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2) Les voies aériennes supérieures (VAS)

2.2 Physiologie des voies aériennes supérieures

Les VAS participent à diférentes fonctions telles que la ventilation, la déglutition, la phonation. Dans la respiration, leur rôle est d’assurer le passage de l’air en se maintenant en position ou-verte. Pendant l’inspiration, le thorax exerce une pression négative sur les VAS qui, sans un maintien actif de leur diamètre par stimulation des muscles pharyngés, collapseraient, ce qui arrêterait le lux d’air. Les muscles dilatateurs qui entourent les VAS, en particulier les muscles pharyngés, se contractent notamment en amont de la contraction du diaphragme et des autres muscles extra-diaphragmatiques inspiratoires permettant ainsi d’éviter une obstruction. Il existe ainsi une organisation spatio-temporelle de la CCR. L’activité des muscles « dilatateurs » des VAS durant l’inspiration maintient l’ouverture adéquate de ces dernières malgré la pression

négative intra-thoracique (Suratt et al., 1983). Le fonctionnement des VAS joue par conséquent un rôle crucial dans la respiration.

Les muscles dilatateurs des VAS

Il n’existe en réalité aucun muscle proprement dit dilatateur des VAS, à l’exception de ceux des narines. Les mouvements de ces muscles sont constricteurs ou élévateurs et leur activité aboutit à un maintien du diamètre des VAS pendant l’inspiration et non à la dilatation de ces derniers. Le pharynx héberge la langue qui occupe une grande partie de la cavité buccale. Ses mouvements interviennent dans la mastication, l’articulation et la déglutition. La langue peut être considérée comme une masse musculaire qui est capable de basculer vers l’arrière et l’avant. Comme tous les muscles, la langue a un volume constant qui ne change pas au cours de la contraction et l’ouverture des VAS se fait donc par son déplacement (Smith et al., 1985). Elle est constituée de huit paires de muscles : quatre muscles extrinsèques (génioglosse, hyoglosse, styloglosse et palatoglosse) qui s’insèrent sur des structures osseuses, quatre muscles intrin-sèques (longitudinal inférieur, transversal, géniohyoïdien, pharyngoglosse), ainsi qu’un muscle impair (longitudinal supérieur) (Figure 3).

Figure 3: Muscles pharyngés des voies aériennes supérieures

Gauche, Vue transversale de l’oropharynx humain et illustration 3D des muscles de la langue. Les lèches indiquent la direction du déplacement du muscle correspondant lors de sa contrac-tion. Droite, Vue frontale de l’oropharynx humain. (D’après Lamiot, 2008, Wikimedia Commons selon la Licence Creative Commons Paternité 3.0; Sanders et al., 2013)

Le génioglosse, muscle extrapharyngé lingual, est considéré comme le muscle principal des VAS. Il s’insère sur la face interne de la mandibule en avant et sur l’os hyoïde en bas et en avant (Shaw et al., 2013; Attali, 2015). La contraction du génioglosse déplace la base de la langue vers le bas et l’avant ce qui ouvre les VAS. Néanmoins, l’attribution au génioglosse du titre de muscle dilatateur principal est due au fait que ce muscle est le plus facile d’accès pour des études expérimentales (Mateika et al., 1999). Naturellement, cette facilité d’accès a abouti à une meilleure connaissance du génioglosse comparée aux autres muscles pharyngés. Les muscles styloglosse et l’hyoglosse par exemple sont impliqués dans le positionnement de la langue dans la cavité buccale, mais leur étude demande des méthodes invasives (Mateika et al., 1999). Selon la thèse doctorale du Dr. Valérie ATTALI (2015), le géniohyoïde par exemple dé-place l’os hyoïde sur lequel s’insère le génioglosse (Shaw et al., 2013). Le rôle du géniohyoïde n’a pas encore été décrit déinitivement car son anatomie varie entre les sujets et qu’il n’est pas certain si sa contraction contribue à l’ouverture des VAS tel que c’est le cas du génioglosse (Zaidi et al., 2013). L’hyoglosse est antagoniste du génioglosse et son activité de rétraction est toujours synchronisée avec l’activité d’ouverture du génioglosse (Fuller et al., 1998). La stabi-lité des VAS est supérieure lors de l’activité simultanée du génioglosse et du géniohyoïde comparée à l’activité du génioglosse seul (Oliven et al., 2007). Au sein du génioglosse même, certaines ibres présentent également des mouvements antagonistes au mouvement principal de celui-ci (Dotan et al., 2011). Le palatoglosse est un élévateur du voile du palais. Le stylopha-ryngien est élévateur du larynx et sa contraction dilate le pharynx, facilitant la déglutition (Rea, 2014). La coordination des mouvements musculaires des VAS joue ainsi un rôle crucial dans le maintien de leur position ouverte.

Innervation des muscles des VAS

Sept des huit paires de muscles de la langue sont innervées par la douzième paire de nerfs crâniens (XII) : les nerfs hypoglosses (Figure 4). La stimulation électrique des nerfs hypo-glosses chez les chiens augmente le tonus musculaire des VAS (Hida et al., 1995). Les muscles palatoglossaux constituent la huitième paire des muscles de la langue et celui-ci et les muscles stylopharyngés sont innervés par le nerf vague, la dixième paire de nerfs crâniens (X). La neu-vième paire de nerfs crâniens (IX), les nerfs glossopharyngiens, s’associent au nerf vague dans l’innervation des muscles stylopharyngés.

Figure 4: Contrôle des muscles des voies aériennes supérieures par le noyau hypoglosse

via le nerf hypoglosse

Les nerfs crâniens sont composés d’axones arrangés en faisceaux et provenant de motoneurones dont les corps cellulaires sont situés dans ce qui est appelé des Noyaux ou « N » au niveau du tronc cérébral et du diencéphale. Pour la paire crânienne XII, les corps cellulaires sont situés dans le noyau hypoglosse (Hypoglossal nucleus, 12N, Figure 4). Ces axones se terminent di-rectement sur les muscles dont ils contrôlent la contraction (Barnard, 1940; Heckman et al., 2012).

Le noyau hypoglosse est majoritairement composé de motoneurones, mais d’autres populations cellulaires y sont également localisées. Ainsi, 13% du millier de ses cellules chez la souris sont des interneurones3 (Sturrock, 1991). Tous les motoneurones expriment l’Acétylcholine trans-férase qui est par conséquent utilisée comme marqueur moléculaire de ces cellules (Paxinos et al., 2004).

Dans le noyau hypoglosse, les motoneurones sont organisés de manière spéciique en fonction des diférents muscles pharyngés qu’ils innervent (Figure 5). Cette structuration interne est con-nue sous le terme de somatotopie (Krammer et al., 1979; Uemura et al., 1979; Fay et al., 1997). Ainsi, au niveau caudal, la partie ventromédiane du noyau hypoglosse du rat innerve les muscles intrinsèques de la langue, la partie ventrolatérale innerve le génioglosse et le géniohyoïde (Fay et al., 1997), bien que des motoneurones immunomarqués à partir d’injections d’un traceur rétrograde dans le génioglosse sont présents sur toute la surface ventrale du noyau hypoglosse selon quelques études chez la même espèce(Krammer et al., 1979; Schwarz et al., 2009). La partie dorsale innerve les muscles rétruseurs (styloglosse et hyoglosse) (Odutola, 1976). Au niveau rostral, après apparition du quatrième ventricule, les motoneurones en position dorsale innervent le muscle styloglosse et ceux en position ventrale l’hyoglosse (Fay et al., 1997). L’activation d’un motoneurone a toujours un efet excitateur du muscle qu’il innerve. La force contractile d’un muscle se régule par le nombre de motoneurones stimulés, la taille de l’unité motrice4 de ces derniers ainsi que la fréquence des spikes5 (Hick et al., 2002; Vestergaard et al., 2015). Le relâchement ou l’inhibition de la contraction musculaire se fait alors respectivement par arrêt de la stimulation ou par une inhibition active du motoneurone.

3 Les interneurones relaient les messages entre deux neurones. Ainsi, ils peuvent par exemple transmettre des messages entre des neurones sensoriels et des motoneurones.

4 L’unité motrice traduit le nombre de plaques motrices formés par un même motoneurone. Un bourgeonnement axonal important d’un motoneurone fait ainsi qu’il peut stimuler un muscle à plusieurs endroits et augmenter par conséquent la force contractile de ce dernier.

5 Les spikes décrivent l’activité mesurable d’un nerf provenant d’un groupe de neurones, à l’inverse du potentiel d’action qui se mesure sur les neurones individuellement. Tandis qu’une unique stimulation musculaire aboutit à sa contraction, celle-ci ne déclenche pas une contraction maximale possible. Une deuxième stimulation aug-mente la contraction selon le principe de superposition. Par conséquent, l’activité d’un nerf est définie par

Figure 5: Organisation somatotopique du noyau de l’hypoglosse

A, Vue sagittale de l’encéphale de rat avec indication du niveau des coupes coronales réalisées au niveau du noyau de l’hypoglosse i.e. rostral (B) et caudal (C). Ces coupes ont été immuno-marquées à l’Acétylcholine transférase. A droite, Deux schémas délimitant les subdivisions du noyau de l’hypoglosse au sein de la coupe rostrale (D) et la coupe caudale (E). En position rostrale, le noyau de l’hypoglosse (12) le styloglosse (S) et l’hyoglosse (H). La partie caudale innerve le retruseur (R), le génioglosse (Gg), les muscles intrinsèques (T), ainsi que le génio-hyoïde (Gh). (D’après Fay et al., 1997; Paxinos et al., 2004)

Contrôle nerveux des motoneurones du noyau hypoglosse, structure d’innervation principale des muscles des VAS

La contraction des muscles pharyngés et ceux des ailes du nez est renforcée juste avant l’inspi-ration et diminue lors de l’expil’inspi-ration, mettant en évidence une commande centrale en phase avec l’imposition d’une pression négative inspiratoire (Strohl et al., 1980; Meurice et al., 1996; Series et al., 2003). Lorsque le besoin ventilatoire augmente (p.ex. en hypoxie ou hypercapnie), l’activité des muscles des VAS augmente, ce qui traduit une « stabilisation » des VAS (Oliven et al., 1989; Dinh et al., 1991). A l’inverse, leur stabilité est diminuée lorsque le besoin venti-latoire baisse provoquant une baisse de la commande centrale respiratoire (Series et al., 1989) comme par exemple au cours du sommeil.

Le noyau hypoglosse reçoit des aférences de nombreuses structures participant directement ou indirectement à l’élaboration d’une CCR adaptée aux besoins de l’organisme, telles que la subs-tance grise périaquéductale (PAG), le noyau réticulaire paragigantocellulaire latéral (LPGi), le noyau gigantocellulaire réticulaire  (GiA), le noyau du tractus solitaire (NTS), l’area postrema, le noyau ambiguu, le groupe respiratoire ventral, le Kölliker-Füse, le noyau parabrachial latéral (lPB), le locus coeruleus (LC), le noyau Roller, le noyau subcoeruleus (SubC) et les noyaux Raphés Pallidus, Obscurus, Magnus et Dorsal (Table 1) (Fay et al., 1997; Barker et al., 2009).

Table 1 : Structures rétromarquées par injection du Virus de Pseudo-rage dans les diffé-rents muscles de la langue chez le rat

E, Muscles extrinsèques de la langue (génioglosse, hyoglosse, styloglosse et palatoglosse); Gg, Génioglosse; Gh, Géniohyoïde; H, Hyoglosse; S, Styloglosse; T, Muscles intrinsèques (longi-tudinal inférieur, transversal, géniohyoïdien, pharyngoglosse). 0, 0.00%; +, 0.01<2.50%; ++, 2.51<5.00%; +++, 5.01<7.50%; ++++, 7.51<10.0%; *>10.01%. Les proportions ont été calcu-lées par le rapport entre neurones infectés et neurones marqués au Neutral Red. Les symboles entre parenthèses décrivent des diférences observées entre le côté gauche et le côté droit d’une structure. (D’après Fay et al., 1997)

Systèmes de neurotransmission qui modulent l’activité des motoneurones du noyau hypoglosse

De nombreux messagers chimiques sont impliqués dans la signalisation aférente au noyau hy-poglosse. Les neurotransmetteurs tels que le GABA, le glutamate, les catécholamines et la sérotonine sont quelques-uns des messagers majeurs agissant sur les motoneurones du noyau hypoglosse et constituent probablement des éléments clés dans les pathologies respiratoires telles que les apnées du sommeil (Fenik et al., 2003; Morrison et al., 2003a, 2003b; Sood et al., 2005; Dempsey et al., 2010; Yokota et al., 2011). Chez le rat, des stimulations électriques et des marquages antérogrades ont mis en évidence que les motoneurones du noyau hypoglosse sont stimulés par des aférences provenant du Raphé Dorsal, une structure riche en neurones

E Gg Gh H S T

Noyau hypoglosse + (0) + (0) + (0) + (0) + (0) + (0)

Noyau facial + + + + + +

Région noradrénergique A5 + + + + + +

Aire tegmentale centrale ++ (+) ++ ++ + + +

Noyau cuneiforme + + + + + +

Aire paragigantocellulaire dorsale + + + + + +

Noyau réticulaire gigantocellulaire + + + + + +

Noyau réticulaire gigantocellulaire  ++ (+) ++ (+) + ++ (+) ++ (+) + Noyau réticulaire gigantocellulaire ventral + ++ (+) + + + +

VLM rostrale + + + + + +

Kölliker-Fuse + + + + + +

Locus Coeruleus + + + + + +

Noyau tegmental dorsolatéral + + + + + +

Parabrachial latéral + + + + + +

Noyau réticulaire paragigantocellulaire latéral + ++ + + + +

Noyau réticulaire latéral + + + + + +

Aire réticulaire ventrale bulbaire ++ (+) + + ++ (+) ++ (+) ++ (+)

Aire réticulaire dorsale bulbaire + + + + + +

Parabrachial médian + + + + + +

Noyau du Tractus Solitaire ++ +++ (++) +++ (++) +++ (++) +++ (++) +++ (++)

Substance grise périaquéductale ++ ++ +++ +++ (++) ++ +

Noyau parvicellulaire réticulaire

++++

(+++) ++++ (++) +++ ++++ (++) * (+++) *

Raphé Dorsal (RDo) + + + + + +

Raphé Magnus (RMg) + + + + + +

Raphé Pallidus (RPa) + + + + + +

Substance noire, pars compacta + + + + + +

Substance noire, pars reticulata + + + + + +

Noyau du tronc mandibulaire caudal ++ (+) ++ (+) ++ (+) ++ +++ (+) ++ (+)

(Vertes et al., 1994; Fay et al., 1997; Wu et al., 2017). L’antagonisation des récepteurs GABAA

au sein du noyau hypoglosse augmente l’activité du génioglosse (Morrison et al., 2003a, 2003b). A l’intérieur du noyau hypoglosse même, des neurones GABAergiques sont également trouvés. Selon des études de knock-in du gène codant pour la GFP dans le gène GAD67 (GAD, angl.

Glutamic acid decarboxylase), une enzyme impliquée dans la synthèse du GABA à partir du

glutamate, ces neurones sont localisés dans la partie ventrale du noyau hypoglosse (Aldes et al., 1988).

Des neurones GABAergiques sont également trouvés au sein du noyau Roller (Aldes et al., 1988; van Brederode et al., 2011). Les neurones du noyau Roller sont actifs en phase avec l’activité des neurones du pré-BötC (une structure dont l’activité marque la phase inspiratoire) et des motoneurones hypoglossaux et pourraient contribuer à la régulation des motoneurones du noyau hypoglosse pendant la ventilation (van Brederode et al., 2011). En efet, l’agonisation des récepteurs GABAA dans le noyau Roller par le muscimol augmente l’activité du muscle génioglosse en réponse à la pression négative inspiratoire chez le rat (Chamberlin et al., 2007). Le glutamate, précurseur du GABA, lui est un des neurotransmetteurs les plus abondants dans le système nerveux central et, à l’inverse de GABA, il est généralement associé à des fonctions excitatrices via ses récepteurs couplés aux protéines G et ionotropiques, parmi lesquels le ré-cepteur N-méthyl-D-aspartate (NMDA) (McEntee et al., 1993; Meldrum, 2000). Plusieurs études démontrent en efet son implication dans la fréquence de décharge des motoneurones phréniques et hypoglossaux6 (Liu et al., 1990; Funk et al., 1993; Berger, 2000; Rekling et al., 2000; Wang et al., 2002a). L’inhibition de la recapture du glutamate dans le noyau hypoglosse augmente l’activité du génioglosse chez le rat anesthésié, mais n’a pas d’efet pendant l’éveil (Steenland et al., 2008). Lors d’un stress sévère, le glutamate peut avoir des efets cytotoxiques sur les neurones en stimulant une entrée excessive de Ca2+ et Na+, susceptible d’induire des stress oxydatifs et ainsi des dysfonctionnements dans la CCR (Meldrum et al., 1990).

De nombreuses études démontrent également des aférences sérotoninergiques dans le noyau hypoglosse. La sérotonine (5-HT, pour 5-hydroxytryptamine) est un neuromodulateur qui im-pacte le fonctionnement encéphalique global dont le contrôle de l’activité des muscles pharyngés. La sérotonine constitue un intérêt particulier dans le cadre de la réalisation de ce travail doctoral. La régulation des muscles des VAS par la sérotonine sera de ce fait traitée en détail dans le chapitre L’inluence de la sérotonine sur la CCR, page 23.

Ainsi, l’activité des motoneurones hypoglossaux est sous contrôle d’un vaste réseau respiratoire formant la CCR qui est à l’origine de la dynamique musculaire des VAS.

6 Le tonus des motoneurones décrit l’activité périodique du motoneurone qui ne varie pas entre les cycles respira-toires. Son activité résulte en un tonus musculaire qui décrit l’intensité de contraction basale du muscle.

2.3 Instabilité physiologique