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Le stress RE perturbe le système transfert énergétique des créatines kinases

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Les transferts énergétiques, systèmes permettant de coupler la production mitochondriale d’ATP et son utilisation par les ATPases cellulaires et qui jouent un rôle majeur dans le maintien de l’homéostasie des cardiomyocytes, sont altérés chez les patients atteints d’insuffisants cardiaques (De Sousa, Veksler et al. 1999). Ainsi, la concentration en phospho- créatine (PCr), un intermédiaire de la navette des créatines kinases, système de transfert énergétique majoritaire dans le cœur, est diminuée dans une situation pathologique. Cette concentration en PCr est considérée comme un indicateur du bon fonctionnement du cardiomyocyte et un paramètre prédictif de la mortalité dans les cardiomyopathies dilatées (Neubauer, Horn et al. 1997). Il a été montré que l’efficacité, l’organisation spatiale et l’expression des enzymes régulant cette navette sont modifiés, conduisant à un découplage entre la production et l’utilisation d’ATP, contribuant ainsi au manque d’énergie du cœur insuffisant (Neubauer New Engl J med). Notre étude démontre que le stress RE induit une altération de l’architecture cellulaire, une diminution de l’expression des enzymes impliquées dans la navette des créatines kinases et une altération des systèmes de transferts énergétiques. Ces observations sont similaires à celles obtenues dans des modèles de perturbation de l’architecture des cardiomyocytes tels que l’insuffisance cardiaque (Joubert, Wilding et al.

2008), l’ischémie (Rauch, Schulze et al. 1994), le diabète (Savabi and Kirsch 1991)ou la cardiomyopathie dilatée (Wilding, Joubert et al. 2006, Diguet, Mallat et al. 2011). Il est donc possible que l’altération des transferts énergétiques en réponse au stress RE soit liée à la perturbation de l’architecture cellulaire.

Nous avons observé qu’en réponse au stress RE, le Km pour l’ADP sans créatine n’est pas modifié, mais qu’en présence de créatine il est augmenté, révélant une altération de la navette des créatines kinases. Pour calculer le Km pour l’ADP sur fibres perméabilisées, nous avons utilisé un protocole consistant en l’ajout de deux concentrations différentes d’ADP (100µM, puis 2mM) entrecoupé par un ajout de créatine. Cette approche présente l’avantage de permettre de mesurer à partir d’un seul protocole, pour les mêmes fibres dans la même cuve, différents paramètres de la fonction mitochondriale et de pouvoir estimer un Km pour l’ADP avec et sans créatine. Nous pouvons donc recueillir un nombre important d’informations avec peu de matériel, ce qui est particulièrement utile lorsque l’on travaille sur des cœurs de souris. Toutefois, les Km ainsi calculés sont des estimations et bien que ces mesures soient cohérentes, leur confirmation par un protocole classique de mesure du Km consistant en plusieurs ajouts successifs d’ADP en présence ou non de créatine doit être envisagée. D’autre part, nous sommes actuellement en train de quantifier les différents isoformes des créatines kinases, ce qui nous permettra de mieux comprendre les raisons de l’altération de cette navette.

IV. Limites de l’étude et perspectives

L’injection intrapéritonéale de TN pour induire un stress RE dans le cœur est un modèle qui comme tout modèle à ses limites. Notamment, une telle injection provoque une libération de TN dans tout l’organisme entrainant un stress RE de manière non-ciblée dans différents organes. Les données anatomiques que nous avons recueillies montrent ainsi qu’en plus du cœur, le foie est également atteint. L’injection intrapéritonéale de TN est d’ailleurs un modèle utilisé pour étudier le rôle du stress RE dans les pathologies hépatiques (Yamamoto, Takahara et al. 2010, Lee, Zheng et al. 2012). Il est important de rappeler que même si l’induction de stress RE par la TN n’est pas un modèle de pathologie cardiaque, il permet d’étudier spécifiquement le rôle physiopathologique du stress RE dans le cœur, en s’affranchissant des effets pléiotropes liés au développement de pathologies cardiaques. En collaboration avec Marta Novotova (Institute of molecular physiology and genetics, Bratislava, Slovak Republic), nous avons débuté une étude comparative des effets du stress RE induit dans les

cardiomyocytes par TN, par le diabète et par un traitement à l’isoprénaline. Ce travail devrait nous permettre de mieux appréhender le rôle du stress RE dans le développement des pathologies cardiaques.

Néanmoins, le développement de modèles d’induction de stress RE uniquement dans le cœur doit être envisagé. Actuellement, plusieurs modèle de souris transgéniques invalidées de manière générale pour un gène impliqué dans la maturation des protéines dans le RE ont été développés et sont connus pour être associé au déclenchement d’un stress RE. Ainsi, la délétion de la chaperonne calréticuline ou du récepteur KDEL (impliqué dans le flux rétrograde des protéines de l’appareil de golgi vers le RE) induit un stress RE important, qui conduit à la mort au stade embryonnaire lors de l’extinction de calréticuline (Mesaeli, Nakamura et al. 1999) ou 14 semaines après la naissance lors de l’extinction du récepteur KDEL (Hamada, Suzuki et al. 2004). Dans ces deux modèles, la délétion de ces protéines induit des problèmes développementaux qui prouvent que ces protéines jouent un rôle important, mais qui limitent l’intérêt de ces modèles pour l’étude du stress RE. Il existe également un modèle de souris permettant l’invalidation spécifique de la chaperonne GRP78 dans les cellules souches hématopoïétiques (Wey, Luo et al. 2012). Nous pourrions ainsi envisager de croiser les souris GRP78 LoxP avec des souris exprimant une Cre recombinase couplée au promoteur α-MHC afin de rendre la délétion de GRP78 cardio-spécifique. Cependant il a récemment été démontré qu’il existerait une isoforme cytosolique de GRP78, issu d’un épissage alternatif (Ni, Zhou et al. 2009). La délétion de GRP78 pourrait donc avoir des effets cytosoliques indésirables indépendamment de sa fonction de chaperonne du RE. Une autre stratégie consisterait à générer des souris permettant l’invalidation inductible et cardio-spécifique de l’enzyme impliquée dans la N-glycosylation des protéines, la GlcNAc phosphotransferase. Cette protéine est la cible de TN qui inhibe son activité enzymatique (Heifetz, Keenan et al. 1979). Ce modèle permettrait donc d’induire un stress RE à l’âge adulte, spécifiquement dans le cœur. De plus, la génération de souris homozygotes ou hétérozygotes permettrait de disposer de modèle de stress RE modéré ou plus sévère, permettant de mieux comprendre le rôle du stress RE adaptatif ou délétère dans la fonction cardiaque et le développement de la pathologie.

Chapitre II : étude du rôle de SIRT1 dans la réponse au

stress RE des cardiomyocytes

I. Contexte de l’étude

L’objectif actuel des recherches sur le stress RE dans le domaine cardiovasculaire a pour but non pas d’inhiber ce stress mais plutôt de le moduler de manière à conserver les réponses bénéfiques adaptatives et à limiter le déclenchement de l’apoptose délétère. Nous avons ainsi émis l’hypothèse que SIRT1, déacétylase connue pour être activée en réponse à de nombreux stress cardiaques et pour jouer un rôle cardioprotecteur, serait activée par un stress RE et permettrait de limiter le déclenchement de l’apoptose.

Au commencement de ma thèse, un certain nombre d’indices nous ont permis d’émettre cette hypothèse :

 Tout d’abord, SIRT1 est une protéine activée en réponse à de nombreux stress, dont beaucoup peuvent conduire à un stress RE tels que la restriction calorique, le stress oxydant ou encore l’hypoxie.

 D’autre part, un lien entre le stress RE et le Resveratrol, considéré comme un activateur de SIRT1 avait été établi (Park, Woo et al. 2007, Yoon, Kwon et al. 2011). Bien que cette molécule ne soit pas un activateur direct et spécifique de SIRT1 mais plutôt une molécule aux effets pléiotropes, on peut penser qu’une partie des effets induits par le Resveratrol sur le stress RE serait liée à SIRT1.

 Il avait également été montré que le MiR 199a-5p, connu pour inhiber l’expression

de SIRT1, inhibe également l’expression de la chaperonne GRP78, membre clé de la réponse UPR (Rane, He et al. 2009, Su, Chang et al. 2013). De plus, l’expression des MiR 199a-5p et Mir34a (régulant lui aussi l’expression de SIRT1) est diminuée lors d’un stress RE (Duan, Wang et al. 2012, Upton, Wang et al. 2012).

 D’autres auteurs avaient mis en évidence que l’inhibition de CK2 (Casein Kinase

2), connue pour phosphoryler et ainsi activer SIRT1 (Kang, Jung et al. 2009), induit un stress RE aboutissant à l’apoptose (Hessenauer, Schneider et al. 2011). Nous avons donc développé différentes approches et différents modèles nous permettant d’étudier le rôle de SIRT1 dans la réponse au stress RE des cardiomyocytes.

II. Principaux résultats obtenus

Nos travaux sont les premiers à démontrer que SIRT1 joue un rôle cardioprotecteur dans la réponse au stress RE et ont permis d’identifier une nouvelle cible de SIRT1 permettant la régulation de la voie UPR. Par des approches in vitro et in vivo nous avons mis en évidence dans les cellules cardiaques que :

1. l’expression et l’activité de SIRT1 sont augmentées en réponse au stress RE délétère 2. l’inhibition pharmacologique, l’extinction ou l’invalidation de SIRT1 augmente

l’apoptose des cardiomyocytes

3. l’activation de SIRT1 par le STAC3 protège les cardiomyocytes de la mort cellulaire induite par le stress RE

4. SIRT1 régule spécifiquement l’activation de la branche PERK de la voie UPR en réponse au stress RE

5. eIF2α est une cible de SIRT1 dans la branche PERK et l’acétylation des résidus lysine K141 et K143 est régulée par cette déacétylase

III. Discussion des résultats et perspectives

A. Régulation de l’expression et de l’activité de SIRT1 en réponse

au stress RE

Il a été démontré que l’expression de SIRT1 est augmentée dans un modèle d’insuffisance cardiaque chez le chien et chez le hamster (Alcendor, Kirshenbaum et al. 2004, Tanno, Kuno et al. 2010), mais les mécanismes régulant cette expression de SIRT1 n’ont pas été décrits. Dans notre étude, nous avons montré que l’expression de SIRT1 est augmentée en réponse au stress RE dans les cellules cardiaques. Puisque le stress RE est associé au développement de la plupart des pathologies cardiaques, il pourrait être responsable de l’augmentation de l’expression de SIRT1 dans le cœur au cours de l’insuffisance cardiaque. Dans une autre étude, il a été mis en évidence qu’ATF4, facteur de transcription activé au cours du stress RE, régule l’expression de SIRT1 (Zhu, Xia et al. 2012). D’autre part, les Micro ARN MiRs 199 et 34a, tous deux connus pour diminuer la traduction de l’ARNm de SIRT1, ont une expression diminuée lors d’un stress RE (Rane, He et al. 2009, Duan, Wang et al. 2012, Upton, Wang et al. 2012). Dans le cœur, l’expression de SIRT1 pourrait donc être augmentée

par ATF4 ou par la diminution des Mirs 199 et 34a en réponse au stress RE. Nous pourrions donc envisager la quantification de ces deux MiR en réponse au stress RE dans nos modèles d’étude.

En ce qui concerne l’activité de SIRT1, il est connu qu’une augmentation de la

disponibilité en NAD+, le cofacteur de SIRT1, induit une augmentation importante de

l’activité déacétylase de cette protéine. Il apparait donc intéressant de quantifier le NAD+ en

réponse au stress RE, afin de déterminer si l’activation de cette sirtuine est liée à l’augmentation de son cofacteur. D’autre part, il a été démontré que JNK ou CK2 peuvent phosphoryler SIRT1, stimulant ainsi son activité déacétylase (Kang, Jung et al. 2009, Nasrin, Kaushik et al. 2009). Puisque ces kinases sont activées en réponse au stress RE (Urano, Wang et al. 2000, Ampofo, Sokolowsky et al. 2013) elles pourraient être responsables de l’activation de SIRT1 observée dans notre modèle. D’autres kinases, capables d’activer SIRT1 par phosphorylation, pourraient également être impliquées telles que CAMKII (Wen, Chen et al. 2013), DYRK1A et DYRK3 (Guo, Williams et al. 2010), CDK5 (Bai, Liang et al. 2012) ou encore PKA (Gerhart-Hines, Dominy et al. 2011)Afin de déterminer l’implication de ces kinases dans l’activation de SIRT1 en réponse au stress RE dans les cellules cardiaques, nous mesurerons l’acétylation des cibles de SIRT1 (p53 et histone 1) et l’apoptose en réponse à TG et TN, en présence ou en absence d’inhibiteurs de ces différentes kinases. Si l’une de ces kinases est responsable de l’activation de SIRT1 en réponse au stress RE, l’inhibiteur correspondant devrait bloquer la déacétylation des cibles de SIRT1 et augmenter l’apoptose. Ce travail, concernant l’activation de SIRT1 par le NAD+ ou par les différentes

kinases, fait actuellement l’objet d’un stage de master 2.

B. Rôle cardioprotecteur de SIRT1 dans l’apoptose induite par le

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