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Impact d’une immunisation au OxLDL sur les altérations fonctionnelles et

Chapitre III : Discussion générale

3.1. Impact d’une immunisation au OxLDL sur les altérations fonctionnelles et

altérations

fonctionnelles

et

structurelles

pulmonaires induites par la FC

Puisque les résultats les plus intéressants et à la fois les plus surprenants concernent l’impact de l’immunisation au OxLDL sur les fonctions pulmonaires des souris, la prochaine section de la discussion se concentrera principalement à élaborer sur les résultats du FlexiVent® provenant de l’article inséré. En effet, notre laboratoire utilise cet appareil afin de mesurer l’altération des propriétés fonctionnelles pulmonaires connue pour être causée par une exposition à la FC chez le modèle murin. Dans le cas présent, les différents groupes expérimentaux ayant reçu ou non l’immunothérapie et ayant été exposés à la FC ou à l’air ambiant pendant 8 semaines ont été utilisés lors de cette procédure terminale.

Tel qu’attendu dans un modèle préclinique, l’exposition à la FC subchronique a eu pour effet d’augmenter la capacité pulmonaire totale (et donc la capacité inspiratoire) et la compliance ainsi que de réduire la résistance [81, 127] et l’élastance pulmonaire [82, 128]. De manière intéressante, l’immunisation au OxLDL à elle seule a entrainé des effets similaires chez les souris exposées à l’air ambiant. De plus, étonnamment, les souris ayant été immunisées préalablement à l’exposition à la FC n’ont pas démontré de changements additionnels au niveau de leurs fonctions pulmonaires, laissant les souris immunisées exposées à l’air ambiant et celles exposées à la FC avec des fonctions pulmonaires similaires. Ces constats ont été observés pour la compliance, la résistance, la résistance newtonienne, l’amortissement tissulaire et l’élastance tissulaire.

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Par exemple, l’augmentation de la compliance, un indicateur de la souplesse du poumon qui correspond à l’inverse de l’élastance, dans ces différents groupes suggère une altération du parenchyme pulmonaire et plus particulièrement de la structure élastique de la matrice extracellulaire [82]. D’ailleurs, les résultats obtenus pour l’élastance tissulaire, reflétant le recul élastique des poumons (elastic recoil), vont dans ce sens également. En effet, la diminution de l’élastance tissulaire dans ces mêmes groupes implique probablement une perte du recul élastique, soit de la force de rappel élastique fournie par les fibres élastiques de la matrice extracellulaire qui permet habituellement aux voies aériennes de demeurer ouvertes et au poumon de reprendre sa forme initiale suite à une déformation [26, 34]. D’ailleurs, cette perte de recul élastique du tissu pulmonaire est la principale conséquence de l’emphysème [34, 129]. À l’inverse, en présence de fibrose pulmonaire, l’augmentation du recul élastique observé fait en sorte que le diamètre des voies aériennes est augmenté en raison d'une plus grande traction radiale vers l'extérieur

exercée sur les bronches par le parenchyme pulmonaire rigidifié. [34]. Pour sa part,

la diminution de la résistance, un paramètre reflétant le niveau de constriction de l’ensemble des voies aériennes (incluant le parenchyme et la cage thoracique), signifie qu’un flot d’air augmenté passe dans les différentes voies respiratoires qui sont élargies. L’absence d’impact sur la résistance newtonienne reflètent quant à elle que les grosses voies de conduction (celles qui ne sont pas impliquées dans les échanges gazeux) possèdent un calibre de taille habituelle. Ces résultats vont dans le même sens que l’amortissement tissulaire qui est d’ailleurs étroitement relié à la résistance tissulaire [117].

Concernant ces résultats obtenus à l’aide du FlexiVent® (voir Figure 2.3), en raison de l’absence de différences significatives entre certains groupes lors de l’analyse statistique ANOVA à un facteur suivi de tests de comparaison multiple de Tuckey, des tests de Student non-appariés bilatéraux supplémentaires ont été effectués. Les résultats de ces t-tests comparant deux groupes l’un à l’autre soulèvent la possibilité d’une réelle différence statistiquement significative entre ces groupes étant donné les valeurs très près du seuil de significativité obtenues. En

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effet, on peut supposer qu’avec un échantillonnage plus grand (10 souris au lieu de 5), les différences obtenues auraient été significatives ou du moins que l’absence de significativité aurait été plus franche qu’elle ne l’est présentement.

Pour ce qui est des résultats des P-V loop, tel qu’attendu, la courbe correspondant à l’exposition à la FC seule est déplacée vers le haut et la gauche correspondant à une augmentation de l’extensibilité des poumons comparativement au groupe exposé à l’air ambiant [81]. Par contre, la courbe correspondant à l’immunisation suivie d’une exposition à la FC est encore plus déplacée vers le haut et la gauche, ce qui implique que pour une même pression d’air insufflé, le poumon des souris ayant reçu l’immunothérapie et ayant fumé se gonflait davantage (volume augmenté). Encore une fois, cela peut traduire un endommagement du parenchyme pulmonaire (poumon moins rigide). D’ailleurs, la forme de la P-V loop est connue pour être diagnostique d’une variété d’anormalité du parenchyme pulmonaire [130].

Afin d’identifier des éléments de réponse pouvant expliquer les changements fonctionnels causés par l’immunisation au OxLDL, nous avons investigué son impact sur la structure microscopique ainsi que sur l’expression de gènes clés codant pour des protéines de la matrice ou reliés à celle-ci. En effet, bien que la mesure des fonctions pulmonaires offre une bonne sensibilité pour détecter des changements minimes significatifs [117], cette procédure est moins sensible que l’analyse par histologie ou par morphométrie. Les analyses morphométriques, comme la quantification de l’interception linéaire moyenne (mean linear intercept), sont effectivement utilisées pour déterminer la présence et la sévérité d’un phénotype de MPOC, surtout l’emphysème, chez les modèles animaux étant donné que leur valeur corrèle positivement avec les changements histopathologiques classiques de l’emphysème. Toutefois, pour des raisons techniques, nous avons décidé de ne pas réaliser cette analyse histologique plus poussée, d’autant plus qu’une exposition chronique de 6 mois est généralement nécessaire pour induire des changements morphologiques caractéristiques de la MPOC chez les modèles animaux et que ces changements sont habituellement beaucoup plus subtils que chez l’homme [81].

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Selon les images microscopiques obtenues, la morphologie générale du poumon est similaire à l’œil nu entre les groupes ayant reçu l’immunothérapie ou le véhicule, fumeurs ou non. Ce résultat est explicable par le fait que des changements structurels ne sont observables qu’après une exposition plus prolongée à la FC [82, 124].De plus, aucun changement inflammatoire dû à l’immunisation n’a été observé. En ce sens, les TLTs ne sont pas visibles dans le parenchyme après 8 semaines [107]. Avec ce protocole, il est donc impossible de déterminer l’impact de l’immunothérapie sur l’histologie pulmonaire en contexte tabagique étant donné que le tabac lui-même n’a pas eu d’impact visible à ce niveau au cours de cette période de 8 semaines. Par conséquent, de plus amples analyses seraient nécessaires.

En ce qui concerne l’expression des gènes clés codant pour des protéines de

la matrice ou reliés à celle-ci, les variations observées entre les groupes ayant reçu l’immunothérapie seule ou l’immunothérapie combinée à une exposition à la FC ne sont pas similaires. En effet, l’exposition à la FC seule ou suivant l’administration de l’immunothérapie entraine une augmentation de l’expression de ssp1 (ostéopontine), une diminution de l’expression de l’acta2 (actine alpha 2 du muscle lisse) et du col3a1, mais aucun effet sur le col1a1 (chaine alpha 1 du collagène de type 3 et I respectivement) ou le ctgf (facteur de croissance du tissu conjonctif). Pour sa part, l’immunothérapie seule n’entraine aucune variation d’expression de ces gènes suggérant que ceux-ci ne puissent être associés à l’altération des fonctions pulmonaires tant chez les souris immunisées que celles exposées à la FC.

Une hypothèse pour expliquer l’ensemble de ces résultats est que l’impact de l’immunothérapie seule sur les fonctions pulmonaires provient possiblement d’une atteinte de l’intégrité du parenchyme pulmonaire et plus particulièrement des fibres élastiques matricielles (voir Section 3.3.), et ce, de la même façon que l’exposition à la FC affecte progressivement les composantes de la matrice extracellulaire [101, 113]. En effet, lors de la progression vers l’emphysème, des protéases telles que la neutrophile élastase et les MMPs sont augmentées dans les poumons de fumeurs dues à un nombre élevé de neutrophiles et de macrophages activés [38, 72, 110-

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112]. Vu la structure alvéolaire ainsi fragilisée, le recul élastique pulmonaire est réduit et le volume fonctionnel augmenté [113]. Cela explique comment l’exposition à la FC de 8 semaines de cette étude, où l’on retrouve davantage de cellules inflammatoires, en particulier des neutrophiles, et des médiateurs chimiques augmentés, serait responsable de l’endommagement du parenchyme pulmonaire d’un point de vue microscopique. D’ailleurs, les résultats histologiques vont en ce sens puisqu’on observe aucune différence visible sur les images entre les groupes de souris ayant été exposés à la FC ou à l’air ambiant, mais une augmentation d’expression des niveaux d’ostéopontine, connue pour être présente dans le tissu osseux, mais également exprimée par les macrophages, les cellules endothéliales et épithéliales et intervenant entre autres dans l'inflammation en favorisant le recrutement local de leucocytes [131]. De plus, on observe également une diminution de l’expression d’un des constituants majeurs contribuant à la contraction des muscles lisses, en particulier ceux vasculaires, soit l’acta2 [132] ainsi qu’une diminution d’expression de col3a1, tous deux suggérant un début de remodelage. Toutefois, à ce stade, la FC n’entraine pas encore une augmentation significative de facteurs de croissance tel le ctgf, qui en interagissant avec les composantes de la matrice extracellulaire, peut médier la déposition de collagène permettant la guérison tissulaire [133].

Dans le cas de l’immunothérapie, le mécanisme par lequel l’injection intrapéritonéale d’OxLDL peut avoir cet effet sur le parenchyme pulmonaire demeure toutefois inconnu. En effet, seule une administration d’OxLDL humain intranasale, donc localement au poumon, a entrainé un effet pulmonaire reproduisant des caractéristiques classiques d’une exposition à la FC, soit l’accumulation lipidique dans les macrophages, la production d’IL-1α et de GM-CSF ainsi que le recrutement de neutrophiles [40]. Dans l’étude actuelle, lors de l’administration intrapéritonéale d’OxLDL, un tel effet pulmonaire inflammatoire n’a pas été observé. Cela laisse supposer que les effets pulmonaires du OxLDL ne proviendraient pas directement de la présence de ce composé dans le tissu pulmonaire. Par contre, une autre hypothèse est que l’injection de telles

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lipoprotéines ayant une composition différente de celles retrouvées naturellement chez la souris ait pu impacter la composition du surfactant pulmonaire qui y est sensible [64]. En effet, la synthèse de novo du surfactant par les pneumocytes de types II est faite entre autres à partir de substrats provenant de la circulation [63, 66]. Ainsi, une modification de la proportion de PC de type DPPC par exemple pourrait avoir un impact sur les propriétés de tension de surface du surfactant puisqu’il s’agit de la composante tensioactive principale [62-65]. D’ailleurs, similairement, l’exposition à la FC peut entrainer des dommages au surfactant et modifier ses propriétés fonctionnelles [9]. Toutefois cette hypothèse, bien que plausible, n’expliquerait pas à elle seule, les changements significatifs au niveau de l’élastance, la résistance et les PV-loop puisqu’elles sont davantage caractéristiques d’une atteinte du parenchyme pulmonaire total et non uniquement d’une atteinte alvéolaire où se trouve le surfactant pulmonaire.

Dans un autre ordre d’idée, étant donné que l’altération des propriétés fonctionnelles pulmonaires des animaux immunisés contre l’OxLDL n’a pas été

exacerbée par l’exposition à la FC subséquente, une autre hypothèse possible est

que les anticorps produits en réponse à l’immunisation aient prévenu l'interaction entre les protéines/espèces lipidiques oxydées par la FC et les cellules épithéliales pulmonaires, en facilitant leur élimination. Par conséquent, ces anticorps auraient prévenu la formation de dommages épithéliaux directs et la perte progressive dans les fonctions pulmonaires associée à la FC. En effet, les protéines/lipides oxydées

sont bien connues pour leurs effets néfastes sur les cellules épithéliales [7, 9].

Toutefois, cette explication n’exclut pas les autres hypothèses précédentes étant donné que cette dernière hypothèse explique uniquement l’absence d’effets additifs entre l’immunisation au OxLDL et l’exposition à la FC. Cependant, il ne faut pas oublier que le protocole d’immunisation à lui seul a eu un impact, via un mécanisme inconnu, sur les fonctions pulmonaires des animaux exposés à l’air ambiant. Cela dit, nous ne croyons pas que cet impact soit de nature pathologique, puisque, comparativement à la FC, aucune réponse inflammatoire pulmonaire, généralement associée à un dommage, n’a été observée dans les poumons des souris

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immunisées et exposées à l'air ambiant. Face à ces résultats, d'autres recherches seront nécessaires afin de comprendre globalement l'impact de l’immunisation contre les OxLDLs sur la structure et la physiologie pulmonaires.