2.6 Tomographie quantique homodyne
2.6.2 Algorithmes de reconstruction
On mesure ensuite les intensités ˆI− et ˆI+ dans les deux voies de sortie de la séparatrice : ˆ
I−= ˆa†−ˆa− =
1 2
h
ˆa†sˆas+ ˆa†olˆaol− ˆas†ˆaoleiθ− ˆa†olˆase−iθ
i (2.62) ˆ I+= ˆa†+ˆa+ = 1 2 h
ˆa†sˆas+ ˆa†olˆaol+ ˆas†ˆaoleiθ+ ˆa†olˆase−iθ
i
(2.63) Si, après mesure, on soustrait les deux photocourants, on récupère uniquement le terme d'interférence :
δ ˆI = ˆI+− ˆI− = ˆa†sˆaoleiθ+ ˆa†olˆase−iθ (2.64)
L'état de l'oscillateur local est un état classique : ses uctuations quantiques sont nég- ligeables, et on peut remplacer l'opérateur ˆaOL par sa valeur moyenne dans l'état |αi.
L'action de cet opérateur δ ˆI dans le mode signal est donc déterminée par
δ ˆIs = hα| δ ˆI |αi = α(ˆa†seiθ+ ˆase−iθ) (2.65)
Or α est simplement la racine de l'intensité moyenne de l'oscillateur local Iol, et l'opérateur
ˆa†
seiθ + ˆase−iθ n'est rien d'autre que √
2ˆxθ, l'opérateur de quadrature que nous voulions
mesurer :
δ ˆIs =
p
2Iolxˆθ (2.66)
La diérence des photocourants sera donc proportionnelle à la quadrature ˆxθ que nous
voulions mesurer. Le facteur de proportionnalité √Iol permet d'amplier les uctuations
quantiques de cette quadrature pour les transcrire sur des uctuations macroscopiques mesurables électroniquement.
Le fonctionnement d'une détection homodyne, illustré par la gure 2.8, semble donc relativement simple. Elle ne nécessite pas de détecteurs de photons uniques mais de simples photodiodes, et les manipulations optiques se réduisent à une interférence sur une lame 50/50. Les dicultés qui apparaissent en pratique seront discutées lorsque nous aborderons la mise en oeuvre expérimentale d'une détection homodyne impulsionnelle au chapitre suivant.
2.6.2 Algorithmes de reconstruction
Une fois que nous avons mesuré un nombre susant de distributions marginales Pθ, nous
devons reconstruire la fonction de Wigner [53]. Trois méthodes seront utilisées dans ce travail de thèse.
Figure 2.8: Principe de fonctionnement d'une détection homodyne.
Transformée de Radon
La première consiste à implementer numériquement la transformée de Radon présen- tée plus haut (Eq. 2.27). Il est alors nécessaire d'introduire une fonction de lissage dans la transformée de Fourier, pour supprimer tous les bruits liés à l'expérience et à l'échantillonnage.
Maximum de vraisemblance (MaxLik)
La deuxième utilise l'algorithme du maximum de vraisemblance (Maximal Likelihood, MaxLik) [54, 55, 56]. Comme son nom l'indique, c'est un algorithme itératif qui cherche à trouver la matrice densité ρ produisant les distributions de quadratures les plus proches de celles mesurées. Les données que nous mesurons sont triées par quadrature, et pour chaque quadrature divisées en histogrammes. Appelons ˆAj les opérateurs correspondant à
chacun des bins de chacun des histogrammes : la probabilité pour un point expérimental de tomber dans le bin j vaut pj = Tr
n ˆ
Ajρˆ
o
. Comme on ne mesure bien sûr pas la totalité de l'espace de Hilbert (inni), on a PjAˆj = ˆG 6= ˆI. Pour chaque état ˆρ les probabilités
normalisées valent donc pj/
P
j0pj0.
Supposons qu'à la n de l'acquisition on ait Nj points par bin j : la probabilité d'un
tel événement vaut
L =Y j à pj P j0pj0 !Nj . (2.67)
Pour trouver la matrice densité la plus probable, on doit donc maximiser cette vraisem- blance par rapport à ˆρ, c'est à dire aux pj. Pour imposer la positivité de la matrice
densité on peut poser ˆρ = σ†σ. Le maximum de L est alors donné par d log(L)/dσ = 0.
En utilisant d log(pj)/dσ = ˆAjσ†/pj, on trouve alors
d log(L) dσ = 0 = X j Nj pj ˆ Ajσ†− P jNj P jpj ˆ Gσ†. (2.68)
En multipliant cette équation à droite par σ on obtient alors ˆ Rˆρ = ˆGˆρ, R =ˆ X j Nj/ P j0Nj0 pj/ P j0pj0 ˆ Aj (2.69)
Ce résultat est somme toute assez logique : pour l'état optimal, les Nj sont proportionnels
aux pj. En combinant l'équation 2.69 avec son hermitien conjugué on trouve ˆRˆρ ˆR = ˆGˆρ ˆG,
ou encore ˆRGρˆGRˆG = ˆρG, avec ˆRG = ˆG−1/2R ˆˆG−1/2 et ˆρG = ˆG1/2ρ ˆˆG1/2. On peut alors
trouver l'optimum par itérations, en partant de ρ(0) = ˆIet en dénissant à la (n + 1)-ième étape ˆ ρ(n+1)G = Rˆ (n) G ρˆ (n) G Rˆ (n) G Tr n ˆ R(n)G ρˆ(n)G Rˆ(n)G o, ˆ R(n)G = ˆG−1/2R(ˆˆ ρ(n)) ˆG−1/2 (2.70)
La vraisemblance L va croître jusqu'à atteindre le maximum, correspondant au point xe de ces itérations. La matrice densité de l'état recherché est alors donnée par
ˆ
ρ = Gˆ−1/2ρˆGGˆ−1/2
Tr {G−1} (2.71)
Cette division par ˆG ne peut se faire que si les états préparés dans nos expériences ne sortent pas du sous-espace engendré par les vecteurs propres de ˆG associés à des valeurs propres non nulles. En clair, on mesure des quadratures dans une certaine fenêtre centrée sur l'origine de l'espace des phases : si cette fenêtre était trop étroite, une partie des résultats se trouverait en dehors de notre champ de vision. Ces mesures correspondraient alors à des états |ψi tels que, pour tout j, Aj|ψi = 0, donc G |ψi = 0 : dans le sous-espace
engendré par ces états, ˆGne serait pas inversible. Par ailleurs, le binning des histogrammes devra être susamment n pour résoudre les détails dans les structures des états que l'on génère : s'il est trop grossier l'algorithme pourra converger vers un état sensiblement diérent. Le choix de la largeur et de la résolution des histogrammes suppose donc une certaine information à priori sur les états préparés dans l'expérience : considérer qu'ils sortent d'une boîte noire n'est pas raisonnable, ni d'ailleurs nécessaire. En pratique, les contraintes imposées sont très lâches par rapport à la réalité expérimentale : les états crées sont décrits avec 99.9% de délité en utilisant moins de 5 photons, alors qu'on étend l'espace de Hilbert à 20 photons pour la reconstruction. Dans ce cas l'ensemble des mesures est complet, et on peut simplement supposer ˆG = ˆI.
L'avantage de cette méthode est de pouvoir incorporer les pertes homodynes : si elles sont connues, on peut inclure leur eet dans le calcul des pj, et reconstruire ainsi la matrice
densité corrigée, correspondant à l'état réellement préparé dans l'expérience. Analyse sous contrainte par modélisation analytique
Cette méthode, développée dans le cadre de cette thèse, nécessite une connaissance à priori de la forme générale de l'état, mais permet une analyse physique bien plus riche que les méthodes numériques ci-dessus. Elle est basée sur une modélisation détaillée de notre expérience. En incluant toutes les pertes techniques, on peut montrer que nos fonctions de Wigner, ainsi que les distribuions des quadratures, sont de la forme P ×eQ, où P et Q sont
des polynômes avec deg(Q) = 2 et deg(P ) ≤ 4. Si l'on admet que nos états ont cette forme, on peut facilement extraire les coecients de ces polynômes à partir de quelques moments des distributions de quadratures mesurées. Ces coecients permettent de reconstruire la fonction de Wigner, de corriger des pertes homodynes et d'accéder à certains paramètres
La lumière est : Pour la décrire, on s'intéresse à :
On représente son état par :
On reconstruit son état par :
Etats “simples à décrire” :
Discrète Photons Continue Onde
Leur nombre & leurs cohérences
Son amplitude & sa phase Ses quadratures x et p
ou
La matrice densité La fonction de Wigner
Comptage :
Tomogaphie discrète Tomographie homodyneDémodulation :
Les états de Fock Les états gaussiens
V1 V2
En combinant les deux approches :
- Opérations non-gaussiennes sur des états gaussiens, - Mesures homodynes d'états non-gaussiens :
Fonctions de Wigner négatives
Figure 2.9: Résumé : description discrète et continue des propriétés quantiques de la lumière.
expérimentaux diciles à mesurer indépendamment. Nous développerons ce modèle sur un exemple simple, celui de la tomographie d'états de Fock n = 1 et n = 2 présentée dans la partie II.
2.7 Conclusion
Ce chapitre nous a permis de dégager un schéma d'ensemble, présenté sur la gure 2.9. Nous avons présenté les outils conceptuels permettant de traiter les propriétés quantiques de la lumière suivant deux approches, discrète ou continue. Ces deux approches sont restées pendant longtemps disjointes. Un des objectifs de cette thèse est de montrer que leur combinaison permet de préparer des états quantiques très particuliers, intéressants aussi bien sur le plan fondamental que pour leurs applications.
Outils expérimentaux
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