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3 Analyse de l'activité de conduite par le modèle de Markov caché et les modèles de ruptures

3.1 Méthodologie

3.1.1. Structurer l'analyse de l'activité de conduite

Dans notre thèse, nous avons choisi de nous baser sur la théorie des frames de Minsky [Minsky, 1975]et nous nous sommes fortement inspirés de l'une de ses applications dans le domaine automobile via le modèle COSMODRIVE de Bellet [ Bellet, 1998].

Nous avons vu dans la première partie que, selon cet auteur, lorsque le conducteur identifie un environnement routier, il sélectionne un frame tactique (actions à effectuer, zones de déplacements prévues et zones de perceptions) dans sa base de connaissances routières. La sélection de ce frame dépend de l'objectif tactique du conducteur, et du type d'environnement routier identifié par le conducteur.

Ainsi, pour cet auteur, l'activité de conduite est divisée en séquences de conduite, au cours desquelles le conducteur a un objectif tactique homogène (tourner, doubler...).

Lors de ces séquences, le frame générique est alors « instantié » (i.e : adapté) à la scène routière présente (telle qu'elle est perçue par le conducteur). Cette instanciation est fonction des particularités de la situation routière (virage plus ou moins sec, couleur du feu...).

Un frame peut donc regrouper des comportements différents. Par ce fait, il est difficile d'associer un modèle numérique des données à des situations aussi hétérogènes. Aussi, il nous est apparu important d'introduire 2 critères supplémentaires : la situation initiale et les évènements survenus dans la situation routière. S'ils nous sont utiles pour homogénéiser les comportements, ces critères peuvent aussi être vus comme des éléments importants d'instanciation du frame.

D'un autre coté, Tango et Montanari [Tango & Montanari, 2005] rappellent que les caractéristiques d'une situation de conduite peuvent être organisées en 5 grandes catégories.

1. l'environnement (météorologie, visibilité, « urbanité »...) 2. le conducteur (expérience, âge, « style » de conduite)

3. le véhicule (caractéristiques intrinsèques : vitesse max., poids...) 4. le trafic (vitesse et position des autres véhicules)

5. l'infrastructure (typologie et paramètres)

L'activité de conduite lors d'une situation de conduite sera donc fonction de l'objectif du conducteur, de la situation initiale, de l'environnement perçu, et de l'ensemble de ces caractéristiques.

Cependant, étudier l'influence de l'ensemble de ces facteurs nécessiterait un volume de données qu'il n'est pas possible, pour l'heure, de collecter.

C'est pourquoi, en nous basant sur de nombreux travaux antérieurs (voir partie 1.3.2: Pentland, Kumagai...), qui ont fait le lien entre des comportements, des objectifs et certaines infrastructures, nous avons décidé de nous focaliser sur l'influence du facteur « infrastructure » sur la variation de l'activité de conduite.

ultérieures pour analyser l'influence des autres facteurs.

Dans cette optique, notre choix expérimental est de fixer les autres facteurs à une valeur constante :

1. En étudiant uniquement le comportement des conducteurs en ville, par temps clair et lorsque la visibilité est bonne,

2. En étudiant uniquement le comportement des conducteurs expérimentés et âgés d'environ 40 ans. Ceci nous permet dès lors de diminuer les effets d'expérience de conduite hétérogène,

3. En n'étudiant pas les différences de comportements suivant les véhicules. Le véhicule expérimental que nous utiliserons sera unique et nos données ne seront pas bruitées par les différences de conduite dûes à une disparité des véhicules,

4. En étudiant le comportement des conducteurs qu'en présence d'un trafic faible.

Aussi, en nous basant sur ces principes et sur la philosophie de COSMODRIVE, nous avons choisi, dans le cadre de cette thèse, d'étudier l'activité de conduite dans des séquences définies par

l'infrastructure (perçue), l'objectif, la situation initiale et de prendre en compte les évènements

potentiels (illustration 3.2).

Illustration 3.2. : Ensemble des caractéristiques d'une situation de conduite. Dans cette thèse, nous n'étudierons que l'effet des 3 premiers facteurs sur le comportement.

Situation de

conduite Objectif tactique

infrastructure trafic environnement conducteur véhicule Situation initiale Doubler aller tout droit tourner à gauche s'arrêter Vitesse Position Vitesse Position Ronds points ligne droite virage Nombre de voitures Vitesse et position des autres voitures

Visibilité pluviométire .... Habitudes de conduite âge caractéristiques.... typologie paramètres Facteurs étudiés

évènements Degré d'Influence

sur l'activté

Facteurs pris en compte

Remarque : L'absence de dispositif à notre disposition pour mesurer la position du véhicule sur la voie fera que nous ne tiendrons pas compte de la position latérale du véhicule (écart à la ligne blanche).

b Sélection des séquences.

Par ailleurs, l'étude du modèle COSMODRIVE nous permet de supposer qu'en l'absence d'évènement extérieur important (i.e. : d'influence décisive sur l'activité), il existe, pour chaque situation de conduite, une série de zones de déplacements que le véhicule doit traverser pour arriver à l'état final souhaité et un ensemble d'actions par défaut, que le conducteur doit effectuer, associé à chacune de ces zones.

Les actions et les zones de déplacements-ci dépendent d'une part de son/ses objectifs (atteindre la zone voulue à la vitesse voulue...), de l'infrastructure traversée et de la situation initiale.

Cette série d'actions par défaut correspond, dans COSMODRIVE, à l'instanciation par défaut du frame de la situation, c'est-à-dire l'ensemble des actions que le conducteur pense réaliser avant même de s'engager dans la situation catégorisée.

séquence prototypique :

On nommera alors prototypique cette série d'actions/états correspondant à une situation sans évènement extérieur perturbant.

Salvucci et al [Salvucci et al, 2002] décrivent ainsi les différentes étapes typiques opérées lors d'un dépassement.. Ainsi, les conducteurs décélèrent un peu avant de doubler, puis accélèrent peu après avoir changé de voie, puis maintiennent leur vitesse élevée tant qu'ils ne sont pas revenus sur la voie.

séquence atypique :

Pourtant, des évènements, tant extérieurs comme un obstacle non prévu, qu' « internes » comme une configuration de l'infrastructure mal évaluée, peuvent perturber la structure de cette situation prototypique. Lorsque cette perturbation ne modifie pas l'enchaînement global des actions, mais change leur temporalité (état du conducteur et du véhicule se maintenant plus longtemps qu'habituellement), ou altère partiellement leur intensité (virage plus sec, accélération plus rapide...), nous parlerons de situations atypiques.

séquence singulière :

Lorsque la perturbation est si importante que l'enchaînement des actions est totalement bouleversé, la modélisation des actions lors d'une situation prototypique ne peut être appliquée. Nous parlerons alors de situation singulière.

« évitement d'un obstacle au dernier moment, gestion d'une situation accidentogène... » sont des exemples de ce genre de séquence.

comment est organisé l'enchaînement des actions dans une situation prototypique, puis de comprendre comment les évènements extérieurs agissent sur cette dernière, dans un premier temps de façon partielle (situation atypique) puis de façon totale (situation singulière) (illustration 3.3).

Dans le cadre de notre thèse, nous nous sommes focalisés sur la modélisation des situations prototypiques. Nous verrons alors que cette modélisation est utile pour comprendre l'activité dans les autres types de situations.

Cependant, afin de modéliser efficacement les situations non prototypiques, les modèles devront être complexifié en incluant des données provenant de capteurs spécifiques. Par ailleurs l'appui de travaux, comme ceux de Georgeon et al [Georgeon et al, 2006], spécifiquement dédiés à la modélisation cognitive à partir de l'analyse de l'activité, permettront de mieux comprendre l'enchaînement des phases d'actions et des zones de déplacements dans les situations singulières.

Pour analyser et modéliser le comportement du conducteur, il faut avant tout pouvoir enregistrer son activité. La section suivante est donc centrée sur l'ensemble des moyens expérimentaux mis à notre disposition afin d'établir notre analyse.