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7.6 Résultats expérimentaux . . . 164

7.7 Discussion . . . 166

7.8 Conclusion . . . 168

7.1 Introduction

Cette partie aborde un sujet central en information quantique, celui de l'intrication.

7.1.1 L'intrication en information quantique

En commençant ce manuscrit, nous avons dressé une liste des principales particularités de la mécanique quantique : la dualité onde-corpuscule, le principe d'incertitude, l'existence des superpositions d'états et celle d'états intriqués. Nous avons alors noté que les principes de d'incertitude et de superposition ont mené respectivement à l'idée de la cryptographie et de l'ordinateur quantique. Quel est alors le rôle de l'intrication dans le domaine de l'information quantique?

Calcul quantique

La puissance d'un ordinateur quantique vient en partie du fait qu'un petit ensemble d'objets quantiques peut prendre un très grand nombre d'états. Si on prend n objets ayant chacun un espace de Hilbert de dimension k, l'espace de Hilbert de l'ensemble sera de dimension kn(il faudra ainsi une base de 2100≈ 1030états pour décrire un ensemble de 100 particules de spin 1/2). Il faudra kn− 1 nombres complexes pour décrire l'ensemble

des états de cet espace, mais seulement n(k − 1) pour décrire tous les états séparables. L'intrication peut également être utilisée de manière plus directe. Nous avons déjà mentionné dans le chapitre 2 la diculté de réaliser des portes quantiques à deux qubits. Pour y remédier, une solution consiste à préparer un grand état intriqué (état cluster) entre tous les objets utilisés pour le calcul, et de réaliser des mesures projectives adaptées à l'algorithme que l'on souhaite implémenter. Cette approche, appelée one-way quantum computing (les opérations logiques correspondent à des projections irréversibles et non à des transformations unitaires) semble actuellement très prometteuse [129].

Communications quantiques à longue distance

En ce qui concerne les communications quantiques, elles peuvent en principe se passer d'intrication : on arrive ainsi à transmettre des clés sur des dizaines de kilomètres avec de simples impulsions laser. Cependant, sur de longues distances, les pertes deviennent trop importantes pour maintenir un débit susant et pour garantir la sécurité de la transmission. Dans le cas classique, ce problème est résolu en plaçant sur le trajet des relais qui corrigent et réamplient le signal. Il est bien entendu interdit de procéder de la sorte dans le cas quantique, car cette amplication, si elle était possible, permettrait à un espion de copier et lire le code. On peut facilement montrer qu'il est en réalité impossible de concevoir un dispositif pouvant dupliquer un état quantique arbitraire sans ajouter de bruit (théorème de non-clonage).

Il intervient ici une idée essentielle en communications quantiques : le qubit qui trans- porte le code secret est précieux et on veut à tout prix éviter de le perdre ou l'abîmer. En revanche, on peut beaucoup plus facilement manipuler des états auxiliaires, qui ne conti- ennent aucune information en eux-mêmes et que l'on peut produire en grandes quantités. L'intrication apparaît alors comme une ressource nécessaire pour réaliser des répéteurs quantiques, à l'aide d'un protocole de distillation et de transfert d'intrication.

Plus précisément, l'intrication est utilisée ici dans le cadre de la téléportation quantique [130], qui partage avec la téléportation de la science-ction l'idée de détruire un objet à un endroit pour le recréer à l'identique ailleurs. Son principe de fonctionnement pour des variables discrètes est illustré sur la gure 7.1. L'idée essentielle est de préparer, en plus du qubit à téléporter, deux qubits auxiliaires intriqués, l'un au départ et l'autre à l'arrivée, et d'utiliser leurs corrélations quantiques. Supposons qu'Alice dispose d'un qubit photonique |χAi = a |+Ai + b |−Ai préparé dans le mode optique A, et qu'elle veut

le téléporter chez Bob, dans un mode B. Pour y parvenir, les deux partenaires utilisent comme ressource un des quatre états de Bell intriqués, partagés entre le mode B de Bob et un mode auxiliaire A0 chez Alice :

|φ±,A0Bi = |+A 0i |+Bi ± |−A0i |−Bi 2 , |ψ±,A0Bi = |+A0i |−Bi ± |−A0i |+Bi 2 , (7.1)

(a) (b) ± ± 〈φ |,〈ψ | |ψ 〉 α|+〉 + β|−〉 Bob Alice α|+〉 + β|−〉 X Z ± ± 〈φ |,〈ψ | |ψ 〉 α|+〉 + β|−〉 Alice Zaccharie α|+〉 + β|−〉 X Z ± ± 〈φ |,〈ψ | |ψ 〉 Bob ± ± 〈φ |,〈ψ | |ψ 〉 Charlie ± ± 〈φ |,〈ψ | |ψ 〉 ... L L L L L A A' B

Figure 7.1: (a) Téléportation d'un qubit entre Alice et Bob (b) Transfert d'intrication permettant la téléportation à travers un canal quantique de longueur arbitraire (voir texte).

par exemple |ψ−i. Alice eectue une mesure jointe sur les deux qubits dont elle dispose,

le qubit à téléporter dans le mode A et sa moitié de l'état intriqué dans le mode A0, en

les projetant sur un de ces quatre états de Bell pour AA0 : hφ±,AA0|χAi |ψ−,A0Bi = a |−Bi ∓ b |+Bi

2 , hψ±,AA0|χAi |ψ−,A0Bi =

−a |+Bi ± b |−Bi

2 .

(7.2) Dans cette opération, Alice n'apprend rien sur l'état du qubit de départ, qu'elle détruit dans le processus (on respecte donc le théorème de non-clonage). Elle sait seulement lequel des quatre états de Bell elle a obtenu. Elle établit ensuite une communication classique avec Bob et lui communique le résultat de cette mesure. Si elle a obtenu |ψ−i,

la téléportation a directement réussi et Bob n'a rien d'autre à faire : son qubit est projeté dans l'état |χi de départ (à une phase globale près). Si Alice obtient |ψ+i, Bob doit réaliser une inversion de phase (Z |0i = |0i, Z |1i = |1i) pour retrouver |χi. Pour |φ−i, Bob doit

eectuer un bit-ip (Z |0i = |1i, Z |1i = |0i), et pour |φ−i il applique successivement X

et Z.

Lorsque Alice a téléporté le qubit chez Bob, Bob peut le téléporter chez Charlie, et ainsi de suite. Mais en réalité on inverse l'ordre des opérations : Bob eectue d'abord sa mesure de Bell, qui intrique les photons d'Alice et Charlie, initialement indépendants (transfert d'intrication ou entanglement swapping, [131, 132]). En répétant ce processus, on peut alors créer un canal de transmission quantique de longueur nL arbitraire, comprenant un certain nombre n de relais séparés par une distance L. Au lieu de transférer l'information, on transfère donc l'intrication de proche en proche, pour intriquer le point de départ avec celui d'arrivée et y téléporter notre qubit.

Le grand avantage de cette approche est de pouvoir eectuer ces opérations de transfert en parallèle. Bien sûr, les paires de Bell vont elles aussi subir les pertes en ligne, et la probabilité d'intriquer tous les relais simultanément décroît avec la distance de manière exponentielle. Mais si l'on est capable de stocker les paires dont la transmission a réussi, on ne sera pas obligé de tout recommencer à chaque essai.

En plus des pertes, on devra lutter contre les erreurs induites lors de la transmis- sion, par exemple contre la dépolarisation des photons intriqués. Or, si deux sites voisins partagent un grand nombre N d'états de Bell partiellement dépolarisés, il est possible d'en extraire un plus petit nombre d'états ayant une plus grande intrication, en utilisant

uniquement des opérations locales et des communications classiques [133]. La quantité d'intrication globale n'augmente pas dans le processus, mais elle se trouve concentrée sur un petit nombre d'états au dépens des autres : cette procédure a ainsi été baptisée dis- tillation d'intrication. Alors, lorsque les relais sont correctement espacés, le temps global nécessaire pour la transmission n'augmente plus de façon exponentielle mais seulement polynômiale, même lorsque les opérations locales sont elles aussi imparfaites [134, 135].

Les communications quantiques à longue distance nécessitent donc des états intriqués, et des relais quantiques capables de les stocker [34, 36, 35, 37], de les distiller [136, 137, 138], et d'eectuer des mesures de Bell nécessaires à la téléportation [139, 140]. Toutes ces opérations ont été réalisées expérimentalement pour les variables discrètes, mais à ce jour elles n'ont pas pu être implémentées au sein d'un même dispositif. Cet objectif concentre aujourd'hui l'essentiel des eorts expérimentaux en communications quantiques.

7.1.2 États intriqués non-gaussiens

Dans le cas des variables continues, les communications quantiques à longue distance utilisent le même principe, en remplaçant les états de Bell par les états EPR [141, 41, 142]. Nous savons que ces états peuvent être facilement produits par un OPA non- dégénéré, ou en mélangeant deux états de vide comprimé. De plus, contrairement aux variables discrètes [98], la mesure projective jointe utilisée lors de la téléportation réussit toujours. Il sut à Alice de mélanger les deux modes A et A0 sur une lame 50/50,

puis mesurer la quadrature ˆx dans un mode de sortie et la quadrature ˆp dans l'autre : si on obtient les résultats x et p, on projette sur un état EPR parfaitement comprimé

δ³x − xA−xA0 2 ´ δ³p − pA+pA0 2 ´

. Comme par ailleurs l'état EPR partagé entre Alice et Bob se rapproche à fort squeezing de δ(xA0− xB)δ(pA0+ pB), on voit facilement qu'il sut à Bob de déplacer le mode B de −√2(x + ip)pour retrouver l'état téléporté. Dans ce cas la délité de la téléportation augmente avec le squeezing de la paire EPR.

Une diculté apparaît cependant lors de l'étape de distillation de l'intrication, néces- saire pour réaliser un répéteur quantique. On peut en eet démontrer qu'il est impossible d'augmenter l'intrication entre états gaussiens par des opérations qui préservent leur car- actère gaussien [143, 144, 145]. Or c'est justement le cas pour les outils conventionnels des variables continues (optique linéaire, amplication paramétrique et détection homodyne) : si l'on distribue l'intrication à l'aide d'états EPR gaussiens, ces outils ne permettront pas de la distiller. En revanche, il est théoriquement possible de le faire par l'intermédiaire d'opérations non-gaussiennes [146, 147]. Les états intriqués non-gaussiens sont donc une ressource indispensable pour les communications quantiques à longue distance.

Ces états ont également un intérêt fondamental. Les détections homodynes peuvent atteindre des ecacités susantes pour tester les inégalités de Bell en éliminant à la fois l'échappatoire de localité et d'ecacité [51, 52]. Les fonctions de Wigner des états intriqués utilisés pour ces tests doivent être négatives, pour éliminer la possibilité de décrire les résultats par une distribution statistique classique.

Cette dernière partie est donc consacrée à l'étude théorique et expérimentale des états intriqués non-gaussiens, et de la possibilité d'augmenter l'intrication d'états gaussiens par des opérations non-gaussiennes. Cette intrication devra auparavant être dénie et quantiée de manière précise.

7.1.3 Mesures de l'intrication

On considère que deux systèmes sont intriqués (corrélés quantiquement) lorsque leurs corrélations ne peuvent pas être obtenues par des opérations locales sur chacun des sys- tèmes, et des communications classiques (Local Operations and Classical Communications, LOCC ). L'intrication de trois objets ou plus est dicile à dénir, et nous allons nous re- streindre aux systèmes bipartites. Une revue sur la nature, les propriétés et les mesures de l'intrication pourra par ailleurs être trouvé dans la référence [148].

D'après cette dénition, les états séparables ne sont évidemment pas intriqués, de même que leurs mélanges statistiques : par exemple l'état mixte 1

2(|↑A↑Bi h↑A↑B| +

|↓A↓Bi h↓A↓B|) de deux qubits A et B est corrélé classiquement mais n'a aucune intri-

cation. Plus généralement, un état bipartite quelconque ne sera pas intriqué si sa matrice densité peut s'écrire comme une somme convexe d'états produits :

ˆ ρN onIntr = X k ak|ψk, ψk0i hψk, ψk0|, ∀k ak ∈ [0, 1], X k ak= 1. (7.3)

À l'inverse, il existe pour des systèmes bipartites des états maximalement intriqués, qui permettent d'obtenir n'importe quel autre par des opérations LOCC. Dans le cas de deux systèmes à deux niveaux, ce sont les états de Bell.

On aimerait donc pouvoir quantier l'intrication pour comparer les états quantiques entre eux. Malheureusement, il n'existe de relation d'ordre univoque que pour les états bipartites purs. L'intrication entre deux objets A et B, dont l'état est décrit par une ma- trice densité ˆρAB = |ψABi hψAB|, peut alors être quantiée par l'entropie de Von Neumann

de l'état réduit à un des deux modes :

E = −Tr {ˆρAlog2(ˆρA)} = −Tr {ˆρBlog2(ˆρB)} , ρˆA= TrB{ˆρAB} , ρˆB = TrA{ˆρAB}

(7.4) Cette entropie quantie le degré de désordre des objets A et B observés individuelle- ment. Elle ne peut donc plus être utilisée pour mesurer l'intrication d'un état mixte, car ce désordre peut alors venir de uctuations classiques. Par exemple, lorsque deux photons polarisés sont préparés dans un état de Bell, leurs matrices densités réduites sont identiques à celles de deux photons dépolarisés indépendants :

ˆ ρA= ˆρB = 1 2 µ 1 0 0 1 ¶ (7.5) Dans le cas général, quantier l'intrication d'un état bipartite s'avère dicile. Par exemple, d'un point de vue pragmatique, on pourrait concevoir l'intrication comme une ressource qui permet de réaliser un certain nombre d'opérations classiquement impossibles, comme la téléportation ou le codage dense. On pourrait imaginer alors qu'un état sera plus intriqué qu'un autre s'il permet de réaliser ces opérations plus ecacement (par exemple, téléporter avec une plus grande délité). Mais pour certaines applications un état |φi sera plus intriqué qu'un autre état |ψi, alors que pour d'autres ce sera le contraire. Il existe un très grand nombre de mesures de l'intrication d'états bipartites mixtes, avec des sens physiques plus ou moins clairs. Malheureusement, la plupart d'entre elles ont recours à des procédures d'optimisation sur des ensembles d'états complexes, et sont

quasiment impossibles à utiliser en pratique. Parmi les rares à pouvoir être calculées, nous utiliserons la négativité [149], donnée par

N =

° °ˆρTA°°

1− 1

2 (7.6)

où la matrice densité ˆρTA s'obtient par transposition partielle de la matrice densité bipar- tite ˆρ = ˆρAB

hφA, φB| ˆρTA|ψA, ψBi = hψA, φB| ˆρ |φA, ψBi (7.7)

et la norme kσk1 est dénie par

kσk1 = Trn√σ†σ

o

. (7.8)

La fonction racine n'étant pas analytique, nous devrons passer par le calcul et la diagonal- isation de la matrice densité pour obtenir la négativité. On peut se convaincre facilement qu'elle est donnée par la somme des valeurs propres négatives de ˆρTA :

ˆ ρTA = N X k=1 λk|ψki hψk| N = − X k|λk<0 λk (7.9)

Dans le cas d'un état non intriqué, déni par Eq. 7.3, la transposition partielle laisse la matrice densité ˆρ invariante, les valeurs propres de ˆρTA restent positives et la négativité est nulle. On peut par ailleurs montrer [149] que si l'on connaît la décomposition de Schmidt d'un état pur, c'est à dire son écriture sous la forme |ψi = Pncn|en, e0ni où les états en

et e0

n forment des bases orthonormées, alors on peut déterminer sa négativité par

N = 1 2   Ã X n cn !2 − 1 . (7.10)

7.2 Soustraction cohérente de photons

Notre dispositif permet de préparer des états intriqués gaussiens. Une première étape vers la distillation d'intrication est de pouvoir les transformer en états non-gaussiens plus intriqués.

Parmi les stratégies possibles, la plus étudiée a été la soustraction d'un photon de cha- cun des modes intriqués (Fig. 7.2). On a ainsi montré que les états ainsi préparés étaient, dans le cas idéal, toujours plus intriqués que les états de départ en termes d'entropie de Von Neumann, et qu'ils permettaient par exemple d'améliorer la délité de téléportation [150, 151, 152]. On peut facilement vérier que leur négativité est eectivement plus élevée que celle des états gaussiens de départ. L'état non-gaussien |ψ2i s'obtient en eet en annihilant un photon dans chaque mode d'un état EPR |ψ0i (Eq. 2.55d) :

0i = 1 − λ2 X n=0 λn|n, ni 2i = s (1 − λ2)3 λ2(1 + λ2) X n=0 (n + 1)λn+1|n, ni (7.11)

(a) APD APD OPA R¿1 R¿1

Etat intriqué gaussien Soustraction locale de photons

(b) (c) 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 0 0.5 1 1.5 2 Squeezing (dB) Gain en intrication N 2 /N 0 0 2 4 6 8 Taux de succès (s −1 ) Gain N 2/N0 idéal Gain N 2/N0 réel Taux de succès 0.75 0.8 0.85 0.9 0.95 0.8 1 1.2 1.4 1.6 1.8 2 2.2 Transmission T Gain en intrication N 2 /N 0 0 2 4 6 8 10 12 14 Taux de succès (s −1 ) Gain N2/N0 idéal Gain N 2/N0 réel Taux de succès

Figure 7.2: (a) Soustraction d'un photon de chaque mode d'un état intriqué gaussien. (b) Rapport des négativités N2/N0 en fonction du squeezing, pour un paramètre d'excès de bruit

OPA γ = 0, 2, une pureté modale ξ = 0, 9, une ecacité APD globale µ = 5% et une transmission des lames de prélèvement T = 0, 85, comparé au cas idéal. (c) Rapport des négativités N2/N0

en fonction de la transmission T des lames de prélèvement de photons, pour γ = 0, 2, ξ = 0, 9,

OPA

R¿1

R¿1 APD 50/50

Etat intriqué gaussien Soustraction cohérente de photons

Figure 7.3: Soustraction cohérente d'un photon d'un état intriqué gaussien : schéma de principe.

où λ = tanh(r). En utilisant l'équation 7.10 on obtient alors les négativités N0 et N2 correspondantes :

N0 = λ

1 − λ, N2 =

λ(λ2+ λ + 2)

(1 − λ)(1 + λ2). (7.12) Leur rapport N2/N0 = 1 + 1+λ1+λ2 est donc, dans le cas idéal, toujours supérieur à 2,

atteignant un maximum de 3+2

2 ≈ 2, 20 en λ =

2 − 1 (3, 8 dB de squeezing).

Dans le cas réel, les pertes et le bruit dégradent considérablement la situation. Kita- gawa et al. ont montré qu'en tenant compte d'une transmission de 90% pour les lames qui servent à prélever les photons, au-delà de 7 dB de squeezing cette procédure ne fait plus augmenter mais au contraire diminue l'intrication [153]. En eet, plus les états sont non-classiques plus ils sont fragiles, et lorsque le squeezing est trop fort le gain obtenu par la soustraction de photons ne compense plus les pertes introduites.

On pourrait croire que 7 dB est dans notre cas une limite très large, et qu'avec 3 dB de squeezing cette procédure marche confortablement. Ce serait oublier toutes les autres pertes qui interviennent en pratique. Pour étudier la faisabilité de cette expérience, nous avons transposé sur ce cas notre modèle analytique (voir Annexe F). Les résultats, présentés sur la gure 7.2, ne sont guère encourageants. Même avec des valeurs plutôt optimistes de nos défauts expérimentaux, il n'y a aucune gamme de paramètres libres (squeezing et transmission des lame de prélèvement) orant à la fois un taux de comptage susant et un gain net en intrication (calculé comme le rapport des négativités N2/N0. En eet, on tomographie maintenant non plus un état monomode mais deux modes intriqués, ce qui nécessite une quantité de données bien plus grande. On peut estimer que même avec 100 coïncidences par seconde il faudrait plusieurs jours pour acquérir une statistique susante. Or on observe sur la gure 7.2 que l'intrication n'augmente que pour un taux de succès limité à quelques coïncidences par seconde, ce qui rend cette expérience dicilement envisageable.

Nous avons donc décidé d'adopter une autre approche, présentée sur la gure 7.3. Au lieu d'envoyer chacun des faisceaux prélevés vers une photodiode à avalanche, on les fait interférer sur une lame 50/50 et on détecte des photons dans un seul des deux modes de sortie. On soustrait ainsi un photon délocalisé : lorsqu'on le détecte, on ne sait pas de quel côté il vient, et si la phase de l'interféromètre est bien stabilisée cette incertitude est d'origine quantique. Formellement, si la soustraction depuis un mode consiste à appliquer l'opérateur d'annihilation ˆa, la soustraction cohérente d'un photon depuis deux modes

0 1 2 3 0 0.5 1 1.5 Squeezing(dB) N é g a ti v it é N N N N 1 11 1 N N N N 2 2 2 2 N NN N 0 0 0 0 N N N N 1 11 1'''' APD APD OPA R¿1 R¿1

N2

APD OPA R¿1

N ' 1

OPA R¿1 R¿1 APD 50/50

N1

OPA

N0

Figure 7.4: Évolution de l'intrication en fonction du squeezing dans le cas idéal, pour l'état préparé par soustraction cohérente d'un photon (N1), comparée à l'état de départ (N0), à l'état

obtenu par soustraction locale d'un photon dans chaque mode (N2), et celui obtenu en prélevant

localement un photon dans l'un des deux modes (N0 1).

1 et 2 se traduit par l'opérateur 1 2

¡

ˆa1− eiφˆa2 ¢

, où la phase φ est déterminée lors de l'interférence sur la lame 50/50. Dès lors que cette phase est contrôlée, elle ne joue pas de rôle sur l'intrication de l'état préparé, et nous la supposerons nulle dans la suite.

Tout d'abord, cette méthode nécessite de soustraire un seul photon au lieu de deux, et autorise ainsi des taux de succès bien plus confortables, typiquement 100 fois supérieurs au cas précédent. Ensuite, si on ne soustrait qu'un seul photon, on n'a qu'une chance et non deux de se tromper : la qualité de l'état préparé va varier comme la pureté modale

ξ et non comme ξ2.

Mais surtout, cette approche ore un gain en intrication très élevé à faible squeezing. En eet, dans ce cas l'état gaussien initial s'écrit |ψ0i ≈ |0, 0i + λ |1, 1i : comme λ ¿ 1 il est très proche du vide. En revanche, lorsqu'on enlève un photon délocalisé on prépare, à l'ordre le plus bas en λ, un état de Bell 1

2(|1, 0i − |0, 1i) contenant un bit d'intrication (entanglement bit ou ebit). On passe ainsi d'une intrication quasi-nulle à une intrication nie. Pour déterminer si le gain en intrication subsiste à plus fort squeezing, dans le cas idéal du moins, on détermine la décomposition de cet état en base de Fock en appliquant l'opérateur 1

2(ˆa1− ˆa2) à un état EPR

1 − λ2Pλn|n, ni. Après renormalisation, on trouve |ψi = (1 − λ2) X k=0 λn√n + 1|n, n + 1i − |n + 1, ni√ 2 (7.13)

En diagonalisant la matrice densité ˆρT1 = |ψi hψ|T1, on trouve (voir Fig. 7.4) que dans

notre gamme de paramètres de squeezing la négativité N1 de l'état préparé reste toujours nettement supérieure à celle de l'état de départ. Leur rapport diverge comme prévu à l'origine, lorsque N0 → 0 et N1 → 1/2. La soustraction locale d'un photon par mode donne en principe de meilleurs résultats à fort squeezing (la négativité N2 dépasse N1 au- dessus de 2 dB), mais nous avons vu que le conditionnement à deux photons est bien plus exigeant en termes de pertes et de taux de succès, et cette expérience n'est pas réalisable dans l'état actuel de notre dispositif.

On peut également déterminer la négativité de l'état obtenu en prélevant un photon

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