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1.4 Les peptoïdes

1.4.1 Structure, synthèse et généralités

Comparativement aux peptides, la chaîne latérale se retrouve branchée sur l’azote, faisant ainsi disparaître la chiralité sur le carbone α (Cα) (Figure 15). Ceci s’accompagne notamment par une augmentation de la flexibilité et donc une perte de définition structurale. Aussi, l’absence de liaisons hydrogènes intramoléculaires (LHI) empêche les

peptoïdes de s’organiser par des interactions longues distances. Par contre, les liens amides tertiaires ainsi formés confère aux peptoïdes une grande résistance à la dégradation enzymatique.69 La disparition du lien polaire N-H fait aussi diminuer la polarité

globale de la molécule, provoquant une augmentation de l’hydrophobicité et de la pénétration membranaire.70 Ce type d’oligomère est donc un candidat de choix comme

prototype moléculaire peptidomimétique à biodisponibilité améliorée.

Figure 15. Comparaison entre les structures générales d’un peptide et d’un peptoïde. Une excellente revue de littérature a été produite en 2010 sur les différentes approches de synthèse ainsi que sur les méthodes utilisées pour l’analyse des peptoïdes.68 La synthèse

des peptoïdes est généralement effectuée sur support solide avec d’excellentes puretés brutes. Les approches se regroupent en 2 catégories principales : l’approche submonomérique et l’approche monomérique (Figure 16).

L’approche monomérique utilise des monomères de glycine N-substitués avec la chaine

latérale et N-protégés avec le groupement fluorénylméthyloxycarbonyl (Fmoc). Le

monomère est ensuite incorporé sur l’oligomère croissant sur support solide en utilisant les protocoles standard de synthèse peptidique («solid phase peptide synthesis», SPPS) (Figure 16a).71-79 Plusieurs approches submonomériques ont aussi été exploitées comme

l’amination réductive (Figure 16b)80-82 et l’activation d’alcool par approche photochimique

(Figure 16c),83, 84mais la méthode la plus couramment utilisée reste l’approche

submonomérique développée par Zuckermann et al. (Figure 16d).8485Cette méthode passe

par la bromoacétylation sur support solide de l’amine secondaire libre de l’oligomère croissant suivi par le déplacement nucléophile du brome avec une amine (R-NH2). En plus

d’être extrêmement efficace, cette dernière méthode est très rapide et compatible avec les micro-ondes. De plus, cette approche permet de générer une immense diversité moléculaire car un nombre phénoménal d’amines diverses est disponible commercialement. Cette importante diversité constitue un avantage majeur dans une optique de développement d’agents bioactifs et de génération de chimiothèques combinatoires à haute diversité moléculaire.

Figure 17. Exemple d’amines utilisées (protégés s’il y a lieu) dans l’approche par submonomère de

Zuckermann et al. Entre parenthèse la nomenclature du monomère correspondant au sein d’un oligomère.

Un certain consensus existe concernant la nomenclature des peptoïdes. Pour nommer les monomères, un code à 3 lettres peut être utilisé avec comme préfixe « N » pour N- substitution (Figure 17).85 Par la suite, si l’acide aminé correspondant existe, le code déjà

existant est ajouté. Par exemple, le monomère N-isopropyl-glycyl sera appelé NVal puisqu’il mime parfaitement la valine. Dans le cas où il y a un méthylène de plus par entre la chaîne latérale existante et le squelette, on ajoute le terme homo ou « h ». Par exemple, la N-(2-hydroxyéthyl)-glycyl peut aussi être appelé NhSer. Enfin, pour les chaînes latérales sans équivalence avec les acides aminés, un code à trois lettres peut être utilisé avec la chiralité R ou S en premier pour les N-Cα tertiaires. En exemple, la N-(S-phényléthyl)glycyl sera appelé Nspe et la N-phénylglycyl la Nphg.

Figure 18. Comparaison entre le protocole à température ambiante et celui sous irradiations micro-

ondes.

L’utilisation de micro-ondes lors de la synthèse des peptoïdes a aussi prouvé son utilité. En effet, il a été démontré que l’utilisation d’irradiations micro-ondes permet d’augmenter la pureté brute et le rendement lors de la synthèse, en plus de réduire significativement les temps réactionnels jusqu’à 30 secondes pour l’étape d’acylation comparativement à 30 minutes à température pièce et jusqu’à 90 secondes pour l’étape d’amination (déplacement nucléophile) comparativement à 30 minutes à température pièce (Figure 18).86-90

Un autre avantage de la synthèse des peptoïdes sur support solide est la possibilité d’effectuer des modifications post-oligomérisation après une déprotection sélection ou via l’incorporation de résidus appropriés. En plus de modifications plus classiques comme une amidation, une estérification ou une substitution, des modifications plus complexes comme

la métathèse, des réactions multicomposante et la glycosylation ont été rapportées. De plus, la chimie «Click» («azide alkyne Huisgen cycloaddition») a été utilisée pour augmenter la complexité moléculaire post-oligomérisation (Figure 19).91 Ceci peut

constituer une excellente approche pour l’introduction de chiralité, de motifs tridimensionnels complexes ou de structures hétérocycliques privilégiées.

Figure 19. Modification post-oligomérisation par chimie click.

1.4.2 Aspects conformationnels

Le squelette peptidique et peptoïdique est constitué d’un enchaînement de liaisons amides séparés par un Cα. Ainsi, il est important de bien comprendre le comportement structural des amides pour poursuivre l’étude conformationnelle de ces oligomères. Une délocalisation électronique existe à partir des électrons de l’azote, ce qui donne à la liaison C-N un caractère rigide de double liaison (Figure 20). Ce phénomène rend ainsi la rotation C-N très difficile avec une barrière de rotation d’environ 105 kJ/mol. En résulte alors deux minima d’énergie à conformation planaire, le rotamère de forme cis-amide (ω = 0°) et un autre de forme trans-amide (ω = 180°). Chez les peptides, le rotamère trans est favorisé par environ 8 kJ/mol et est retrouvé majoritairement. Avec les peptoïdes cependant, l’absence de chiralité sur le Cα et de liens N-H mène à une perte de définition structurale. La différence énergétique entre le rotamère cis et trans est très faible ce qui permet aux liens amides de peupler équitablement les deux états. Aussi, le squelette de l’oligomère ne peut plus se replier par ponts hydrogène. Le tout résulte en une perte de définition structurale, provenant d’une grande flexibilité du squelette du peptoïde.

Figure 20. Tendances et isomérisation des liens amides secondaires et tertiaires retrouvés chez

les peptides et les peptoïdes.

Voyant le potentiel d’application et l’accessibilité synthétique des peptoïdes, certains groupes de recherche se sont alors intéressés à la rigidification des peptoïdes. C’est en 1997 qu’un premier article propose l’introduction de résidus avec un centre chiral en N-Cα pour induire une préférence énergétique pour le lien cis-amide.92 Un an plus tard, la

structure d’un pentapeptoïde à centre chiral en N-Cα fut étudiée par résonance magnétique nucléaire (RMN).93 Les résultats obtenus ont démontré qu’une hélice α

similaire à une hélice de polyproline type I est adoptée par ces d’oligomères. Par la suite, l’équipe de Kent Kirshenbaum proposa plutôt l’utilisation de groupements N-aryle pour induire une préférence énergétique vers le lien trans-amide.94 En effet, les résultats

obtenus d’abord par une approche computationnelle puis expérimentale ont démontré qu’il y a répulsion électronique importante entre l’oxygène du carbonyle puis l’anneau aromatique lorsque le lien amide est en cis (Figure 21).94, 95 La barrière énergétique

d’isomérisation serait variable en fonction de l’enrichissement ou de l’appauvrissement en électrons du cycle aromatique (Figure 21c).

Figure 21. Isomérisation d’une liaison N-arylamide. a) Nomenclature des atomes de carbone et

angles dihèdres pour un résidu peptoïde N-aryle i; b) Répulsion entre la densité électronique de l’oxygène du carbonyle et celle de l’anneau aromatique; c) Énergie d’isomérisation calculée pour les dérivés N-méthylacétamides.

L’analyse en RMN et en cristallographie des rayons-x d’oligomères de N-phénylglycine (Nphg) a démontré une conformation en hélice similaire à celle d’une hélice polyproline type II (Figure 22).94 Il a été également démontré que l’incorporation de Nphg à l’intérieur

de macrocycles force le lien en trans à la position arylée, ce qui ouvre la voie vers l’induction de tournants (Figure 23).94

Figure 22. Modèle de (Nphg)6 présentant une conformation d’énergie minimale ressemblant celle

d’une hélice polyproline type II.94

a)

b)

c)

Structure Decis-trans

(kJ/mol) Énergie d’isomérisation de dérivés

de N-méthylacétanilidea

aLes auteurs ont calculé par différentes approches

ab initio de mécanique quantique 13,40

3,85

13,85

Figure 23. Structure cristallographique d’un macrocycle possédant 2 résidus Nphg.94

Les résultats obtenus sur l’effet structurant de certains résidus peptoïdes sur la conformation a permis de générer des structures capables de mimer différents types d’hélices, de tournants et de coudes. Parallèlement plusieurs groupes de recherche se sont intéressés aux propriétés pharmacocinétiques et pharmacologiques des peptoïdes. Dans un premier temps, il a été démontré que les oligomères de peptoïdes étaient capables de résister aux protéases.69, 96 Par la suite Kodadek et al. ont démontré que les

peptoïdes ne généraient pas de réponse immunitaire.97 Finalement, la capacité des

peptoïdes à franchir les membranes cellulaires a été évaluée par différents groupes. Les résultats obtenus ont démontré que les peptoïdes franchissent plus facilement la membrane par diffusion passive que leur homologue peptidique.98, 99 La combinaison de

ces résultats nous a amené à nous intéresser aux peptoïdes cycliques comme prototypes moléculaires peptidomimétiques pour cibler les IPP intracellulaires. Mais tout d’abord, il était important de comprendre l’effet de la N-substitution sur la perméation cellulaire.

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