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La structure de l’organisation : règles, frontières, réseau horizontal et hiérarchie pyramidale

Frontière externe entre l’organisation et son environnement

« En fait, le problème de la frontière d’une organisation et des influences qu’exerce sur elle son

« environnement » constitue une préoccupation relativement récente et neuve dans la réflexion sur les organisations. » (Friedberg, 1993, p.87).

La structure de l’organisation, c'est-à-dire les séparations, les cloisonnements, les secteurs, les routines et les règles d’organisation hiérarchique et communicationnelle constitue souvent le point d’appui des stratégies d’acteurs. Alors qu’on pourrait imaginer la structure comme produite par l’organisation avec une grand O. Elle semble bien plus être générée par l’activité, les arbitrages se renouvelant sans cesse dans l’organisation et dans les rapports qu’elle entretient avec son environnement. Nous considérerons comme les auteurs, deux formes de structure simple, mais qui nous permettent de bien distinguer les points de conflit entre les dispositifs d’émergence du savoir collaboratif et les éléments de la structure qui manifestent l’organisation du pouvoir dans l’entreprise. Pour simplifier notre analyse, nous retiendrons la question des séparations qui coupent la communication. Ces séparations dans le cadre des organisations se déploient sur deux plans, le plan hiérarchiques entre les niveaux hiérarchiques de manière verticale et sur le plan horizontal entre les unités, les secteurs et les organisations environnantes de l’entreprise. Cette tension entre structure et flux de communication est certainement un des enjeux majeurs de notre époque.

Comment maintenir un minimum de cloisonnement dans un environnement où le décloisonnement devient quasiment une déclaration de foi de la pensée unique ? Dans notre travail l’important est de comprendre comment cette structure est présente dans les représentations des individus de l’entreprise et de quelle manière elle impacte, ou est impactée, par l’insertion d’un dispositif de

formation qui s’appuie principalement sur une logique de réseau. Il ne m’est pas possible de développer plus ici le concept de réseau et de traduction comme décrit dans les ouvrages de Callon et Latour (2006), bien que leur éclairage aurait trouvé toute sa place pour questionner la dimension du rapport entre l’organisation et son environnement. Je renvoie donc le lecteur à l’ouvrage Sociologie de la traduction de Akrich, Callon, Latour, (2006).

En un mot, les relations entre l’organisation et ses relais développent une dynamique indépendante et comme toute relation d’échange et de pouvoir, cette dynamique peut donner lieu à des renversements inattendus. Cela veut dire que les équilibres de pouvoir sous-jacents aux processus d’échanges se jouent entre une organisation et ses environnements, les « règles du jeu ». Et le cas échéant, les divers dispositifs matériels ou immatériels (machines, réseaux d’information, instruments de gestion, etc.) par lesquels ces rapports sont stabilisés et régulés, viennent à leur tour façonner, non seulement la perception que cette organisation aura des problèmes et des exigences, mais aussi les contraintes et des opportunités qu’ils recèlent et donc aussi sa capacité à s’en saisir.

Frontière interne et structure interne de l’organisation

« Il semble que l’absence ou la défaillance d’un travail d’organisation promu et entretenu par un collectif, soit souvent à l’origine des dérèglements de l’action individuelle où se signale la perte de l’efficacité du travail. L’organisation du travail ne fait jamais qu’anticiper sur le travail d’organisation auquel le collectif reste, de toute façon, confronté. Autrement dit, nous défendrons dans les pages qui suivent cette idée : Le travail ne remplit sa fonction psychologique pour le sujet que s’il lui permet d’entrer dans un monde social dont les règles soient telles qu’il puisse s’y tenir. Sans loi commune à faire vivre, le travail laisse chacun de nous face à lui-même. » (Clot, 1999, p.9).

Après nous être attardé sur la question des frontières entre l’organisation et son environnement, nous allons maintenant nous arrêter sur les frontières et cloisonnements internes à l’organisation :

« Ainsi, l’existence des routines organisationnelles décharge la capacité cognitive des participants qui peuvent, de ce fait focaliser sur des problèmes inattendus et imprévisibles. Le cloisonnement et le découplage des différents secteurs et domaines de l’entreprise permettent un traitement séquentiel des questions et difficultés au fur et à mesure qu’elles se présentent. » (Friedberg, 1993, p. 74).

L’important peut-être en définissant ce niveau d’analyse est donc de prendre en compte que le tsunami d’information qu’a généré l’informatique dans un premier temps et aujourd'hui les réseaux en ligne noierait irrémédiablement l’organisation, si cette information et ces communications n’étaient pas canalisées, filtrées, structurées par des frontières et des limites de diffusion. Donc, les auteurs (Crozier et Friedberg) en s’éloignant des visions manichéennes qui vénèrent le réseau ouvert ou à l’opposé la bureaucratie sectorisée ont voulu adopter dans leur modèle d’analyse des entreprises une vision intégrative. Cette vision intégrative prend en compte tant la dimension du flux de l’information que la nécessité que celui-ci soit canalisé à l’interne de l’organisation en vue de construire progressivement une connaissance utile au collectif. Nous retrouverons d’ailleurs cette tension entre structuration et flux quand nous parlerons de la constitution et de la diffusion des savoirs en entreprise.

Les projets d’accompagnement au développement du savoir collaboratif ont tendance à générer un aveuglement vis-à-vis de la nécessité pour l’entreprise de marquer sont territoire, sa différence. Et l’importance qu’elle structure à l’interne la communication afin d’éviter un emballement des processus de communication et d’échange. Nous retiendrons donc pour la structure les éléments en lien avec les frontières, les règles, les chartes, les cloisonnements et séparation qui constitueront des éléments cruciaux à comprendre pour construire le dispositif de formation. En effet, il sera contre-productif de vouloir établir des règles internes aux dispositifs qui soient en complète inadéquation avec la représentation que les acteurs ont de la manière dont les jeux et la communication se structurent dans leur organisation.

Figure 2: Structure en réseaux ou en pyramide : faut-il choisir ?

Figure 3: Les formes élémentaires de réseau intégral, de quasi-réseau, de quasi-appareil et d'appareil intégral (extrait de Cadillo (p. 20, 2008, inspiré de Lemieux (1999, p.21).

C’est la théorie de Lemieux (1999, p.21) sur les formes élémentaires d’organisation qui vont des Appareils intégraux en allant au Réseau intégral. Ses formes élémentaires font écho à la métaphore des étourneaux. C'est-à-dire qu’au-delà du comportement d’une organisation qui semble imposé de l’extérieur, nous assistons à un phénomène collectif nourri par des stratégies ou des comportements individuels. Ainsi la représentation pyramidale ou celle du réseau sont plus l’addition de

comportements individuels intégrés, qui génèrent par leur présence au niveau individuel un impact sur la forme de la structure, en réponse co-construite à un environnement particulier. Aujourd'hui la tension en un système pyramidal et un système en réseau sont à son comble par le fait que les systèmes fondés uniquement sur une dimension réseau ne régulent pas la communication, au contraire ils rendent parfois impossible le fonctionnement de l’organisation par la confusion des lignes de communication. Je cherche à mettre en évidence donc dans les interviews les éléments en lien avec ces tensions et frontières et le projet d’un dispositif d’émergence du savoir collaboratif en entreprise.

Synthèse pour le pouvoir du cadre théorique choisi pour la démarche de