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Chapitre I : Mise en contexte générale

1.2. Les systèmes pulmonaire et immunitaire et leur implication en contexte

1.2.3. Réponse pulmonaire à la fumée de cigarette de tabac

1.2.3.1. Stress oxydatif

Il a été démontré dans la plupart des études effectuées chez l’humain et l’animal qu’une exposition aiguë à la FC entraine une augmentation du stress

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oxydatif presque instantanément au niveau pulmonaire [23, 80]. Cela est entre autres dû à la génération de ROS lors de la combustion de la FC [83, 84]. Cette dernière est également une source d’aldéhydes extrêmement réactifs qui sont générés par la peroxydation des lipides, soit l’oxydation de lipides insaturés [14]. Ce phénomène endogène, en plus des réactions produites par les ROS, génère beaucoup d’OxPLs [15]. De plus, ces aldéhydes réactifs peuvent générer des adduits avec des groupements provenant de protéines ou de lipides. Ces réactions de combinaison entrainent la formation d’OSE reconnus par différents récepteurs

immuns [38] générant une réponse immunitaire (voir Section 1.2.3.3). Suite à cette

peroxydation, on retrouve entre autres de la phosphocholine à la surface de la PC

oxydée (OxPC), du 1-palmitoyl-2-arachidonyl-sn-glycero-3-phosphorylcholine

oxydé (OxPAPC), des Thiobarbituric Acid Reactive Substances (TBARS) et du

malondialdéhyde (MDA) qui forment des néoépitopes sur les cellules apoptotiques

et les molécules d’OxLDL [23, 38]. D’ailleurs, la chaine d’acide gras polyinsaturé en

sn-2 de la PC est susceptible à l’oxydation, générant du MDA, un marqueur très réactif de stress oxydatif [38].

De ce fait, le stress oxydatif est très important dans les poumons de fumeurs et il engendre des dommages entre autres aux cellules épithéliales bronchiques et aux macrophages alvéolaires ainsi que leur apoptose [7, 9], affectant l’immunité innée pulmonaire chez ces sujets [9]. Trois processus sont impliqués dans les dommages oxydants causés au poumon par la FC, soit 1) l’interaction directement avec les constituants toxiques de la cigarette, 2) l’interaction avec des produits réactifs dérivés de la FC et 3) des réactions se produisant suite à l’activation de la réponse immunitaire par les deux premiers processus [23]. Ces dommages aux cellules concernent notamment les protéines et lipides membranaires ou intracellulaires et l'acide désoxyribonucléique (ADN) [23, 85].

L’exposition à ces oxydants augmente aussi l’expression de gènes pro- inflammatoires et activent des voies proapoptotiques [23, 85], et ce, tout dépendamment de la dose des ROS. En effet, à des doses physiologiques, les ROS

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jouent le rôle de second messager dans plusieurs voies de signalisations intracellulaires [59, 86]. Par contre, à plus fortes doses, à l’extérieur des cellules, les antioxydants ne sont plus suffisants pour les contrer (débalancement oxydant/antioxydant). Le stress oxydatif ainsi généré est connu pour être un inducteur de l’immunité innée et d’inflammation. Par exemple, il peut entrainer l’activation des macrophages [85], ce qui provoque entre autres la production accrue de protéases et l’inactivation d’inhibiteurs de protéases (ex. : alpha-1-antitrypsine). Le débalancement protéase/antiprotéase résultant est impliqué dans l’emphysème [23, 85]. Ce stress peut aussi favoriser la sécrétion de médiateurs inflammatoires qui entrainent le recrutement de neutrophiles et la sécrétion d’oxydants et de protéases par ces cellules (voir Sections 1.2.3.2. et 1.2.3.4.) [85]. D’ailleurs, la charge oxydative pulmonaire générée par la FC est exacerbée par le recrutement de leucocytes. Chez les fumeurs, les macrophages alvéolaires activés relarguent effectivement une quantité importante de ROS qui s’ajoutent au stress oxydatif induit directement par l’inhalation de la FC [23]. Cela dit, l’augmentation du stress oxydatif pulmonaire est une composante centrale dans la pathogenèse de la MPOC [7, 33].

De par sa nature chimique réactive [14], l’inhalation de FC est également responsable de l’oxydation des constituants du surfactant pulmonaire [14, 15, 63]. En effet, vu sa localisation, c’est-à-dire directement en contact avec l’air inhalé, le surfactant pulmonaire est susceptible aux altérations suite à son exposition à des agents pathogènes ou son oxydation [64] par différents agents dont la FC [62, 63, 87]. En effet, les doubles liaisons des chaines d’acides gras des PLs du surfactant sont susceptibles aux attaques oxydatives enzymatiques et environnementales [64], entrainant leur clivage [9]. L’oxydation de tels lipides par la FC interfère avec la fonction normale du surfactant [14, 62, 63] en diminuant la quantité de lipides fonctionnels et en modifiant la proportion de ceux-ci (diminution du DPPC, augmentation des PEs et SMs), ce qui altère sa capacité à diminuer la tension de surface à l’interface air-liquide [62, 63]. De plus, les PLs du surfactant sont considérés depuis peu comme des molécules bioactives. Suite au remodelage de leurs chaines insaturées par le stress oxydatif causé biologiquement ou

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chimiquement par l’air inhalé, ils deviennent des néo-lipides agissant comme biosenseurs ou seconds messagers impliqués dans la régulation de l'inflammation et des réactions immunitaires au niveau pulmonaire [64].

La nature chimique et hautement réactive de la cigarette est également visualisée au niveau moléculaire. En effet, en contexte tabagique, on observe l’activation de certaines voies dont celles impliquées dans la défense contre le stress oxydatif et la détoxification des xénobiotiques, des molécules chimiques polluantes, provenant souvent d’un procédé de combustion. Cette étude a aussi identifié une nouvelle réponse pulmonaire induite par la FC, conservée chez les humains et la souris, soit l’induction de mécanismes impliqués dans le métabolisme des PLs (voir ici-bas) [88]. Une autre étude a rapporté une expression génique différentielle dans le groupe fumeur lors des processus biologiques suivants, soit les réponses à la chaleur, aux protéines mal repliées ainsi que les réponses immunitaires/inflammatoires compromettant la protection de l’organisme contre la chaleur, l’hypoxie, les radicaux libres, les oxydants et les pathogènes [89].

1.2.3.1.1. Débalancement de l’homéostasie lipidique pulmonaire

D’un point de vue du métabolisme lipidique pulmonaire, la FC, en induisant des dommages oxydatifs au surfactant pulmonaire, entraine rapidement une accumulation de lipides à l’intérieur des macrophages alvéolaires, ces derniers augmentant progressivement en taille et en complexité, un phénotype qui persiste suite à l’arrêt tabagique [40]. Cette accumulation sous forme de gouttelettes lipidiques intracellulaires et l’augmentation de taille des macrophages subséquente est observable chez les rongeurs exposés à la FC [40, 90] et chez les sujets fumeurs [91, 92], rappelant les cellules spumeuses retrouvées dans l’athérosclérose (voir Section 1.1.3.2.) [34, 38, 43, 44]. Ce débalancement dans l’homéostasie du surfactant pulmonaire provient du fait que l’oxydation de ses constituants a pour conséquence d’activer des mécanismes de recyclage et de dégradation des lipides endommagés [66], une fonction remplie par les macrophages pulmonaires et les pneumocytes de type II. En effet, en réponse aux dommages causés par les agents

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oxydants contenus dans la FC, les pneumocytes de type II synthétisent de novo du surfactant afin de remplacer la mince couche altérée. Parallèlement, les lipides oxydés sont dégradés par les macrophages alors que les pneumocytes de type II sont impliqués dans leur recyclage [64]. Rapidement, les mécanismes d’export lipidique du macrophage semblent toutefois surpassés par cet excès de lipides endommagés vu l’accumulation de lipides et de l’augmentation de leur taille [40].

De ce fait, l’homéostasie lipidique pulmonaire dépend du transport lipidique réalisé par les macrophages grâce à différents récepteurs. À cet effet, plusieurs récepteurs sont capables de capturer des lipides oxydés, dont MSR-1, MARCO (MAcrophage Receptor with COllagenous structure) et CD36 [93, 94]. Par exemple, l’attachement du OxLDL au récepteur CD36 induit une accumulation de lipides dans les macrophages régulée par PPARγ (peroxisome proliferator-activated receptor γ) [95] ainsi qu’une réponse inflammatoire [38]. Pour l’OxPC, la reconnaissance et l’attachement sont en partie médiés par le groupement phosphocoline à sa surface. D’ailleurs, l’anticorps naturel T15/E06 spécifique à la PC inhibe l’attachement au CD36 de certains lipides oxydés contenant de la PC [38]. Concernant l’export lipidique, deux transporteurs transmembranaires de la famille des ATP-Binding Cassette (ABC), soit ABCA1 et ABCG1 sont impliqués et régulés par des récepteurs nucléaires dont PPARγ. L’export via ces transporteurs se fait majoritairement vers des lipoprotéines à haute densité, qui, une fois dans la circulation sanguine, se dirigent vers le foie afin de recycler ou d’excréter les lipides via la bile [70].

De plus en plus d’études font le lien entre le débalancement de l’homéostasie lipidique pulmonaire et l’induction d’une réponse inflammatoire [64, 96]. En effet, l’oxydation des lipides du surfactant par la FC est désormais un mécanisme pathogénique connu pour être en grande partie responsable de l’induction de la réponse inflammatoire innée qui lui est associée. D’ailleurs, il a été démontré, dans un modèle murin d’exposition à la FC, que l’accumulation de lipides intracellulaires déclenche un processus inflammatoire initié par la sécrétion d’IL-1α par les macrophages pulmonaires qui stimule à son tour la production de Granulocyte-

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Macrophage Colony-Stimulating Factor (GM-CSF) par les cellules épithéliales bronchiques. Ce facteur de croissance hématopoïétique [40, 97] joue un rôle clé dans l’activation des voies impliquées dans le métabolisme des lipides [98], entre autres en activant les macrophages qui ont besoin d'être matures et immunocompétents afin d’exécuter leur rôle de cataboliseur [64]. Pour sa part, l’IL- 1α, en plus de jouer un rôle clé dans le maintien de l'homéostasie du surfactant en stimulant la production de GM-CSF, semble être une molécule pro-inflammatoire importante puisqu’en son absence (souris knock-out), le recrutement de monocytes et surtout de neutrophiles est diminué. Cela dit, la neutrophilie dépendante de l’IL- 1α induite par l’exposition à la FC peut être reproduite par l’injection locale (intranasale) de lipides oxydés (OxLDL humain). Ce résultat porte à croire que les lipides bioactifs générés suite à une exposition à la FC peuvent induire ce qui devient à long terme de l’inflammation chronique. En effet, suite à l’introduction d’OxLDL humain au poumon, des caractéristiques classiques d’une exposition à la FC sont imitées, soit l’accumulation lipidique dans les macrophages, la production d’IL-1α et de GM-CSF ainsi que le recrutement de neutrophiles [40].