• Aucun résultat trouvé

Structure et "super-structure" des réseaux et des gels

4 Gels, réseaux et systèmes connexes

4.2 Structure et "super-structure" des réseaux et des gels

Mots-clé : réseaux modèles - molécules en étoile - fluctuations gelées - speckle - super- structure - molécules sondes

On se représente en général un réticulat comme un filet macromoléculaire assez régulier dont la longueur de maille constitue la seule longueur ca- ractéristique. Mais un certain nombre de données expérimentales sont difficiles à concilier avec ce modèle simple. Comme on ne sait pas de manière certaine à quel niveau se situent les désaccords, on a abordé ce problème, au laboratoire, par deux voies. D'une part, on cherche à synthétiser des réseaux qui soient, du point de vue de la chimie, les plus proches possibles de la représentation en termes de filet régulier. D'autre part, en utilisant différentes techniques, on étudie des réseaux "réels" (proches de ceux qui sont effectivement utilisés dans les ap- plications) en se donnant la possibilité d'élargir la représentation que l'on se fait de leur structure.

4.2.1 Structure chimique

Afin de disposer de réticulats modèles, on prépare des réseaux par réaction d'hydosilylation entre les extrémités fonctionnalisées de chaînes de polydiméthylsiloxane (PDMS) et des molécules multifonctionnelles portant des fonctions antago- nistes (hydrogenosilane et silylvinylique). En pra- tique, il est difficile de mesurer avec précision le degré d'avancement de la réaction et sa dépendance avec les conditions de la synthèse, c'est-à-dire la concentration en polymère, la masse moléculaire des chaînes, la combinaison choisie (par exemple, les hydrogénosilanes peuvent être portés soit par les chaînes soit par le réticulant). C'est pourquoi

on a étudié la formation de ramifications dans des molécules en étoiles, système modèle que l'on ca- ractérise facilement une fois la réaction terminée. On a d'abord réalisé la synthèse anionique de chaînes de PDMS à partir d'un amorceur monofon- ctionnel, méthode qui conduit à des distributions en masses moléculaires très étroites (Mw/Mn = 1, 05-1, 07) [390]. Puis, après fonctionnalisation des extrémités actives de ces chaînes, on les a fait réagir avec des molécules tétrafonctionnelles. En masse (sans solvant), on trouve que le taux d'avancement de la réaction est très élevé (96%), quelle que soit la combinaison choisie, lorsque la masse moléculaire des chaînes est inférieure ou égale à 15.000. Ce taux baisse si on diminue la concentration en sites réactifs. La vitesse de réaction varie de manière très différente selon que les extrémités des chaînes por- tent des groupements hydrogénosilanes ou silylvi- nyliques. Ce paramètre a aussi une influence con- sidérable sur la composition des espèces formées en fin de réaction (molécules à deux, trois ou quatre branches). On attribue cette différence d'efficacité à des effets d'encombrement stérique lorsque les groupes silvyniliques sont portés par le réticulant. On a mis en évidence l'existence d'un seuil de con- centration en groupements SiH, en dessous duquel la réaction ne se fait plus. Ce seuil est plus élevé lorsque les groupes SiH sont portés par les chaînes. S. Oulad Hammouch, G. Beinert, F. Isel, J.G.

Zillio�J. Herz ,

4.2.2 Fluctuations thermiques et fluc- tuations gelées

Selon les descriptions classiques, l'intensité dif- fusée (lumière ou neutrons) par un gel (c'est-à-dire un réseau gonflé par un solvant) devrait être assez peu différente de celle d'une solution semi-diluée de même concentration. Au lieu de cela, on observe en général une sur-intensité nette aux petits angles, qui augmente très fortement avec le taux de gon- flement, pour certains gels. Quand on les étire, ces mêmes gels font apparaître une forte augmentation de l'intensité diffusée dans la direction parallèle à l'élongation. Cet accroissement anisotrope se tra- duit par l'apparition de lignes iso-intensité en forme de lobes (papillons) de grand axe parallèle à la di- rection de l'étirement, alors que l'on attend classi- quement des lignes iso-intensité de grand axe per- pendiculaire à l'axe d'étirement (collaboration avec F. Boué, Laboratoire Léon Brillouin Saclay et E. Mendes ESPCI Paris),[244]. Augmentation d'inten- sité diffusée signifie amplification des fluctuations spatiales de concentration en polymère. Mais on ne

4.2 Structure et "super-structure" des réseaux et des gels 31

FIG. 25 - Gel gonflé de manière anisotrope : va- riation de l'intensité diffusée à 90°, en fonction de la position du volume diffusant. A gauche : vecteur de diffusion q parallèle à la direction d'étirement. A droite : vecteur de diffusion q perpendiculaire. La partie de l'intensité qui va- rie avec la position du volume diffusant ("s- peckle") est liée aux fluctuations spatiales de concentration qui sont gelées. Les fluctuations thermiques sont à l'origine du seuil au-dessous duquel l'intensité mesurée ne descend jamais.

sait pas si ces fluctuations amplifiées sont les fluc- tuations thermiques (ou modes de gel), comme l'ont proposé Y. Rabin et R. Bruinsma en 1992 ou les flu- ctuations "gelées" couplées aux variations locales de structure. Grâce à la technique de diffusion de la lumière en balayage (avec détection sur une aire de cohérence) développée au Laboratoire d'Ultra- sons et de Dynamique des Fluides Complexes (coll. J.P. Munch, F. Schosseler LUDFC et J.M.Pujol et A. Pouchelon, Rhône-Poulenc Silicones) on a pu séparer ces deux contributions - statique et dyna- mique - à l'intensité diffusée, dans le cas d'un gel étiré par gonflement anisotrope. Les résultats indi- quent clairement que c'est une amplification ani- sotrope des fluctuations gelées qui est à l'origine des diagrammes papillons mis en évidence en DNPA [400] (cf. figure 25).

Il est admis qu'il existe, dans les gels, des îlots de module élastique et de concentration en po- lymère plus élevés que la moyenne. On pense que ces îlots sont connectés aléatoirement et qu'ils for- ment à des échelles plus grandes que celle de la

maille élastique moyenne, une sorte de "superstru- cture" irrégulière et ramifiée (en "archipel"). En raison de sa raideur plus forte que la moyenne, cette super-structure doit se désenchevêtrer isotro- piquement lors du gonflement ou, anisotropique- ment, lors de l'étirement, mécanisme qui permet, via un désécrantage des corrélations, d'expliquer les augmentations d'intensité diffusée observées[6].

C.Rouf, J. Bastide, G. Beinert, Je'. Isel, J.Herz

4.2.3 Chaînes libres comme sondes de la superstructure

On a poursuivi l'étude par DNPA de réseaux contenant des chaînes libres marquées (coll. J. Lal et F. Boué, LLB Saclay). Dans le cas de systèmes gonflés à saturation (réseau de poly(méthacrylate de méthyle) + solvant + chaînes libres marquées de polystyrène deutérié, le contraste entre le réseau et le solvant ayant été annulé), on observe un fort excès d'intensité par rapport au système équivalent non réticulé. La variation de l'intensité diffusée avec l'amplitude de vecteur de diffusion q (1(q) q-2,5) ·· peut s'expliquer comme le signe d'un marquage de la superstructure par les chaînes libres (par concentration de ces dernières dans les "vallées" moins réticulées) [223]. On étudie par ailleurs des réseaux en masse (polystyrène, sans solvant) con- tenant des chaînes libres (polystyrène deutérié) à différents taux d'étirement uniaxial (coll. F. Boué et A. Ramzi, LLB Saclay). Lorsque le taux de réticulation n'est pas très important, on observe des lignes iso-intensité en forme de papillons correspon- dant à un régime de facteur de structure inexistant à l'état isotrope et qui se développe lorsqu'on aug- mente le taux d'élongation [136]. Après confronta- tion aux différents modèles récemment proposés, on aboutit à nouveau à une description fondée sur une idée de super-structure, laquelle serait "marquée" par les différences de répartition de chaînes libres et "désécrantée" anisotropiquement sous l'effet de l'étirement [255].

J. Bastide

4.2.4 Familles de gels

Selon le mode de synthèse des gels, on a mis en évidence des différences de comportement très tranchées sous l'effet du gonflement ou de l'élongation, lesquelles ont conduit à distinguer deux grandes familles (coll. F. Boué, LLB, Saclay et E. Mendes ESPCI Paris). Les gels de la première famille (à hétérogénéités actives) font apparaître

32

4 GELS, RÉSEAUX ET SYSTÈMES CONNEXES

une augmentation d'intensité en gonflement et en élongation (papillons) [244]. Les gels de la seconde famille (à hétérogénéités inactives) présentent aux très petits angles un signal beaucoup plus intense, mais qui diminue quand on gonfle le réseau [243]. Le facteur de structure de ces derniers gels présente un certain nombre de ressemblances avec celui de gels d'étoiles qui ont été étudiés par ailleurs. A présent (coll. J.M.Pujol et A. Pouchelon, Rhône-Poulenc Silicones) on recherche des corrélations éventuelles entre les facteurs de structure de réseaux de PDMS gonflés (préparés selon des méthodes différentes) et leurs propriétés ultimes avant gonflement, à l'état de caoutchoucs (limite de rupture et énergie de déchirure).

C. Rouf, J. Bastide, B. Girard, G. Beinert, F. Isel, P. Lutz, L. Herrmann, C. Picot