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CHMP2B (charged multivesicular body protein 2B) est une sous-unité du complexe ESCRT-III. Elle est reliée directement ou indirectement à plusieurs pathologies neurodégénératives (démence frontotemporale, sclérose latérale amyotrophique, maladie d’Alzheimer). Ce lien avec les pathologies indique que CHMP2B joue probablement un rôle important dans la physiologie neuronale et que des perturbations de cette fonction peuvent conduire à la mort neuronale.

La mort neuronale dans la FTD, comme dans les autres maladies neurodégénératives, semble être un évènement tardif, précédé par des perturbations fines du fonctionnement des synapses (Partie 1.4). Nous avons montré au laboratoire, que l’expression des mutants pathogènes de CHMP2B associés à la FTD-3, ou la déplétion de la protéine endogène, entrainaient des perturbations spécifiques de la morphologie des épines dendritiques (Belly et al., 2010). Ces observations nous ont amené à penser que CHMP2B pouvait jouer un rôle fonctionnel dans le développement ou la stabilisation des épines dendritiques.

CHMP2B exerce son activité dans les cellules en s’associant à un complexe protéique appelé ESCRT-III (endosomal sorting complex required for transport), qui catalyse des réactions particulières de déformation et de fission membranaire (Partie 2.4). ESCRT-III fait partie du macro-complexe ESCRT impliqué dans de nombreux processus cellulaires (Partie 2.3.2). Le rôle de la machinerie ESCRT n’a jamais été exploré en détail dans les neurones. Nous allons pourtant voir qu’ESCRT est un bon candidat pour jouer un rôle important dans la physiologie des neurones et des épines dendritiques en particulier.

Nous pouvons émettre deux hypothèses (non mutuellement exclusives) quant au rôle de CHMP2B et de la machinerie ESCRT dans les neurones (Figure 39).

Rôle dans le trafic des récepteurs aux neurotransmetteurs

La machinerie ESCRT est impliquée dans le trafic intracellulaire des protéines de surface. Elle prend en charge les protéines destinées à la dégradation à partir des endosomes précoces jusqu’aux lysosomes. Nous pouvons imaginer que les ESCRT jouent un rôle particulièrement important dans les neurones, au niveau de la balance recyclage/dégradation de protéines membranaires cruciales telles que des récepteurs aux neurotransmetteurs (Figure 39A). Les mutants pathogènes de CHMP2B, en s’accumulant au niveau des membranes endosomales (Skibinski et al., 2005; van der Zee et al., 2008) pourraient perturber le trafic intracellulaire des récepteurs AMPA (Urwin et al., 2010). Ce phénomène est au cœur des processus de maturation et de plasticité des épines dendritiques (Kennedy and Ehlers, 2006). Il existe une corrélation directe entre le nombre de récepteurs AMPA, la taille de la tête des épines et l’efficacité de la transmission synaptique. Nous pouvons donc imaginer que les mutants pathogènes diminuent l’expression à la surface des récepteurs AMPA et entrainent en conséquence des anomalies morphologiques et fonctionnelles des épines dendritiques. Les voies de dégradation endosomale et autophagique étant intiment liées, nous pouvons

envisager que les mutants pathogènes puissent perturber ces deux systèmes, avec les mêmes conséquences fonctionnelles.

Rôle morphogénétique direct des filaments ESCRT-III

Les sous-unités du complexe ESCRT-III ont la capacité de s’assembler en filaments à la surface des membranes biologiques, dont la membrane plasmique. L’assemblage de ces filaments catalyse la déformation des membranes avec une topologie particulière, dite « par l’intérieur ». Si nous analysons les épines dendritiques en terme morphologique, nous pouvons nous apercevoir que la topologie de déformation membranaire nécessaire pour maintenir la structure du cou, ainsi que son diamètre (100 - 200 nm), sont compatibles avec les caractéristiques du complexe ESCRT-III. Nous pouvons imaginer que des filaments ESCRT-III puissent jouer un rôle morphogénétique, directement au niveau de la membrane plasmique des épines dendritiques (Figure 39B). Ils pourraient maintenir la structure du cou, élément fondamental dans la compartimentalisation des épines dendritiques ou jouer un rôle dans le gonflement des épines, au même titre que les protéines à domaine I-BAR.

Figure 39. Hypothèses du rôle de CHMP2B et de la machinerie ESCRT dans le fonctionnement et la structure des épines dendritiques.

(A) Hypothèse d’un rôle fondamental de la protéine dans le trafic endolysosomal. La perturbation de la balance recyclage/dégradation des récepteurs AMPA pourrait entrainer secondairement des problèmes fonctionnels et morphologiques sur les épines.

(B) Hypothèse d’un rôle direct sur la membrane plasmique de l’épine dendritique, via l’action morphogénétique du complexe ESCRT-III. Nous pouvons envisager un rôle des filaments ESCRT-III au niveau du maintien de la structure du cou ou dans l’expansion de la tête, à la manière des protéines à domaine I-BAR.

L’objectif de mon travail de thèse est d’explorer ces deux hypothèses et de déterminer le rôle physiologique de la protéine CHMP2B dans le fonctionnement neuronal. Cette grande question peut être divisée en plusieurs parties, qui correspondent aux différents points qui vont être abordés dans la partie Résultats.

• Est-ce que CHMP2B a des propriétés particulières au sein du complexe ESCRT-III (dans son association aux membranes, sa polymérisation), qui pourrait expliquer son rôle central dans les pathologies ?

• Où CHMP2B est-il localisé dans les neurones ? Membranes intracellulaire ou membrane plasmique ? La protéine est-elle recrutée dans les épines dendritiques ? • CHMP2B est-il associé au complexe ESCRT-III et exerce-t-il son activité biologique

au travers de ce complexe ? S’il s’agit d’un rôle dans le trafic endosomal, nous pouvons nous attendre à un complexe labile. S’il s’agit d’un rôle structural, nous pouvons nous attendre à un complexe beaucoup plus stable.

• Poursuite des travaux d’Agnès Belly : l’altération morphologique des épines est-elle une conséquence d’un problème de développement ou de stabilisation des épines dendritiques ?

• CHMP2B est-il impliqué dans l’établissement de processus de plasticité synaptique ? • Peut-on généraliser le rôle de CHMP2B à d’autres processus de morphogénèse

neuronale, comme l’arborisation dendritique ?

• Poursuite du travail de Gilles Bodon : Quels sont les partenaires neuronaux de CHMP2B et quelles interactions sont éventuellement perdues ou gagnées par les mutants pathogènes.

Ma thèse s’inscrit dans le cadre d’un projet ANR (MALZ 2011 : MAD CHMP2B), qui reprend la plupart de ces points.

Lien : http://www.agence-nationale-recherche.fr/suivi-bilan/biologie-sante/maladie-

dalzheimer-malz/resume-de-projet-2011/?tx_lwmsuivibilan_pi2%5BCODE%5D=ANR-11-MALZ-0002.

L’objectif global de ce travail est de mieux comprendre comment des altérations du fonctionnement des synapses peuvent conduire aux troubles cognitifs et moteurs et à la mort neuronale, dans les maladies neurodégénératives.

Cette partie présente les protocoles généraux employés durant cette étude. Pour ce qui concerne les expériences des articles 1 et 2, veuillez-vous référer aux paragraphes «Materials and methods » inclus dans le corps des articles.