique. Elle concerne essentiellement des opérations de services pour lesquelles la part de prestations d’exploitation, de monitorage, de maintenance préventive, de maintenance curative, et de suivi, est très supérieure à la part de fournitures ou de travaux d’amélioration. A la différence d’une prestation d’exploitation multi-services classique, cette prestation comprend la mesure en continue de la performance énergétique et des niveaux de qualité de services et fait l’objet d’une garantie chiffrée par le prestataire. Cela correspond à un « CPE fourniture et services » dont la durée typique sera comprise entre 5 et 7 ans. La GREo est une opération de travaux et/ou de services d’amélioration de la performance qui se distingue des autres GRE par le fait qu’elle ne change pas fondamentalement la conception des solutions techniques des APE, comme c’est le cas dans la GREi. La GREo vise à rétablir la performance des APE qui seraient, naturellement ou accidentellement, dégradée par le vieillissement ou tout événement exceptionnel imprévu.

d) Les principaux périmètres de responsabilité

Le guide « méthodes et outils de la garantie de résultats énergétiques » (FBE, 2016) définit différents schémas de contractualisation en fonction de qui porte la responsabilité et à partir de quand, dans le cadre du déroulement d’un projet de CPE.

Le Schéma 1 (GRE « portée à 100% par le prestataire ») : le prestataire prend une responsabilité totale. Il intervient très en amont du projet, dès l’établissement de l’audit énergétique et propose les programmes performanciels prévisionnel et définitif avant de réaliser ses travaux et/ou services. Le donneur d’ordre accepte ou non les propositions qui lui sont faites aux différentes étapes. Ce schéma correspond typiquement au schéma pratiqué sur le marché des entreprises de services énergétiques (ESE, ou ESCO pour energy service company en anglais) pour des projets sur les systèmes.

• GRE initale intègre des

travaux

• Conception / Réalisation / Exploitation des APE • Durée d'exploitation limitée

à la fourniture de la preuve de performance

GREi

• GRE exploitation

• Engagement sur le maintien ou l'amélioration de la performance stabilisée obtenue par la GREi

GREe

• GRE optimisation • remise à niveau des

équipements • reprise des systèmes de

régulation

GREo

Figure 22: Articulation entre GREi, GREe et GREo (Source : Méthodes et outils de la garantie de résultats énergétiques, Fondation Bâtiment Energie, 2016)

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Le Schéma 2 (GRE « partagée ») : l’audit énergétique et le programme performanciel prévisionnel sont réalisés par le donneur d’ordre, sous sa responsabilité. Ceci ne préjuge pas du choix final des solutions techniques qui seront mises en œuvre. Une consultation est organisée pour sélectionner un contractant qui finalise la conception, met en œuvre et suit en exploitation. C’est typiquement la méthode suivie pour organiser un dialogue compétitif, particulièrement adapté si l’on vise des performances élevées, comme pour les marchés publics de performance énergétique (MPPE anciennement CREM).

Le Schéma 3 (GRE « conception assistée par le prestataire ») : les solutions techniques des actions de performances énergétiques sont définies par le donneur d’ordre. Puis elles sont vérifiées du point de vue de l’atteinte des objectifs du programme performanciel prévisionnel par le contractant. Ce dernier schéma peut correspondre à une situation où un futur exploitant portera une garantie de performance et a été sélectionné en amont pour vérifier que les caractéristiques techniques du site qu’il va piloter sous garantie sont conformes. Cela peut correspondre également à un marché REM (Réalisation – Exploitation – Maintenance).

e) Economies partagées et économies garanties

Les ESCO sont les entreprises qui fournissent des services spécialisés sur les projets d’économie d’énergie et sont capables de s’engager sur des performance énergétiques contractuelles. Les ESCO pratiquent deux types de schémas contractuels de CPE : les schémas d’économies partagées (shared savings scheme) et d’économie garantie (guaranteed savings scheme).

Dans le schéma d’économies garanties, l’ESCO fournit un service au propriétaire incluant l’audit, la conception, les travaux et le suivi post-amélioration. Le coût du projet est entièrement porté par le propriétaire. Un mécanisme de bonus/malus ou autre est défini en rapport à l’atteinte de l’objectif contractuel de performance.

Dans le schéma d’économies partagées, l’ESCO fournit le même service mais en plus elle finance les travaux puis se rembourse sur une partie du flux d’économie d’énergie qu’elle partage avec le propriétaire du bâtiment. Cela n’est donc accessible qu’aux ESCO avec une certaine capacité financière ou une bonne capacité pour obtenir des financements, ce qui est souvent la limite de ce schéma.