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normales et pathologiques

III. Pathologies liées à la perte de contrôle de l’état rédox, du cycle cellulaire et de l’apoptose

1. Les stress ischémiques et hypoxiques

Les accidents vasculaires cérébraux sont une cause importante de mortalité dans les pays industrialisés et sont, la plupart du temps, d’origine ischémique. Une ischémie cérébrale survient lorsqu’un obstacle, comme un caillot sanguin, bloque la circulation sanguine et empêche le sang d’irriguer une partie du cerveau (figure 28). Les cellules qui ne sont plus irriguées par le sang ne reçoivent plus l’apport normal en oxygène et subissent une hypoxie. Si la réduction de l’apport

sanguin est suffisamment sévère ou prolongé, le territoire hypoperfusé est détruit, ce qui constitue un infarctus cérébral. Parce que les cellules nerveuses sont les plus sensibles à l’hypoxie, la localisation et la taille de l’infarctus déterminent la nature et la sévérité des conséquences du point de vue neurologique. Les processus mis en jeux lors d’une ischémie cérébrale sont complexes et sont l’objet de nombreuses recherches.

Figure 28 : L’occlusion d’une artère intracérébrale entraîne, dans un premier

temps la mort par nécrose des cellules privées de sang. Dans un second temps, la perte des cellules nerveuses se propage à une zone plus importante appelée pénombre. La mort par apoptose secondaire, due à l’absence d’oxygène dans la pénombre, augmente fortement la zone du cerveau affectée lors d’un accident vasculaire cérébral. D’après Pollard et Earnshaw, 2004.

Figure 29 : Interaction entre les espèces réactives de l’oxygène (ROS) et de l’azote (RNS). D’après Brown et

Borutaite, 2006.

L’hypoxie tissulaire conduit à une augmentation du taux de protéine HIF-1α (pour hypoxia inducible factor-1α), un facteur de transcription qui induit l’expression de nombreux gènes. L’expression du facteur de croissance VEGF (pour vascular endothelial growth factor), de l’érythropoiétine ou d’enzymes intervenant dans la glycolyse, comme la GAPDH (pour glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase), augmente suite à une hypoxie. Ces facteurs sont chargés de s’opposer à l’ischémie en favorisant la vascularisation (VEGF), la maturation des érytrocytes (érythropoiétine) ou l’apport énergétique (GAPDH). Inversement, HIF-1α est impliqué

impliquées dans l’apoptose, comme la NO synthase inductible (iNOS) (figure 29), la protéine pro- apoptotique Bnip3 (ou Nip3) de la famille Bcl-2 (Bruick, 2000) ou la caspase 9 (Nishiyama et al, 2001). Récemment, Van Hoecke et al (2007) ont montré que les niveaux d’expression de HIF-1α et de la procaspase 3 augmentent suivant un profil similaire en réponse à une ischémie. Le promoteur du gène de la procaspase 3 possède un site spécifique de liaison du facteur de transcription HIF-1α (Van Hoecke et al, 2007). Ces résultats montrent une relation causale entre HIF-1α et l’induction de la caspase 3 par l’activation transcriptionnelle du gène de la procaspase 3 par HIF-1α.

L’induction de la protéine iNOS est à l’origine d’une cascade d’événements débutant par la production en excès d’oxyde nitrique (NO) et aboutissant à la mort cellulaire par apoptose. La réaction entre le NO et O2•- génère du peroxynitrite, très réactif (Kikugawa et al, 2004), qui oxyde

les constituants cellulaires et entraîne une diminution du potentiel de membrane mitochondrial (figure 29). Comme nous l’avons vu au début de la deuxième partie, la chute du potentiel membranaire engendre une production accrue d’anion superoxyde et de ROS. La voie mitochondriale de l’apoptose est activée, la cascade d’événements décrite dans la première section se produit et la cellule meurt par apoptose (Nomura, 2004).

Au contraire des neurones, qui sont particulièrement sensibles à l’hypoxie, les cellules gliales possèdent une certaine tolérance à de tels stress. Différents travaux rapportent que le pré- conditionnement hypoxique ou ischémique induit une relative neuroprotection contre une hypoxie ou ischémie ultérieure qui aurait eu des effets dramatiques sur le tissu nerveux (Liu et al, 1992). Cet effet bénéfique sur le cerveau passe par la régulation de l’expression de différents gènes (Abe et Nowak, 1996). En réponse à une hypoxie, l’expression de la PDI est régulée positivement dans les cellules gliales. La PDI protège les cellules et serait partiellement impliquée dans l’acquisition de la tolérance aux stress ischémiques. L’expression de l’ubiquiline, identifiée comme une protéine qui interagit avec la PDI dans le réticulum endoplasmique, augmente également sous l’effet de l’hypoxie. La co-expression de la PDI et de l’ubiquiline dans des cellules de neuroblastome entraîne une plus grande résistance à l’apoptose induite par l’hypoxie que l’expression de la PDI ou l’ubiquiline seule, suggérant leur coopération dans l’induction de la tolérance à l’hypoxie (Ko et al, 2002). Une hypoxie transitoire courte n’entraîne pas de dommages neuronaux mais induit une augmentation progressive et maintenue de l’expression des protéines hème oxygénase-1 (HO-1) et MnSOD (Garnier et al, 2001). Ces deux enzymes possèdent des effets protecteurs contre les dommages d’une ischémie cérébrale (Panahian et al, 1999). Ces résultats montrent qu’une hypoxie transitoire augmente les défenses enzymatiques anti-oxydantes du cerveau qui sont capables d’augmenter la tolérance des neurones aux stress suivants. L’activation des astrocytes dans ces conditions montre qu’une hypoxie transitoire est capable d’initier la réaction des cellules gliales.

Etant donné que les astrocytes activés sont impliqués dans les défenses antioxydantes du cerveau, la réaction des astrocytes pourrait également représenter une réponse adaptative du cerveau aux stress oxydants induits par hypoxie (Garnier et al, 2001). Les cellules endothéliales cérébrales (CEC), formant la barrière hémato-encéphalique (BBB, pour blood-brain barrier), pourraient participer de la même manière au pré-conditionnement du cerveau contre les stress ischémiques. En effet, une augmentation de l’expression de HO-1 et MnSOD est observée dans ces cellules sous l’effet d’un faible stress oxydant (Méthy et al, 2004).

Les épisodes d’ischémie/reperfusion

Lorsque l’origine d’une ischémie ou d’une hypoxie disparaît (dissolution du caillot sanguin, par exemple), des dommages surviennent lorsque le sang afflue à nouveau. En effet, les cellules reçoivent brutalement une grande pression en O2 qui entraîne la production de O2•- par différents

complexes enzymatiques précédemment mentionnés. La reperfusion est connue pour exacerber la production de ROS par les cellules, en commençant par les cellules endothéliales cérébrales, qui possèdent une forte expression de xanthine oxydase et de NADPH oxydase. Les pores de perméabilité transitoire mitochondriaux restent fermés pendant une ischémie cardiaque mais s’ouvrent pendant la reperfusion et déclenchent l’activation des caspases et de l’apoptose (Griffiths et Halestrap, 1995).

Stress oxydants et cycle cellulaire

Comme dans les autres tissus, le cycle cellulaire est hautement régulé dans le système nerveux central. Les précurseurs neuronaux se divisent pour produire les neurones nécessaires et ceux en excès sont éliminés par apoptose sélective. Une fois que les cellules nerveuses ont atteint le stade de différentiation terminale, elles ne peuvent plus se diviser et entrer dans le cycle cellulaire. L’idée que les stress oxydants puissent activer le cycle cellulaire n’est pas intuitive. Nous l’avons vu, l’augmentation des ROS endommage l’ADN puis induit un arrêt du cycle cellulaire. Cependant, différents travaux ont montré qu’une ischémie cérébrale transitoire induit l’activation de protéines mitotiques (Wen et al, 2004). Les neurones des personnes ayant subi un infarctus cérébral ou un arrêt cardiaque présentent des niveaux élevés de cycline D1 de CDK2 et de moindre importance de CDK4 (Love, 2003). Ces résultats indiquent que l’ischémie cérébrale induit l’entrée de certains neurones de la phase G0 à la phase G1 du cycle cellulaire, et suggèrent un rôle thérapeutique