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Chapitre 5 – Discussion

5.1. Les liens entre les résultats des analyses qualitatives, la littérature recensée et les éléments

5.1.1. La Structure

La Structure, le premier élément-clé du cadre théorique de l’AIIC (2015b), fait référence aux facteurs définissant la pratique des infirmières face à la prescription infirmière. Il permet de bien définir le rôle et le champ d’exercice de l’infirmière prescriptrice en établissant les qualifications requises par cette dernière pour pratiquer de façon sécuritaire et efficace. La structure établit aussi les normes, la législation et la réglementation encadrant le rôle de l’infirmière prescriptrice. Les résultats de la présente étude ont révélé plusieurs faits importants concernant la Structure entourant le rôle de l’infirmière prescriptrice au Québec

Tout d’abord, les infirmières participantes à la présente étude disent que le rôle de l’infirmière prescriptrice permet de favoriser leur autonomie lors de différentes situations cliniques ce qui peut faciliter l’accessibilité, la continuité, la qualité et la sécurité des soins de santé et des services offerts à la population. Toutefois, elles mentionnent que pour le moment leur champ d’exercice comme infirmière prescriptrice est trop restreint. Elles estiment que les domaines dans lesquels elles peuvent prescrire ne répondent pas entièrement aux besoins réels des patients dans leur milieu de travail. La structure encadrant le rôle de l’infirmière prescriptrice au Québec pourrait donc être améliorée afin de mieux cibler les médicaments et les traitements pouvant être prescrits par des infirmières. Ainsi, les infirmières pourraient mieux répondre aux besoins réels des patients dans les trois domaines ciblés par le Règlement sur certaines activités professionnelles qui peuvent être exercées par une infirmière et un infirmier (Éditeur officiel du Québec, 2018b). Ces résultats corroborent avec ceux des études de Ball (2009), Bradley et Nolan (2007) et Courtenay et Carey (2008) qui démontrent que le rôle d’infirmière prescriptrice a permis aux patients de réduire leur temps d’attente pour avoir accès à différents médicaments et traitements. Une meilleure accessibilité et continuité des soins offerts ont été remarquées dans ces études. De plus, comme le témoignent plusieurs études et rapports gouvernementaux (D’Amour et al., 2012; FIQ, 2015, Institute of Medecine, 2011; OIIQ, 2015a; Régis et Savard, 2010), le fait d’améliorer la contribution des infirmières en leur permettant d’utiliser de façon optimale leur étendue de pratique pourrait être favorable pour le système de santé. L’intégration du rôle de l’infirmière prescriptrice qui permet de répondre aux

besoins des patients dans plusieurs milieux semble être une façon d’utiliser les ressources infirmières à leur plein potentiel.

Bien que le Règlement qui autorise les infirmières à prescrire et le Guide explicatif conjoint de l’OIIQ et du CMQ (2015) aient été élaborés pour définir le rôle et le champ d’exercice des infirmières prescriptrices au Québec, les résultats de la présente étude suggèrent que différents questionnements en lien avec le rôle de l’infirmière prescriptrice restent sans réponse chez les infirmières et les équipes interprofessionnelles des milieux ciblés par ce Règlement. De plus, quelques membres des équipes interprofessionnelles ne connaissent pas l’existence du rôle de l’infirmière prescriptrice ou l’étendue de ses activités autorisées. Des clarifications sont encore nécessaires en termes des droits de l’infirmière prescriptrice, de l’intégration de ce nouveau rôle au sein des différentes équipes de soins et de l’utilité de la prescription infirmière. Pour le moment, outre la règle de soins écrite par le CIUSSS en début de déploiement de la prescription infirmière et dont certaines infirmières participantes n’ont pas consultée, aucune ligne directrice concernant le droit de prescrire des infirmières n’est en place dans les différents milieux cliniques. En collaboration avec une chargée de projet et un groupe de travail attitré au déploiement de la prescription infirmière, la DSI du CIUSSS est présentement en train de reformuler et revoir les documents de références afin de clarifier les questionnements émis par les gestionnaires et les équipes de soins. Cette barrière au déploiement de la prescription infirmière s’estompera donc dans les mois à venir lors de la mise en place des nouveaux documents de référence. Il est également important d’encourager les infirmières et les équipes de soins à consulter les différents documents explicatifs sur le site web de l’OIIQ. Ces documents explicatifs peuvent certainement aider à clarifier des questionnements et éviter des incompréhensions. En effet, ces propos rejoignent ceux de Blanchflower et al. (2013) qui stipulent qu’une législation claire, des plans de gestion et des politiques doivent être implantés dans les milieux cliniques afin d’assurer une compréhension uniforme d’un nouveau rôle comme celui de l’infirmière prescriptrice.

De plus, comme le suggère Bradley et Nolan (2007), des informations précises devraient être fournies aux infirmières et à tous les membres de l’équipe interprofessionnelle avant l’instauration de la prescription infirmière dans leur milieu afin d’éviter la réticence et les

conflits. Ainsi, selon les propos des infirmières participantes de l’étude actuelle, des progrès doivent être faits pour favoriser une meilleure compréhension du rôle de l’infirmière prescriptrice autant auprès des infirmières elles-mêmes qu’auprès des autres membres de l’équipe interdisciplinaire. Une meilleure promotion de la valeur ajoutée du rôle de l’infirmière prescriptrice doit être faite. Les infirmières affirment que si leurs gestionnaires étaient plus favorables à la prescription infirmière et qu’ils croyaient personnellement à sa valeur ajoutée, la promotion de ce rôle auprès de l’équipe de soins s’en verrait faciliter. Ces résultats corroborent ceux de Jones et al. (2011) et de Bradley et al. (2005) qui témoignent qu’une vision et une compréhension communes du nouveau rôle de l’infirmière prescriptrice aident à son intégration dans l’équipe de soins et que le succès du déploiement de la prescription infirmière dépend directement du soutien organisationnel offert par l’équipe.

La promotion de la valeur ajoutée du rôle de l’infirmière prescriptrice pourrait également clarifier la confusion qui existe entre les ordonnances collectives et la prescription infirmière. Dans le même sens que les résultats de l’étude de Borgès Da Silva et al. (2017), les résultats de cette étude énoncent que les ordonnances collectives qui peuvent être utilisées dans les mêmes domaines que la prescription infirmière sont un des facteurs limitant son déploiement. En effet, certaines infirmières prescriptrices ou non prescriptrices mentionnent qu’elles préfèrent prescrire avec les ordonnances collectives en raison de leur facilité d’utilisation. Les ordonnances collectives semblent être en concurrence avec la prescription infirmière. Il serait donc important de clarifier avec les infirmières les conditions d’applications de ces deux types d’activités. D’une manière plus drastique, afin d’inciter les infirmières à utiliser davantage leur droit de prescrire, le CMQ a décidé d’abolir les ordonnances collectives en lien avec les domaines visés par le droit de prescrire (CMQ, 2017). Ainsi, depuis le 31 mars 2018, dans tous les établissements de santé, les ordonnances collectives dans le domaine des soins de plaies, de la santé publique et des problèmes de santé courants sont abolies et les infirmières ne peuvent plus les utiliser (CMQ, 2017). Une décision qui inquiétait les conseillères en soins infirmiers rencontrées dans cette étude par peur que les infirmières utilisent leur droit de prescrire même si elles ne sentaient pas prêtes à le faire afin d’éviter une coupure de services pour la population. Une évaluation de l’impact de l’abolition des ordonnances collectives dans ces trois domaines serait intéressante à réaliser.