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Structure locale d’une vari´ et´ e de Poisson

Chapitre III. Vari´ et´ es de Poisson

4. Structure locale d’une vari´ et´ e de Poisson

L’´etude de la structure locale d’une vari´et´e de Poisson repose sur les deux lemmes qui suivent.

4.1. Lemme. Soit (M, Λ) une vari´et´e de Poisson, et a ∈ M un point tel que rang Λ(a) = 2p > 0. Il existe des fonctions diff´erentiables f et g, d´efinies sur un voisinage ouvert U de a, v´erifiant

{f, g} = 1 .

De plus, si l’on connaˆıt d´ej`a l fonctions diff´erentiables f1, . . . , fl, d´efinies sur un voisinage de a, telles que les champs de vecteurs hamiltoniens associ´es Λ](dfi) soient lin´eairement ind´ependants au point a, et v´erifiant

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avec l ≤ p, on peut prendre f = f1 et imposer `a g de v´erifier {f1, g} = 1 , {fi, g} = 0 pour 2 ≤ i ≤ l .

Enfin, les champs de vecteurs Λ](dfi), 1 ≤ i ≤ l, et Λ](dg), sont lin´eairement ind´ependants au point a.

D´emonstration. Consid´erons d’abord le cas o`u l = 0 (aucune fonction n’est donn´ee d’avance). Puisque Λ(a) 6= 0, il existe une fonction diff´erentiable f , d´efinie sur un voisinage de a, telle que Λ](df )(a) 6= 0. D’apr`es le th´eor`eme bien connu de redressement d’un champ de vecteurs au voisinage d’un point o`u il est non nul, il existe une carte de M , dont le domaine contient le point a, et dont les coordonn´ees locales sont not´ees x1, . . . , xn, telle que, dans le domaine de cette carte,

Λ](df ) = ∂x1 . Posons alors g = x1. On a {f, g} = Λ](df ).g = ∂x1.x1 = 1 ,

ce qui implique que Λ](df ) et Λ](dg) sont lin´eairement ind´ependants au point a.

Supposons maintenant l = 1 (une fonction f1, telle que Λ](df1)(a) 6= 0, est donn´ee). Le mˆeme raisonnement que ci-dessus s’applique, avec la seule diff´erence qu’au lieu de choisir une fonction f quelconque parmi celles qui sont telles que Λ](df )(a) 6= 0, on prend la fonction f1 d´ej`a donn´ee.

Supposons maintenant l > 1. Les l − 1 champs de vecteurs Xi = Λ](dfi), 2 ≤ i ≤ l, d´efinissent un feuilletage local d’un voisinage du point a, car ils v´erifient

[Xi, Xj] = Λ](d{fi, fj}) = 0 .

En restreignant ´eventuellement le voisinage V de a consid´er´e, on peut supposer ce feuilletage simple. Soit alors N la vari´et´e des feuilles, et Φ : V → N la projection canonique. D’apr`es la proposition 3.6, il existe sur N une structure de Poisson unique ΛN telle que Φ soit une application de Poisson. D’apr`es 3.7, le rang de cette structure de Poisson au point Φ(a) est 2(p − l + 1) > 0; en effet, Λ(a) est de rang 2p, ker TaΦ est isotrope, contenu dans C(a) et de dimension l − 1, il est donc ´egal `a son intersection avec son orthogonal symplectique. La fonction f1 ´etant constante sur chaque feuille de ce feuilletage, est de la forme f1 = bf1◦ Φ, o`u bf1 est une fonction d´efinie sur N . On a

Λ]N(d bf1) Φ(a) = TaΦ Λ](df1)(a) 6= 0 ,

car les champs de vecteurs Λ](dfi) ´etant lin´eairement ind´ependants au point a, Λ](df1)(a) n’est pas dans le noyau de TaΦ. On peut alors appliquer `a la vari´et´e de Poisson N le r´esultat ´etabli ci-dessus dans le cas l = 1: il existe une fonction diff´erentiable bg, d´efinie sur un voisinage de Φ(a) dans N , telle que

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Posons g =bg ◦ Φ. Puisque Φ est une application de Poisson, on a

{f1, g} = 1 , {fi, g} = 0 pour 2 ≤ i ≤ n .

Enfin les vecteurs Λ](dfi)(a), 1 ≤ i ≤ l, et Λ](dg)(a) sont lin´eairement ind´ependants, car les deux vecteurs Λ](df1)(a) et Λ](dg)(a) sont ind´ependants et tous deux non contenus dans le noyau de TaΦ, tandis que les vecteurs Λ](dfi)(a), 2 ≤ i ≤ l, forment une base de ce noyau.

4.2. Lemme. Soit (M, Λ) une vari´et´e de Poisson, et a ∈ M un point tel que rang Λ(a) = 2p > 0. Soient f1, . . . , fk, g1, . . . , glk+l fonctions diff´erentiables, 0 ≤ l ≤ k ≤ p, d´efinies sur un voisinage de a, telles que les champs de vecteurs hamiltoniens associ´es Λ](dfi) et Λ](dgr) soient lin´eairement ind´ependants au point a, et v´erifiant, pour 1 ≤ i, j ≤ k, 1 ≤ r, s ≤ l,

{fi, fj} = 0 , {gr, gs} = 0 , {fi, gr} = δi r. (∗) Alors il existe 2p − k − l autres fonctions diff´erentiables fk+1, . . . , fp, gl+1, . . . , gp, d´efinies sur un voisinage de a, telles que les identit´es (∗) ci-dessus soient v´erifi´ees pour tous 1 ≤ i, j, r, s ≤ p. De plus, les champs de vecteurs Λ](dfi), Λ](dgj), 1 ≤ i, j ≤ p, sont lin´eairement ind´ependants au point a.

D´emonstration. Montrons que si l < k, on peut trouver les fonctions gl+1, . . . , gk, et ainsi se ramener au cas o`u l = k. Les champs de vecteurs Λ](dfi) et Λ](dgj), 1 ≤ i, j ≤ l, sont lin´eairement ind´ependants en a, donc aussi au voisinage de a, et d´efinissent un feuilletage local d’un voisinage V de ce point, car leurs crochets deux `a deux sont nuls. En restreignant si n´ecessaire V , on peut supposer ce feuilletage simple. Soit π : V → Q la projection canonique. D’apr`es la proposition 3.6, il existe sur Q une structure de Poisson ΛQ unique telle que π soit une application de Poisson. En utilisant 3.7, on voit que le rang de cette structure au point π(a) est 2(p − l). De plus, les fonctions fi, pour l + 1 ≤ i ≤ k, sont constantes sur chaque feuille de ce feuilletage, donc sont de la forme bfi ◦ π, o`u les bfi sont des fonctions diff´erentiables d´efinies sur Q. L’ind´ependance lin´eaire des champs de vecteurs Λ](dfi) et Λ](dgr) au point a (1 ≤ i ≤ k, 1 ≤ r ≤ l) implique l’ind´ependance lin´eaire des champs de vecteurs Λ]N(d bfj), l + 1 ≤ j ≤ k, au point π(a). En appliquant le lemme 4.1 `a la vari´et´e de Poisson (Q, ΛQ), on voit qu’il existe une fonction diff´erentiable bgl+1, d´efinie sur un voisinage de π(a) dans Q, telle que

{ bfl+1,bgl+1} = 1 , { bfi,bgl+1} = 0 pour l + 2 ≤ i ≤ k .

Posons gl+1 = bgl+1 ◦ π. On voit que les identit´es (∗) sont v´erifi´ees pour 1 ≤ i, j ≤ k, 1 ≤ r, s ≤ l + 1. En r´ep´etant la mˆeme construction k − l fois, on obtient de mˆeme les fonctions gl+2, . . . , gk cherch´ees.

On peut donc maintenant supposer que k = l. Si k < p, on construit comme ci-dessus la vari´et´e de Poisson (Q, ΛQ), et on voit que le rang de ΛQ au point π(a) est 2(p − k) > 0. Le lemme 4.1 montre qu’il existe deux fonctions diff´erentiables bfk+1 et bgk+1, d´efinies sur un voisinage de π(a) dans Q, v´erifiant

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Posons fk+1 = bfk+1◦ π, gk+1 =gbk+1◦ π. On voit que les identit´es (∗) sont v´erifi´ees pour 1 ≤ i, j ≤ k + 1, 1 ≤ r, s ≤ k + 1. En r´ep´etant la mˆeme construction p − k fois, on obtient de mˆeme les fonctions cherch´ees fi et gj pour k + 2 ≤ i, j ≤ p.

Montrons que les champs de vecteurs Xi = Λ](dfi), Yj = Λ](dgj), 1 ≤ i, j ≤ p, sont lin´eairement ind´ependants au point a. Soient λi et µi, 1 ≤ i ≤ p, des scalaires tels que le champ de vecteurs Z = p X i=1iXi+ µiYi)

soit nul au point a. Posons

h = p X i=1igi− µifi) . On a Z.h = p X i=1i2+ µi2) .

Cette fonction (qui est constante) s’annule au point a (o`u le champ de vecteurs Z est nul). Elle est donc identiquement nulle, ce qui prouve que les scalaires λi et µi sont tous nuls, donc que les champs de vecteurs Xi, Yi, 1 ≤ i ≤ p, sont lin´eairement ind´ependants au point a (et, de mˆeme, en tout point de l’ouvert de M sur lequel ils sont tous d´efinis).

4.3. Th´eor`eme. Soit (M, Λ) une vari´et´e de Poisson de dimension n, a un point de M , et 2p (p ≥ 0) le rang de Λ(a). Il existe une carte de M , dont le domaine contient a, et dont les coordonn´ees locales, not´ees xi, yj, zr, avec 1 ≤ i, j ≤ p, 1 ≤ r ≤ n − 2p, v´erifient

{xi, xj} = 0 , {yi, yj} = 0 , {xi, yj} = δi j , {xi, zr} = {yi, zr} = 0 . (∗)

De plus, les crochets de Poisson {zr, zs}, 1 ≤ r, s ≤ n − 2p, ne sont fonctions que des coordonn´ees locales z1, . . . , zn−2p, et sont nuls au point a.

D´emonstration. D’apr`es le lemme 4.2, il existe 2p fonctions diff´erentiables fi et gj, 1 ≤ i, j ≤ p, d´efinies sur un voisinage de a, v´erifiant

{fi, fj} = 0 , {gi, gj} = 0 , {fi, gj} = δi j.

On sait de plus que les champs de vecteurs Xi = Λ](dfi) et Yi = Λ](dgi) sont lin´eairement ind´ependants au point a, donc aussi sur un voisinage de a. Leurs crochets deux `a deux ´

etant nuls, ces champs de vecteurs d´efinissent un feuilletage d’un voisinage V de a. En restreignant ´eventuellement V , on peut supposer ce feuilletage simple. On note Q la vari´et´e des feuilles et π : V → Q la projection. La proposition 3.6 montre qu’il existe sur Q une structure de Poisson unique ΛQ telle que π soit une application de Poisson, et la remarque 3.7 montre que ΛQ s’annule au point a. Toute fonction sur V de la forme h = bh ◦ π, o`u bh est une fonction diff´erentiable sur Q, v´erifie

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Consid´erons donc une carte de Q dont le domaine contient π(a), et dont les coordonn´ees locales sont not´ees zb1, . . . ,zbn−2p. Posons

xi = fi, yi = gi, zr =zbr◦ π , 1 ≤ i, j ≤ p , 1 ≤ r ≤ n − 2p .

On voit que les crochets de ces fonctions, prises deux `a deux, v´erifient les identit´es (∗) de l’´enonc´e. De plus, on a, pour tous r et s, 1 ≤ r, s ≤ n − 2p,

{zr, zs} = {zbr,bzs} ◦ π ,

ce qui prouve que {zr, zs} peut s’exprimer en fonction de z1, . . . , zn−2p. On voit aussi que les crochets de Poisson {zr, zs} s’annulent au point a, puisque ΛQ π(a) = 0. On remarque enfin que les diff´erentielles des fonctions xi, yj, zr, 1 ≤ i, j ≤ p, 1 ≤ r ≤ n − 2p, sont lin´eairement ind´ependantes au point a. D’apr`es le th´eor`eme d’inversion locale, ce sont donc des coordonn´ees locales associ´ees `a une carte de M ayant toutes les propri´et´es indiqu´ees dans l’´enonc´e.

4.4. Corollaire. Soit (M, Λ) une vari´et´e de Poisson de dimension n, a un point de M , et 2p (p ≥ 0) le rang de Λ(a). Il existe un voisinage U de a dans M qui s’identifie, par un diff´eomorphisme de Poisson, au produit S × Q d’une vari´et´e symplectique S de dimension 2p et d’une vari´et´e de Poisson Q de dimension n − 2p. La vari´et´e symplectique S est munie de la structure de Poisson associ´ee `a sa structure symplectique, et le produit S × Q est muni de la structure de Poisson produit des structures de Poisson de S et de Q. De plus, dans cette identification, la structure de Poisson de Q est de rang nul au point projection de a.

D´emonstration. Indiquons tout d’abord ce qu’on entend par structure de Poisson produit. Soient (P1, Λ1) et (P2, Λ2) deux vari´et´es de Poisson. On note P = P1 × P2, π1 : P → P1 et π2 : P → P2 les deux projections. Il existe sur P une structure de Poisson unique Λ telle que π1 et π2 soient des applications de Poisson, et que, pour tout couple de fonctions diff´erentiables ef1 : P1 → R et ef2 : P2 → R,

{ ef1◦ π1, ef2◦ π2} = 0 .

Cette structure de Poisson sur P est dite produit des structures de Poisson de P1 et de P2. La carte de M obtenue dans le th´eor`eme 4.3 nous donne imm´ediatement la d´ecomposition cherch´ee: son domaine s’identifie au produit d’un ouvert S de R2p (coordonn´ees xi et yj, 1 ≤ i, j ≤ p), et de la vari´et´e de Poisson (Q, ΛQ). L’expression des crochets de Poisson des fonctions coordonn´ees montre que ce produit est muni de la structure de Poisson produit de la structure de Poisson de S associ´ee `a la forme symplectique

p

X

i=1

dyi∧ dxi,

et de la structure de Poisson de Q. Ainsi qu’on l’a d´ej`a mentionn´e, celle-ci est de rang nul au point projection de a.