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Retour sur la démarche de recherche et les hypothèses de départ

Ce retour a pour but de vérifier que ce travail ne s’est pas éloigné de l’objectif de départ tout au long de cette démarche. Premièrement, j’ai pris conscience progressivement en réalisant l’analyse des entretiens et des données, que ceux-ci étaient en fait pour certain participant l’occasion d’expliciter des étapes de leur processus d’apprentissage. Deuxièmement, à la lecture des comparaisons de résultats entre les différents secteurs, il est évident qu’il y a une mine de renseignements pour les collaborateurs de l’organisation. Cette comparaison par secteur ne fait pas l’objet d’une présentation dans ce travail, mais elle a tout son sens dans un retour aux participants. L’analyse des étapes de l’apprentissage, l’intérêt porté à telle ou telle modalité de mémorisation, de diffusion, de transfert ou d’explicitation permet d’éclairer d’une manière nouvelle le processus d’apprentissage collectif et sectoriel de l’organisation. J’ai donc pris conscience que la démarche d’entretiens et d’analyse était en fait bien décrite par la manière dont Le Boterf (2000) définit l’apprentissage en triple boucle :

« Le troisième type fait apparaître l’intérêt qu’il y a, dans les pratiques de réflexivité d’un travail sur la valorisation des stratégies d’apprentissage et sur l’évaluation de leur efficacité. Le travail de réflexivité ne s’effectue pas spontanément. Son apprentissage et sa réalisation supposent bien souvent l’intervention d’un « médiateur » ou d’un coach. Il devra s’exercer dans un climat de confiance qui permette d’accéder à une plus grande lucidité dans l’image de soi. » (Le Boterf, 2000, p.130).

L’apprentissage en triple boucle est un apprentissage sur l’apprentissage lui-même. J’ai donc rapidement réalisé en faisant l’analyse des données que, je conduisais de manière toute naturelle un processus qui pourrait correspondre à la première étape d’un dispositif d’émergence du savoir collectif au sein d’une organisation. Car c’est bien le terme réflexivité collective qui s’est imposé à moi durant l’analyse des données. Le dispositif doit permettre une telle démarche sur les processus d’apprentissage au sein de l’organisation. C’est par la prise de conscience des étapes de cette démarche d’apprentissage collectif, que les collaborateurs et les cadres de l’organisation seront le

mieux à même de conduire leur propre processus de coélaboration dans le cadre spécifique de leur organisation. Au cœur donc d’un futur dispositif d’émergence, d’explicitation des savoirs collectifs se trouve la nécessité d’établir un climat de confiance, de favoriser la diffusion de l’information et d’apprendre au collaborateur à co-élaborer de manière écrite des savoirs utiles de l’ensemble de l’organisation. C’est donc un processus de réflexivité collective que devrait favoriser le concepteur de formation en vue de réaliser l’objectif de l’émergence de ces savoirs.

Les lacunes qui sont apparues, à mon avis, dans cette démarche durant sa réalisation : C’est la lecture de l’ouvrage de Paquay, L., Crahay, M. et de Ketele, J-M. (2006), qui m’a permis de prendre aussi le recul nécessaire sur la démarche méthodologique qui a été la mienne. Cette tension entre approche herméneutique et approche nomothétique, entre comprendre et expliquer est vraiment un enjeu majeur de la démarche scientifique en sciences de l’éducation. Cette tension s’est clairement manifestée durant le déroulement de mon travail. C’est pendant la phase d’analyse des données et lors de l’extraction de caractéristiques que j’ai ressenti une certaine confusion. Pour moi, finalement, le facteur le plus critique de ce travail est, malgré la présence active du directeur de mémoire, une certaine solitude qui génère un risque de se perdre dans ses propres représentations.

Ce risque n’a pas été éliminé tout au long de ce travail. Une telle étude nécessite la confrontation avec d’autres spécialistes, mais aussi le retour auprès de l’équipe ayant participé à l’étude et un échange franc sur les interprétations qui ont été les miennes tout au long de la phase d’analyse des données. Ceci dans le but de vérifier auprès des participants ce qui correspond à leurs impressions réelles et ce que j’ai pu, sans m’en apercevoir, injecter de mes propres présupposés dans cette démarche. Il est vrai aussi que le fait de connaître le terrain, d’en avoir suivi l’évolution depuis un certain temps n’est pas seulement un désavantage, mais m’a permis aussi rapidement d’éloigner certaines hypothèses qui étaient injustifiées dans ce contexte connu. Le but de cette recherche n’était pas de construire un modèle prédictif qui permettrait de déterminer le résultat de l’intégration d’un dispositif, mais bien plus une démarche réflexive sur les difficultés rencontrées à l’insertion d’un tel dispositif de formation dans une organisation.

C’est la tension entre rigueur et pertinence qui m’a traversé, au moment de l’analyse, quand je devais choisir entre une caractéristique significative et une autre. Cette opération nécessite de décider, de choisir, la caractéristique spécifique perçue dans une réponse. Ce qui paraît dans beaucoup de cas assez simple, se heurte parfois à des formes inattendues d’expression dont l’empan significatif sort complètement du cadre habituel. Le fait d’avoir tout au long de ce travail pu m’appuyer sur le regard externe du directeur de mémoire m’a vraiment permis de dépasser plusieurs obstacles et d’éviter certains écueils que je n’avais pas perçus. Clairement, un tel travail nécessite bien sûr une élaboration et une analyse en équipe, le travail individuel favorisant lui une certaine rapidité et souplesse dans les changements d’orientation.

Un axe a été négligé qui pourtant aurait mérité plus d’attention dans le cadre théorique, c’est celui de la communication dans les organisations telles que Brassac et Fixmer le définissent dans leur article :

« Une pluralité d’acteur gravite donc autour de cette question dite de ‘ la communication en organisation ‘. Il s’agit pour eux de « mieux comprendre » ce qui se passe quand des services échangent des informations ou des résultats, quand des groupes prennent des décisions, conduisent des projets ou conçoivent des artefacts, quand des individus s’informent réciproquement, débattent

ou s’engagent dans une activité conjointe ; Ce « mieux comprendre » peut avoir des finalités d’intervention et/ou de modélisation. Alternative aucunement exclusive tant les chercheurs d’une part et les acteurs de terrain d’autres parts ne sont appelés, de façon de plus en plus entrelacée (Nowotny et al. 2001, Callon et al., 2001), à produire des éléments d’intelligibilité de cette matière phénoménale que constituent les flux de savoirs dans les organisations (Hatchuel, 2002) » ( 2007, p.2).