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3) La commande centrale respiratoire

3.1 Les structures à la base de la commande centrale respiratoire

Une structure respiratoire, comme toute autre structure associée à une fonction, est un groupe de cellules qui participe à l’élaboration et la modulation de la CCR. Les cellules composant les structures sont de diverses natures i.e. des neurones, des cellules gliales dont les astrocytes (souvent considérées comme cellules de soutien mais qui ont bien d’autres rôles), les cellules microgliales ou encore les oligodendrocytes. Les cellules gliales sont dix fois plus petites que les neurones mais aussi dix fois plus nombreuses et jouent un rôle crucial dans le maintien de l’homéostasie des neurones, le guidage des axones et dans la réponse immunitaire. Les cellules gliales les plus abondantes sont les astrocytes. Au cours des dernières années, de plus en plus de fonctions ont été associées aux astrocytes en particulier la régulation du lux sanguin cérébral et réponse respiratoire au CO2 (Santello et al., 2009; Mulkey et al., 2011). Cependant, les po-pulations cellulaires non-neuronales ne sont pas prises en compte dans la déinition de structures respiratoires.

En fonction de la méthodologie expérimentale utilisée, les structures ont été reconnues comme respiratoires si des neurones qu’elles contiennent sont actifs de façon synchronisée par rapport au cycle ventilatoire ou si ces mêmes neurones établissent des connections susceptibles d’in-luencer la CCR.

Un bref aperçu de la théorisation des principes à la base de l’élaboration du rythme respiratoire

Classiication des neurones respiratoires selon le moment de leur décharge

Selon certains auteurs, un neurone est considéré comme respiratoire s’il présente une activité en phase avec une des phases du cycle respiratoire. Sur la base de l’enregistrement du nerf phrénique qui innerve le diaphragme, le principal muscle inspiratoire, un cycle respiratoire est déini par la phase inspiratoire, suivie par les phases post-inspiratoire et expiratoire. Ainsi, un neurone déchargeant pendant l’inspiration est qualiié d’inspiratoire (de même pour la post-inspiration et l’expiration). A cette classiication s’ajoute le fait que le neurone décharge préco-cement ou tardivement dans la phase concernée (Figure 7). Outre cela, des neurones présentant un renforcement de leur décharge pendant une des phases du cycle respiratoire sont aussi sou-vent classiiés comme respiratoires i.e. toniques modulés par l’inspiration, la phase post-inspiratoire ou l’expiration.

Figure 7: Identiication des neurones respiratoires selon le moment de décharge

Neurones inspiratoires, post-inspiratoires et expiratoires identiiés chez le chat anesthésié au penthobarbital selon le moment de leur décharge (PA, potentiel d’action) par rapport au cycle ventilatoire identiié par l’activité du nerf phrénique (NP). (D’après Richter, 1982)

Classiication des neurones respiratoires selon leurs sites de projection

Ajoutées aux études portant sur les modalités de décharge des neurones, des études ont conclu à une diférenciation des neurones respiratoires sur la base de leurs sites de projection (Bianchi et al., 1995) :

- Les motoneurones bulbaires projettent sur les muscles pharyngés des VAS (Bianchi, 1969, 1971).

- Les pré-motoneurones projettent sur les motoneurones spinaux innervant les muscles inter-costaux et le diaphragme (Bianchi, 1969, 1971).

- Les neurones propio-bulbaires qui ont été déinis en 1982 comme des neurones qui ne sont activés ni à partir de la stimulation électrique des eférences laryngée ou pharyngée, ni à partir de la moelle épinière (Richter, 1982). Ils sont probablement à l’origine des activités synchroni-sés entre neurones rythmogènes et neurones pré-moteurs (Duin et al., 1990).

Diférentes théories ont été proposées au cours des dernières années en passant par un modèle d’inhibitions réciproques entre diférents groupes neuronaux à un modèle où seuls des neurones

autorythmiques (voir paragraphe suivant) seraient responsables de l’élaboration du rythme

res-piratoire. Entre ces deux modèles, un continuum de propositions a posé l’idée d’un modèle associant neurones autorythmiques et interconnections entre ces neurones et des neurones inté-gratifs ou intrinsèquement chémosensibles (Onimaru et al., 1987; Smith et al., 2007a, 2013; Anderson et al., 2016).

Les structures autorythmogènes

Certaines structures contiennent des neurones dont l’activité semble intrinsèquement ordonnée. En efet, ces neurones maintiennent une activité rythmique sur des préparations ex vivo de tronc cérébral (Figure 8) (Onimaru et al., 1987).

Figure 8: Activité spatio-temporelle des régions génératrices du rythme respiratoire

Observation de l’activité neuronale dans les rythmogénérateurs bulbaires de rat à l’aide du Di-2-ANEPEQ, un luorochrome dont le spectre d’émission est voltage-dépendant et ainsi sensible aux changements de potentiels membranaires. Les temps indiqués réfèrent au début de la phase inspiratoire, la barre bleue à la phase inspiratoire et la barre rouge au moment d’acquisition de l’image. Le tracé noir indique la décharge de la racine cervicale C4 correspondant au nerf phré-nique. On note l’activité accumulée au sein du groupe respiratoire parafacial (-200ms – 0ms), qui recouvre au moins en partie le RTN ; cette région étant ainsi communément dénommée par de nombreux groupes de chercheurs région RTN/pFRG. Ensuite, on note une activité augmen-tée en partie caudale, correspondant au pré-BötC, synchrone avec l’activité du nerf phrénique. (Onimaru et al., 2003)

Les autorythmogénérateurs apparaissent successivement le long du bulbe rachidien ventrolaté-ral. Ces générateurs sont considérés comme des oscillateurs étant donné qu’ils sont à l’origine des phases du cycle ventilatoire.

Le complexe pré-BötC

Sur une préparation de tronc cérébral isolé ex vivo de rat nouveau-né, Smith et al. (1991) ont montré que des sections coronales étagées du tronc cérébral ne modiient pas l’activité respira-toire jusqu’à ce qu’une section supprime une région entraînant un arrêt du rythme respirarespira-toire. Cette région, située en position ventromédiane par rapport au noyau ambiguu, a été dénommée

par ces auteurs le complexe de pré-Bötzinger (pré-BötC) en raison de son positionnement im-médiat caudal au complexe de Bötzinger. L’enregistrement intracellulaire de neurones dans le pré-BötC a permis d’identiier dans ce complexe une sous population de neurones présentant une fonction d’autorythmicité inspiratoires et leur permettant de générer une activité rythmique spontanément, même isolés du reste du réseau (Johnson et al., 1994; Rekling et al., 1998; Pena et al., 2004). L’administration de la tétrodotoxine, un inhibiteur des canaux Na+ voltage-dépen-dants, dans cette région abolit la respiration de manière irréversible, conirmant le rôle crucial de cette région dans la genèse du rythme inspiratoire (Ramirez et al., 1998). Sur des prépara-tions ex vivo de souris nouveau-née, l’activité des nerfs phréniques est préservée des deux côtés, mais de manière asynchrone suite la section des tranches bulbaires dans la ligne médiane, indi-quant que les complexes pré-BötC localisés bilatéralement génèrent l’inspiration sans dépendance l’un de l’autre (Kobayashi et al., 2010).

Le RTN/pFRG

En 1987, ONIMARU et HOMMA ont caractérisé sur des préparations ex vivo contenant le bulbe rachidien et le pont chez le rat nouveau-né une région au niveau de la surface ventrolatérale du bulbe rachidien rostral qui présente une activité phasique précédant l’activité inspiratoire enre-gistrée sur la racine C4 (Onimaru et al., 1987). L’utilisation du traceur chromophore voltage-dépendant Di-2-ANEPEQ (Figure 8) a permis de mettre en évidence cette activité dans une région para-faciale qui a été nommée groupe respiratoire parafacial (pFRG, adjacent au 7N) (Onimaru et al., 2003). Cette étude a mis en évidence le rôle fonctionnel de cette structure dont la lésion partielle et bilatérale perturbe la rythmogénèse respiratoire en diminuant signiicative-ment la fréquence des décharges inspiratoires. Sur des préparations ex vivo de rat nouveau-né, l’ablation successive des parties rostrales vers les parties caudales n’abolit pas la génération de l’inspiration jusqu’à atteinte du pré-BötC, indiquant que le pFRG exerce une fonction distincte dans la rythmogénèse respiratoire (Janczewski et al., 2006). En efet, des études in vivo mon-trent que des sections du tronc cérébral supprimant le pFRG mais laissant le pré-BötC intact abolissaient l’expiration active avec un efet limité sur l’inspiration (Janczewski et al., 2006). Le pFRG est localisé au voisinage d’un autre groupe de la surface ventrale du bulbe rachidien, le noyau rétrotrapézoïde (RTN). Ce dernier est connecté avec les groupes respiratoires ventral et dorsal (voir Le réseau bulbo-pontique, page 18) (Pearce et al., 1989; Smith et al., 1989; Bo-dineau et al., 2000a). Des études montrent que cette structure est impliquée dans la régulation de la CCR en réponse à l’hypercapnie et l’hypoxie (Larnicol et al., 1994; Nattie et al., 1996; Teppema et al., 1997; Bodineau et al., 2000b; Voituron et al., 2006). En raison de leur locali-sation étroite, le pFRG et le RTN sont considérés comme une même structure fonctionnelle, le RTN/pFRG.

Le complexe post-inspiratoire PiCo

Une étude récente a inalement démontré l'existence d'une structure post-inspiratoire avec une activité excitatrice, appelée PiCo (angl., Postinspiratory Complex) (Anderson et al., 2016). Son

rôle n'est pas encore clairement déini mais elle semble inhiber l'activité du pré-BötC et réci-proquement être inhibée par ce dernier. PiCo contient des neurones Acétylcholinetransferase-positifs qui présentent une activité autorythmique dont la durée d’activité est corrélée à la durée de la phase post-inspiratoire. Cette structure pourrait être impliquée dans d’importantes fonc-tions physiologiques post-inspiratoires telles que la phonation (Anderson et al., 2016).

C’est le pré-BötC et le RTN/pFRG qui ordonnent le rythme respiratoire en stimulant des neu-rones pré-moteurs du bulbe qui eux projettent et activent les motoneuneu-rones du noyau phrénique, des noyaux intercostaux et du noyau hypoglosse. Le timing et la durée de l'activité des neurones autorythmiques inluence directement celle des neurones (pré-)moteurs respiratoires. Un dys-fonctionnement résulterait en une perturbation du cycle ventilatoire dont les conséquences pourraient être une baisse d’O2 sanguin et une rétention de CO2 dans l'organisme.

3.2 Le réseau bulbo-pontique : La CCR à la base de trois groupes