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b) La structure obsessionnelle du sujet voué à la science « Pour que le symptôme se constitue, il faut que ce dessine dans

le sujet la question de ce qui le cause » (Lacan, L’angoisse, p.325)

Dans le séminaire L’angoisse, Lacan nous donne des indications sur l‟angoisse chez l‟obsessionnel. L‟obsessionnel est soumis au regard de l‟Autre et, c‟est sous ce regard, que tout obsessionnel mesure ses actions. La liaison des stades 2 et 4 de l‟objet a mène à ces réflexions. Il y existe un lien entre la pulsion anale et la pulsion scopique (voir tableau ci- dessous). L‟obsessionnel se fait l‟instrument du désir de l‟Autre. Le dieu tout-puissant du monothéisme correspondrait à cet idéal du moi de l‟obsessionnel. Aujourd‟hui, le discours de la science a pris le relais de celui de la religion et le sujet soumis au discours de la science se retrouve sous son regard lui ordonnant d‟en savoir toujours plus. Mais ce savoir est toujours inadéquat car l‟obsessionnel est systématiquement dans un rapport ambivalent par rapport à l‟objet de son désir (oui et non à la fois). Il se trouve toujours insatisfait et insatisfaisant au regard de l‟Autre du discours. Le sujet de la science est pris dans une culpabilité de ne pas pouvoir compléter l‟Autre de son savoir. (Freud faisait de la religion une expression de la névrose obsessionnelle, d‟où notre piste de la science comme nouvelle religion)

5 Voix a Désir de l‟Autre

4 Puissance de l‟Autre

3 Désir Angoisse (-) Jouissance de l‟Autre

2 Trace Demande de l‟Autre

1 Angoisse a Désir x de l‟Autre

Tableau (-) (L’angoisse, p. 352)

L‟inhibition chez l‟obsessionnel est une défense contre un autre désir. D‟un côté, il ne se retient pas (compulsion) et de l‟autre, il hésite (doute, ne pas savoir, ne pas en finir de savoir). La défense de l‟obsessionnel est de rester au bord du trou phallique (évitement du génital en tant que détumescence et non maîtrise). Ceci s‟illustre très bien dans son rapport à l‟image dans l‟exaltation de la femme, de l‟amour mythique. C‟est une image

bouchon pouvant se renverser en image excrémentielle. « Son désir [de l‟obsessionnel] se soutient de faire le tour de toutes les possibilités qui déterminent l‟impossible au niveau phallique et génital. »183

Le graphe du désir permet de faire une lecture du discours de la science. Si le désir du sujet se constitue comme désir de l‟Autre, en tant que trésor des signifiants, la psychanalyse amène à l‟évidence d‟un manque de signifiant dans l‟Autre appelé S(Abarré) (signifiant du manque de signifiant dans l‟Autre). La science comme fantasme, c'est-à-dire comme réduction du réel à la réalité décrite à l‟aide de la lettre, du chiffre, de la logique, du calcul, de l‟observation, opère un court circuit dans le graphe du désir: elle emprunte la voie S<> a  d. Cette voie empruntée évite le niveau de l‟énonciation ; c‟est la forclusion de la vérité dans le discours de la science. Au niveau du fantasme, deux possibilités se présentent :

- soit le désir se boucle dans la signification s(A) avec comme point final l‟Idéal du moi qui se soutient du moi, de la signification imaginaire et donc du narcissique du sujet impliqué dans la science : la réalité est alors la projection de la structure imaginaire du moi plaquée sur le monde, ce que l‟on pourrait qualifier d‟anthropomorphisme ;

- soit le désir abouti au S(Abarré) au niveau de l‟énonciation (par exemple, le théorème d‟incomplétude de Gödel) ; cela relance le désir d‟une nouvelle recherche ou nouvelle formulation du savoir. La castration symbolique permet une relance indéfinie de la détermination du savoir sur un mode obsessionnel. C‟est ce qui se dit dans l‟épistémologie quant à l‟amélioration continue (et vouée à l‟infini) de la théorie et de la connaissance : la science n‟en finit pas de savoir. Ce qui pourrait définir une science plus élaborée que le scientisme. Une science acéphale, car non au fait de la détermination du savoir par l‟inconscient (la lettre et le chiffre) et prise dans le discours imaginaire de la connaissance, sans posséder le registre du réel au sens lacanien et en particulier le moteur que constitue l‟objet a dans la détermination du désir épistémophile. L‟amour du savoir serait une défense contre l‟angoisse du vide réel, le S(Abarré), qui résonne

comme une angoisse de castration sur le plan imginaro-symbolique. C‟est l‟angoisse du manque réel comme moteur de la recherche scientifique. Peut-on parler d‟épistémo-manie dans un sens similaire à celui de toxicomanie ? Le savoir et la théorie se constituant comme fantasme, fenêtre sur le réel. Ce qui n‟empêche pas les différentes formes de l‟objet a de faire retour pour le sujet rationnel de la science, ni les objets du discours de la technoscience (les lathouses de Lacan) de faire retour du réel dans la réalité des sujets.

Pour conclure cette partie, nous avons vu que le désir s‟inaugure de la coupure entre imaginaire et symbolique. Qu‟elle permet de mettre au jour l‟objet a réel par l‟intermédiaire de l‟angoisse et ainsi de postuler l‟existence d‟un troisième registre : celui du Réel. D‟autre part, que la structure obsessionnelle nous donne des indications sur le fantasme et le désir du sujet soumis au discours de la science. L‟obsessionnel se faisant l‟instrument du désir de l‟Autre représenté par le discours de la science.

De suivre Lacan dans ses développements ultérieurs sur la structure borroméenne du sujet nous permet de sortir définitivement du dualisme imaginaro- symbolique à l‟œuvre dans le scientisme et de sa représentation « naïve » de la réalité.

D‟un point de vu topologique184

la démarche scientifique peut se présenter suivant deux formulations :

- celle du fantasme (mise en continuité RS)

- celle de la paranoïa (mise en continuité RSI du nœud de trèfle) Ces questions seront reprises dans le chapitre IV et la conclusion.

Certains chercheurs en neuroscience et en psychanalyse ont perçu ces limites conceptuelles du rapport matière/esprit ainsi que les limites des théories trop réductionnistes du parlêtre et tentent, depuis les années 2000, de développer une nouvelle approche qui intégrerait les savoirs des neurosciences et de la psychanalyse. Cette nouvelle approche a pris le nom de neuropsychanalyse. Voyons comment cette approche tente de renouveler les conceptions de l‟esprit et du cerveau.

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Bousseyroux M. (2011). Au risque de la topologie et de la poésie. Élargir la psychanalyse. Toulouse : Ères.