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Stratégies de stabilisation des protéines : osmolytes, encombrement moléculaire…

N 1 - Intermédiaire sur le

1.1.6 Stratégies de stabilisation des protéines : osmolytes, encombrement moléculaire…

La stabilité d’une protéine est déterminée par la différence d’énergie libre entre l’état replié, natif et les états dépliés. Alors que les états dépliés sont favorisés par l’entropie de la chaîne peptidique, la formation de l’état natif sera favorisé par toute modification qui reduirait l’entropie de la forme dépliée. Différentes stratégies peuvent donc être utilisées, soit en modifiant la séquence de la protéine, soit en modifiant la composition de la solution pour augmenter la stabilité de l’état replié: (a) Réduction de la longueur des boucles. (b) Formation de liaisons covalentes interchaînes dans le cas de protéines dimériques ou multimériques. (c)

Figure 1 : Augmentation de la stabilité d’une protéine, la carboxyaminated ribonuclease T1 (TCAM) native en présence de différent osmolyte à une concentration de 1M.

Les barres verticales représentent la gamme dans laquelle la stabilité de la protéine est augmentée en présence de 1M en osmolyte.

(Bolen and Baskakov 2001);[T.P. Creamer, R. Srinivasan and G.D. Rose, Modeling unfolded states of proteins and peptides. II. Backbone solvent accessibility. Biochemistry 36 (1997), pp. 2832–2835]

Cyclisation du squelette. (d) Formation de chaîne (« catenation »). (e) Confinement spatial. (f) Encombrement moléculaire. (g) Effet osmophobique.

1.1.6.1 L’effet osmophobique : une force thermodynamique pour le repliement des protéines (Bolen and Baskakov 2001), (Bolen 2004).

Cela fait plus de 40 ans que Kauzmann a décrit les forces thermodynamiques qui définissent le repliement et la stabilité des protéines. Ces forces incluent l’entropie conformationnelle, les liaisons hydrogènes, les liaisons électrostatiques, les liaisons de van der Waals et les interactions hydrophobes ((Kauzmann 1956)). Alors que l’implication de ces forces a été mise en évidence par des études réalisées dans des solutions aqueuses diluées, le milieu physiologique de repliement des protéines in vivo est souvent plus complexe et plus concentré. Les osmolytes organiques intracellulaires sont produits par certains organismes adaptés à un environnement hostile. Ces osmolytes protègent les macromolécules intracellulaires contre la dénaturation due au stress de l’environnement ((Yancey, Clark et al.

1982; Somero 1986). Lors de la sélection d’osmolytes organiques comme stabilisateurs de protéine, il apparaît que les osmolytes sont sélectionnés pour leurs interactions défavorables avec le squelette peptidique : cette force thermodynamique « solvo-phobique » est appelée l’effet « osmo-phobique » ((Liu and Bolen 1995)). Parce que le squelette peptidique est bien exposé au solvant dans l’état dénaturé, l’effet osmophobique augmente préférentiellement l’énergie libre de l’état dénaturé, déplaçant l’équilibre en faveur de l’état natif ((Qu, Bolen et al. 1998)). La figure 13 présente l’influence de différents osmolytes sur la stabilité d’une protéine. L’extraordinaire capacité des osmolytes à replier les protéines dans leur structure native, que ce soit in vitro ou dans des cultures de cellules, suggère que le mécanisme

Figure 1 : Différentes stratégies pour la stabilisation de protéines.

Changement de la longueur de boucle (A) ; liaison covalente de protéines dimériques (B), cyclisation du squelette peptidique (C) ; « enchainage » (D) ; confinement (E) crowding (F). Les boucles ou les liaisons sont représentées en bleu et en violet. La boite grisée en (E) représente le confinement, et les spheres foncées

impliqué ne modifie pas sérieusement les forces communément impliquées dans le repliement ((Welch and Brown 1996; Brown, Hong-Brown et al. 1997; Scatena, Brown et al. 2001)).

1.1.6.2 Stratégies « entropiques » pour la stabilisation des protéines :

La plupart des discussions sur la stabilité des protéines se sont concentrées sur les interactions spécifiques (i.e. liaison hydrogène, compaction et enfouissement des groupes non polaires). Quoi qu’il en soit, il est maintenant reconnu que l’entropie de la chaîne peptidique peut être significativement perturbée par des changements dans la longueur des boucles (figure 14 A, (Ladurner and Fersht 1997; Nagi and Regan 1997; Viguera and Serrano 1997; Wallon, Kryger et al. 1997; Grantcharova, Riddle et al. 2000) et par le confinement spatial et l’encombrement moléculaire de la protéine (figure 14 E & F (van den Berg, Ellis et al. 1999; Minton 2000; Eggers and Valentine 2001; Qu and Bolen 2002; Sasahara, McPhie et al. 2003). Il est également intéressant de regarder les modifications de la chaîne polypeptidique des protéines qui est classiquement linéaire. Un certain nombre de protéines qui se replient seulement sous forme de dimères ont été étudiées sous forme de variant mono chaîne obtenus par liaison covalente des deux monomères (figure 14 B (Liang, Sandberg et al. 1993), (Robinson and Sauer 1996; Jana, Hazbun et al. 1998; Moran, Schneider et al. 1999)). Des protéines circulaires obtenues en connectant les parties N et C terminales par un linker peptidique ont parfois été trouvés dans la nature (figure 14 C (Goldenberg and Creighton 1984), (Deechongkit and Kelly 2002; Trabi and Craik 2002)). Plus récemment, des protéines enchaînées, consistant en deux chaînes circulaires liées ont été produites ou découvertes (figure 14 D (Wikoff, Liljas et al. 2000; Blankenship and Dawson 2003)). Des analyses théoriques démontrent l'importance de prendre en compte les conséquences de ces phénomènes sur l’état replié comme sur l'état déplié, et fournissent les premiers éléments pour les futures études sur ces stratégies de stabilisation ((Zhou 2004)).

1.1.6.3 Une stratégie entropique : l’encombrement moléculaire.

La connaissance détaillée des vitesses, des équilibres et des mécanismes des réactions de repliement a été traditionnellement acquise par des expériences effectuées dans des conditions

de solution très faiblement concentrées (moins d’un mg/mL de protéine totale). Par contre, les réactions biochimiques dans les systèmes vivants prennent place dans des milieux contenant de beaucoup plus grandes concentrations (50-400mg/mL) de macromolécules (Zimmerman and Trach 1991). Parce qu’aucune espèce macromoléculaire ne peut être présente à de fortes concentrations, mais que toutes les espèces ensemble occupent une fraction significative du volume du milieu, un tel milieu est considéré comme « encombré » et/ou « confiné » ((Minton 1992)) plutôt que « concentré », qui est un terme qui dépendra de la solubilité et /ou de la structure (Figure 15). Dans de tels milieux, les interactions non spécifiques entre les macromolécules contribuent de façon significative à l’énergie libre totale de celui-ci. Il a été montré que de hautes concentrations de macromolécules « bruit de fond », qui ne participent pas directement à la réaction testée, induisent des changements d’un ordre de grandeur ou plus sur les vitesses et les équilibres de plusieurs réactions testées, notamment des réactions de repliement de protéines ((Hatters, Minton et al. 2002; Silow and Oliveberg 2003)). L’encombrement moléculaire est plus précisément appelé effet du volume d’exclusion. En d’autres termes, l’encombrement moléculaire décrit le fait que la concentration totale des macromolécules dans la cellule est si élevée qu’une proportion significative du volume est occupée physiquement, et indisponible pour d’autres molécules.

L’effet de l’encombrement sur la vitesse de repliement va dépendre du degré d’encombrement et peut être affecté par deux mécanismes différents. Pour de faibles concentrations d’agent encombrant, la vitesse va être augmentéede façon relative à la stabilisation de la protéine.

Figure 1 : Représentation approximative du nombre, de la forme et de la densité des macromolécules empaquetées à l’intérieur d’une cellule d’E. coli.

Les petites molécules ne sont pas représentées. [M. Hoppert and F. Mayer , Prokaryotes. Am. Sci.

Pour de plus fortes concentrations, la vitesse diminue drastiquement, résultant de l’augmentation de la viscosité du milieu et donc de la diminution de la diffusion intramoléculaire ((Plaxco and Baker 1998; Silow and Oliveberg 2003)).

L’effet de volume d’exclusion dans un milieu physiologique a certainement une influence, qu’il sera nécessaire de préciser, pour transposer fidèlement les informations de repliement décrites in vitro dans la situation de repliement in vivo. L’encombrement moléculaire peut expliquer pourquoi il existe des chaperonnes malgré la capacité de beaucoup de protéines à s’assembler de manière autonome. L’idée de « cage d’Anfinsen » décrit un repliement rendu possible in vivo grâce à l’aide des chaperonnes utilisées comme outils de séquestration, prévenant ou évitant des réactions non productives (aggrégation…). Dans un tel modèle, le repliement se déroule ainsi dans la cellule de la même façon que dans le tube à essai ((Ellis 2003)).