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2. ESCRT-III : une machinerie de déformation membranaire

2.4. ESCRT-III : le catalyseur de la courbure membranaire

2.4.1. Structure des protéines ESCRT-III

Contrairement aux autres ESCRT, qui se préassemblent dans le cytosol, pour former des complexes stables, ESCRT-III s’assemble à la surface membranaire, et vraisemblablement de manière très transitoire (Babst et al., 2002b). Les sous-unités ESCRT-III sont au nombre de 8 chez la levure Saccharomyces cerevisiae et de 12 chez l’homme, qui possède plusieurs isoformes pour un certain nombre d’homologues (Tableau 3). Les protéines ESCRT-III ont une nomenclature spécifique chez les mammifères, à l’exception de IST-1, elles prennent le nom de CHMP (charged multivesicular body proteins ou alternativement chromatin modifying proteins). Les sous-unités ESCRT-III sont extrêmement conservées entre espèces et sont les plus conservées parmi la grande famille ESCRT. La protéine CHMP4B humaine présente, par exemple, 60% d’identité de séquence avec son homologue chez la drosophile, appelé Shrub et 99% avec la protéine CHMP4B de souris. Certains homologues ont même été identifiés chez des espèces d’archéobactéries, où ils sont impliqués dans la division cellulaire (Lindas et al., 2008; Samson et al., 2008). Cette conservation des protéines au cours de l’évolution suggère que le ou les rôle(s) joué(s) par ESCRT-III sont fondamentaux pour le fonctionnement cellulaire en général.

Les sous-unités ESCRT-III sont des petites protéines de 25 kDa environ (exception faite de CHMP7). Au sein de chaque espèce, elles présentent des différences importantes au niveau de leur séquence primaire en acides aminés (seulement 24 % d’identité entre CHMP4B et CHMP2B chez l’homme, par exemple). En revanche, l’organisation globale des protéines semble conservée. Elles sont caractérisées par une partie N-terminale basique (chargée positivement) et une partie C-terminale plutôt acide (chargée négativement) (Figure 30C). Les structures cristallographiques de CHMP3 et Ist1 ont pu être décrites (Figure 30A et B) (Bajorek et al., 2009; Muziol et al., 2006; Xiao et al., 2009). Ces deux protéines ont une structure secondaire similaire et les prédictions de structures pour les autres sous-unités suggèrent un repliement identique pour la plupart des composants d’ESCRT-III. La structure secondaire est formée de six hélices. Le « cœur » de protéine est constitué des hélices α1 à α4 (environ 150 acides aminés sur 220 au total). Les hélices α1 et α2 forment une structure en épingle à cheveux sur laquelle viennent se replier les hélices α3 et α4. Enfin, un linker flexible relie l’hélice α4 avec les hélices α5 et α6. La « taille » de ces protéines est de 7 nm environ et correspond à la longueur de l’épingle formée par α1 et α2.

Les sous-unités ESCRT-III présentent deux conformations, une conformation dite « ouverte » et une conformation dite « fermée » (Figure 30B). Dans la conformation fermée, la partie

C-Figure 30. Les sous-unités du complexe ESCRT-III présentent toutes la même structure secondaire

(A) Structure de CHMP3 (8-183). Les sous-unités ESCRT-III présentent toutes la même structure secondaire avec 2 hélices repliées en épingle à cheveux associées à deux autres pour former le cœur de la protéine. Un linker flexible relie les hélices α5 et α6 au cœur de la protéine (α6 n’est pas visible sur cette représentation) Adapté de (Bajorek et al., 2009).

(B) Modèle du cycle fonctionnel des protéines ESCRT-III. La conformation fermée est inactive. Elle résulte d’une interaction intermoléculaire qui fait intervenir principalement les hélices α2 et α5. L’ouverture de la protéine libère les interfaces de dimérisation et d’interaction avec la membrane. Adapté de (Xiao et al., 2009). (C) Hélices et interfaces d’interaction des sous-unités ESCRT-III. La partie N-ter est majoritairement basique alors que la partie C-ter est majoritairement acide.

terminale vient se replier sur le cœur de la protéine. Il semblerait que cette interaction intramoléculaire fasse intervenir principalement les hélices α5 et α2 (Figure 30C) (Bajorek et al., 2009; Henne et al., 2012). La conformation fermée est considérée comme inactive. Elle correspond aux protéines sous forme monomérique, qui restent solubles dans le cytosol. L’expression de mutants tronqués dans la partie C-terminale entraine une accumulation non spécifique des protéines ESCRT-III sur la membrane plasmique (Lin et al., 2005b; Shim et al., 2007). Ces formes tronquées sont également des inhibiteurs puissants du bourgeonnement des virus (Zamborlini et al., 2006). Ces observations ont conduit à un modèle d’activation des sous-unités, dans lequel la partie C-terminale exerce une action auto-inhibitrice en se repliant sur le cœur de la protéine.

Les protéines CHMP s’associent aux membranes via des interactions électrostatiques entre les acides aminés basiques des hélices α1 et α2 et les phospholipides acides de la membrane. Seule CHMP6 est modifiée par myristoylation pour faciliter son adressage à la membrane (Yorikawa et al., 2005). On pense que les sous-unités s’oligomérisent de manière transitoire à la surface des membranes (Babst et al., 2002b). Chaque CHMP semble être capable de s’associer avec lui-même ou alternativement avec d’autres sous-unités (Tsang et al., 2006). En revanche les régions exactes impliquées dans la dimérisation font encore débat. De nombreux mutants de dimérisation ont été identifiés et indiquent qu’elle fait principalement intervenir des interactions α2-α2, avec la contribution probable des hélices α1 et α5 (Muziol et al., 2006). L’ouverture des protéines CHMP rendrait ces interfaces disponibles et permettrait à la fois l’association à la membrane et la polymérisation. Les signaux qui permettent d’activer les sous-unités ne sont pas connus. Est-ce l’association à la membrane qui permet de déplacer la queue C-terminale ou est-ce l’interaction avec un activateur protéique ? Il est encore difficile de dire quel évènement se produit en premier, mais une étude récente a montré, avec un mutant ponctuel, que le déplacement de l’hélice α5 de Snf7 était suffisant pour entrainer son association avec la membrane et son oligomérisation (Henne et al., 2012). Ce résultat suggère que l’activation des sous-unités se produit préalablement à l’association aux membranes. Comme nous l’avons détaillé plus haut, dans le contexte de la formation des EMV, le meilleur candidat pour activer les protéines ESCRT-III est Vps25, protéine du complexe ESCRT-II qui est capable d’interagir avec Vps20 (CHMP6) (Saksena et al., 2009). Dans le contexte physiologique, nous pouvons imaginer un scénario en deux étapes. Tout d’abord l’homo ou hétéro-dimérisation des sous-unités dans le cytosol entrainerait leur activation (ouverture des protéines par compétition entre l’interaction intermoléculaire et l’interaction intramoléculaire). Le dimère « activé » aurait la capacité de se fixer aux membranes, qui constitueraient un substrat nécessaire à une oligomérisation à plus grande échelle.

Peu d’interacteurs et d’effecteurs des CHMPs (en dehors des protéines de la famille ESCRT) sont connus à ce jour. Les sous-unités possèdent un domaine très conservé appelé MIM (MIT interacting motif) situé au niveau de l’hélice α6. Ce domaine permet de recruter des protéines à domaines MIT comme l’ATPase Vps4, la Spastine, protéine de coupure des microtubules ou AMSH et UBPY, des déubiquitinases (Stuchell-Brereton et al., 2007; Tsang et al., 2006; Yang et al., 2008). CHMP4 interagit avec la protéine Alix et la protéine CC2D1A. Alix

pourrait être responsable du recrutement du complexe ESCRT-III aux sites de bourgeonnement viral (Fisher et al., 2007). CC2D1A agirait au contraire comme un inhibiteur d’ESCRT-III capable de séquestrer CHMP4 dans le cytosol (Martinelli et al., 2012; Usami et al., 2012).