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La régulation de l’expression génique induite par les stress oxydants

normales et pathologiques

I. Les mécanismes de régulation de l’état d’oxydoréduction cellulaire

4. La régulation de l’expression génique induite par les stress oxydants

Bien que les espèces réactives de l'oxygène soient la plupart du temps le déclencheur de dommages causés aux structures biologiques, il est maintenant admis que des concentrations physiologiques faibles et même anormalement élevées de ROS peuvent réguler de nombreux processus. Les ROS, et en particulier H2O2, sont des messagers secondaires impliqués dans la

signalisation cellulaire (Stone et Yang, 2006). Ces mécanismes interviennent dans la réponse immunitaire, l'adhérence cellule-cellule, la prolifération cellulaire, l'inflammation, le métabolisme, la sénescence ou l’apoptose. Ainsi, la régulation de l'expression génique par l'état rédox apparaît fondamentale dans la Biologie cellulaire (revues de Suzuki et al, 1997 ; Kamata et Hirata, 1999).

Figure 22 : Modulation de l’activité des protéines par leur état rédox. D’après

Herrlich et Böhmer, 2000.

Différentes enzymes impliquées dans les voies de signalisation cellulaire sont des cibles potentielles pour l’oxydation par des ROS, en particulier les phosphatases, la guanylyl cyclase, les phospholipases C, A2 et D (revue de Genestra, 2007), et les canaux ioniques comme les canaux calcium (Hajnoczky et al, 2006). Le mécanisme général est présenté dans la figure 22. La régulation de l’activité des protéines impliquées dans les différentes voies de signalisation implique souvent leur phosphorylation-déphosphorylation. Ces réactions sont catalysées respectivement par des protéines kinases et des protéines phosphatases. Leurs substrats cellulaires sont phosphorylés ou

suggèrent que les ROS modulent directement l’activité enzymatique des kinases et des phosphatases (Chiarugi et Fiaschi, 2007 ; Charest et al, 2006). Les protéines phosphatases possèdent, dans leur site catalytique, un résidu cystéyl conservé (Von Monfort et al, 2006). Le domaine catalytique doit être à l’état réduit pour une activation complète. H2O2 inhiberait les phosphatases, par l’oxydation

directe du résidu cystéyl dans le site actif de ces enzymes. L’exposition à des fortes concentrations en H2O2 ou à des changements importants dans la balance thiols/ponts disulfures entraîne une

augmentation de la phosphorylation des tyrosyls de nombreuses protéines (Wang et Johnson, 2005). Cet effet serait en partie dû à l’inhibition par l’oxydation des protéines tyrosyls-phosphatases. H2O2 peut être produit dans certains types cellulaires en réponse aux cytokines ou aux facteurs de

croissance. Ensuite, H2O2 agit comme second messager en stimulant les cascades des kinases

induisant l’expression de gènes impliqués dans l’inflammation ou dans le contrôle du cycle cellulaire (Marciniak et al, 2006).

La TRX-1 module sélectivement la liaison à l'ADN de facteurs de transcription, en modulant leur état rédox. Des changements de l'état rédox des groupements thiols des facteurs de transcription conduisent à des changements de conformation qui, en fonction de la protéine, peuvent soit augmenter, soit diminuer l'activité de liaison à l'ADN, moduler la liaison de sous-unités inhibitrices, ou encore moduler la formation de complexes protéiques.

Le facteur de transcription NF-κB est la cible d'une régulation rédox qui a fait l'objet de nombreuses études. Ainsi, l'activité de liaison à l'ADN de NF-κB requiert la réduction de résidus cystéyls catalysée par la TRX-1 (revues de Allen et Tresini, 2000 ; Powis et Montfort, 2001). L'activité transcriptionnelle de facteurs de transcription comme le facteur Ref-1 (redox factor-1) ou encore les récepteurs des hormones stéroïdes peut être modulée par oxydoréduction par le système thiorédoxine (Peleg et al, 1989). En effet, il apparaît que le récepteur des estrogènes est très sensible à l'état rédox cellulaire. Ainsi, la surexpression de TRX-1 dans des cellules dérivées de cancer du sein humain se traduit par une augmentation de l'activité transcriptionnelle du récepteur des estrogènes, suggérant qu'au moins une partie des récepteurs des estrogènes est séquestrée dans un état transcriptionnellement inactif, probablement par oxydation des résidus thiols du domaine de liaison à l'ADN (Hayashi et al, 1997). Ces résultats sont à rapprocher du fait que, au cours de la promotion tumorale et de la progression cancéreuse, les cellules sont la cible de stimuli autocrines et paracrines par de nombreux facteurs de croissance et cytokines, entraînant un stress oxydant. Ce stress oxydant induit l'expression de TRX-1, et une expression augmentée de TRX-1 a été observée dans de nombreux cancers. Gallegos et al (1996) ont rapporté qu'un mutant dominant négatif de TRX inhibait la croissance de cellules tumorales de sein humain. Comme le récepteur des estrogènes joue un rôle important dans la prolifération et la progression des cellules cancéreuses de sein humain dépendantes des estrogènes, les résultats de Hayashi et al (1997) suggèrent que le

récepteur des estrogènes est une cible majeure de TRX-1 dans les cancers, et que la TRX est impliquée dans la prolifération et la progression des cellules cancéreuses mammaires via la régulation rédox du récepteur des estrogènes.

De nombreux autres facteurs de transcription (figure 23), tels que p53, AP1 ou Spl, voient également leur activité modulée par oxydoréduction (revues de Sun et Oberley, 1996 ; Kamata et Hirata, 1999). L'activité du facteur de transcription AP1 est modulée par oxydation d'un résidu cystéyl dans le domaine de liaison à l'ADN de FOS et de JUN, conduisant à l'inactivation de ces protéines qui ne sont plus capables de lier l'ADN. A l'inverse, FOS et JUN peuvent être la cible de l'activité rédox de Ref-1 qui, en réduisant les résidus Cys272 de JUN et Cys154 de FOS, stimule l'activité de liaison à l'ADN du facteur de transcription (figure 23) (Xanthoudakis et al, 1992).

Figure 23 : La protéine Ref-1, exprimée ubiquitairement, est responsable de la réduction enzymatique des cystéines oxydées dans le domaine de liaison à l’ADN de certains facteurs de transcription. Le mécanisme par

lequel Ref-1 réalise la réduction des thiols est compris de manière incomplète. De plus, l’état d’oxydation des facteurs de transcription dans le noyau est faiblement caractérisé. Deux scénarios sont possibles pour des cibles connues, la réduction de la forme sulfénique de AP-1 ou de pont disulfure dans la protéine suppresseur de tumeur p53. D’après Liu et al, 2005.

De plus, l’activité de liaison à l’ADN de p53 est inhibée suite aux stress oxydants. Velu et al (2007) ont montré que p53 est soumise à une modification post-traductionnelle réversible appelée S- glutathionylation dans les états de stress. Le niveau de S-glutathionylation, faibles dans les cellules tumorales, augmente fortement après traitement par des agents endommageant l’ADN. L’inhibition de p53 est levée par un traitement anti-oxydant induisant la déthiolation de p53 qui s’accompagne d’une augmentation de l’expression de p21Cip1 (Velu et al, 2007). Ce mécanisme pourrait être activé

dans les défenses contre la mort des cellules par apoptose induite par p53 et pourrait avoir des conséquences sur l’oncogenèse.