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CHAPITRE III : Les principales théories et approches en communica-

5. Les structures récurrentes

5.1. Les différents emplois du pronom « Nous »

Le pronom « nous » est considéré comme un pronom politique, mais il n’est pas suffisant de constater cet emploi, il est essentiel de le relier à d’autres catégories comme ; qui parle, quand, où, à qui, … etc.

Dans les quelques extraits ci-dessous triés du discours de S. Royal « La Fra-ternité à son Zénith », nous pouvons dire que l’emploi du pronom nous s’inscrit dans la règle de la camaraderie de R. Lakoff ; « faire que l’allocutaire soit à l’aise » ;

« … la France que nous voulons et ce que nous refusons, … »

« … pourquoi nous faisons une fête de la fraternité en ces temps difficiles. » « … Nous sommes là … »

« Eh bien non, nous sommes là ! »

« … nous restons debout car nous avons soif d'humanité. »

« Je suis là parce que nous avons en commun de vouloir un autre monde. » « Alors, ces règles, je vous propose que nous les inventions ensemble et que nous les imposions ensemble ».

Selon les maximes proposées par G.N. Leech il s’agirait plutôt des deux maximes de « modestie » et « d’accord », la première ; minimise le plaisir de l’autre et maximise le déplaisir de soi, la seconde minimise le désaccord et maximiser l’accord entre soi et l’autre, dans la mesure où la candidate se met dans le même rang et la même position sociale que son public et ce dans le but de briser la barrière de distance liée à la notion de pouvoir inhérente au discours politique.

5.1.1. Complexité référentielle

Le pronom « nous » est considéré de manière générale comme un pronom d’auto-désignation, mais il peut avoir d’autres contenus référentiels. Dans les passages relevés ci-avant, quand Mme Royal emploie le pronom « nous », elle ne désigne pas toujours et forcement le groupe au nom du-quel elle parle, cette stratégie énonciative est adoptée parce que l’ex-candidate se veut floue. Cependant il ne va pas sans rappeler que ce pro-nom est par nature porteur d’une certaine ambigüité, dans la mesure où il représente et par définition, une synthèse de plusieurs pronoms.

C. Kerbrat-Orecchioni (2009 :46) expose le complexe référentiel du pronom «nous» sous forme de graphe :

je +tu (singulier ou pluriel) « nous inclusif » Nous= je +non- je : je + il(s) : « nous inclusif »

je +tu +il (s)

Le « nous » inclusif présenté dans le graphe est une pure déictique, mais précise C. K- Orecchioni, lorsqu’il comporte un élément de troisième per-sonne, ce pronom doit être accompagné d’un syntagme nominal fonction-nant comme un antécédent de l’élément « il » inclut dans le «nous».

De ce point de vue nous distinguons trois possibilités référentielles : • La première possibilité et la plus plausible selon laquelle le pronom

personnel « nous » est celui du porte-parole et renvoie à l’énonciateur lui-même.

• La deuxième possibilité et à travers un glissement énonciatif le pro-nom « nous » renvoie à un énonciateur délégué, autrement dit au groupe compositeur qui est dans le cas présent ; le public.

• Selon la troisième possibilité le pronom personnel « nous » peut ré-férer au locuteur scripteur qui dans le cadre d’un discours politique médiatisé peut s’étendre à tous les citoyens possédant un certain nombre d’informations qui leur permettent, d’exprimer un point de vue, adhérer ou réfuter.

5.1.2. Le « nous » de manipulation

L’usage du pronom « nous » dans le contexte politique est en étroite rela-tion avec l’identité institurela-tionnelle de l’énonciateur, qui une fois révélée lui donne une dimension collective d’un membre parmi d’autres membres faisant partie de la même institution :

« …nous sommes la cinquième puissance du monde et nous comptons des

millions de travailleurs pauvres. Mais ce n'est pas juste !… », dans cet

énoncé le pronom « nous » est employé dans la même séquence dis-cursive ou l’identité est révélée « cinquième puissance du monde », le pronom désigne donc l’Etat français rendu responsable du taux en hausse de la pauvreté en France.

Elle vient par la suite renforcer l’emploi du « nous » désignant l’Etat fran-çais :

« Oui vous l'avez entendu, ce sont des salariés précaires, dans la cinquième puissance du monde ! Et Coluche disait ceci : « Ils vont être content les pauvres d'apprendre qu'ils vivent dans un pays riche »

La manipulation est évidente dans la mesure où l’énonciateur renforce son accusation par des paroles qui ne lui sont pas propres, une stratégie con-nue par les politiciens ; un coup de force discursif leur permettant d’intégrer le public dans une parole commune sans vérifier s’il est d’accord ou pas.

« …nous faisons une fête de la fraternité… », « … Nous sommes là … », « … nous restons debout car nous avons soif d'humanité. », « … nous avons en commun de vouloir un autre monde. », « … ces règles… nous les inventions ensemble … nous les imposions ensemble ».

Dans les énoncés précédents, et de prime abord, le « nous » est un phéno-mène d’anaphorisation employé pour éviter la répétition, mais en réalité il cache un jeu de manipulation implicitement introduit, vu qu’à chaque ac-tualisation du pronom par le locuteur, le public en intégrant l’information liée au pronom dans sa mémoire discursive va l’associer inévitablement à des interprétations valorisantes de la présidente regrettée qui aurait pu changer les choses en France et contribuer à son développement. Ce type d’interprétation deviendra automatique et vaudra pour tous les emplois du « nous » dans le discours, le récepteur ne fournira aucun effort de ré-flexion pour s’interroger à qui renvoie le pronom « nous ».

5.1.3. Le « nous » du porte parole

Quand le locuteur s’auto-désigne par le pronom « nous » qu’il soit locu-teur collectif ou délégué, tel est le cas de l’ex-candidate du parti socialiste, il implique soit ceux compositeurs du discours ou alors lui-même et ses sympathisants politiques :

« Et nous changerons, parce que nous sommes le changement ! Nous, la gauche ! Parce que ça a encore du sens de dire « la gauche ». Beaucoup vou-draient que la frontière n’existe plus, qu’elle soit floue. Oui la gauche doit se ressaisir, car être à gauche c’est avoir une lucidité radicale sur nos atouts, sur l’énergie et la force des hommes et des femmes, ici en France et dans le monde,

qui ne demandent qu’à faire avancer notre pays pour peu qu’on nous entraîne. Et que personne ne soit laissé sur le bord du chemin ! »

En tant que porte parole du parti, le locuteur a habilité à exprimer ses propres opinions dans la mesure ou il dispose d’une certaine notoriété que la collectivité lui a attribué dès lors qu’il est mandataire et c’est justement là ou réside la manipulation.

Dans le passage précédent nous pouvons, penser que la candidate parle au nom de son parti, mais à travers un glissement énonciatif elle expose ses idées personnelles en tant que citoyenne et politicienne en quête du pou-voir. En effet dans un groupe un seul individu peut être le véritable auteur du discours, le degré de son influence et sa dictature lui permettront de modeler la rédaction en faveur de ses propres opinons.

Il va de soi que, plus l’énonciateur change plus l’énonciation change, l’emploi du pronom «nous » peut avoir des implications causales sur tout le discours, de plus comme nous venons de le voir à travers l’analyse ci-haut, le pronom « nous » est multi-référentiel, rattachée à différents facteurs sa référence reste peu évidente.