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Conclusion : Encombrement et osmolytes

Analyse de la conservation des résidus

2.3.3 Conclusion : Encombrement et osmolytes

Du code génétique au code « protéique » : aux limites de l’évolution moléculaire.

L’intérieur d’une cellule est un environnement extraordinairement complexe dans lequel les protéines et les macromolécules sont présentes à des concentrations de 300 à 400 mg/mL. C’est pourquoi il est important d’étudier l’effet de molécules solvatant les protéines en condition de stress osmotique pour le cas des osmolytes, ainsi que les effets de forte concentration de molécules qui peuvent influencer le repliement. Certains aspects de ces problématiques ont été illustrés ici et semblent montrer que l’effet osmophobique ou l’encombrement moléculaire sont généralement des facteurs favorisant le repliement. Cependant, selon leur nature ou les conditions de repliement, ils peuvent conduire à stabiliser des formes agrégées de protéines ou encore obliger l'intervention de chaperonnes pour permettre le bon repliement d’une protéine. Il est maintenant connu que, dans les cellules des organismes vivants, il y a un grand nombre de facteurs auxiliaires qui assistent le processus de repliement, en incluant les catalyseurs de repliement et les chaperonnes moléculaires. Ces facteurs servent à rendre possible le bon repliement des chaînes polypeptidiques dans un milieu complexe et encombré, mais ne déterminent pas leur structure native ; celle-ci est complètement codée par la séquence en acides aminés seule. C’est pourquoi savoir comment les protéines trouvent leur état natif unique, simplement à partir de ces informations contenues dans leur séquence, est au cœur de la biologie moléculaire.

Et in vivo?

Les propriétés physicochimiques décrites pour le repliement in vitro sont, a priori, transposables aux modes de repliement in vivo. Cependant, le contexte cellulaire représente un ensemble de contraintes dont l’incidence n’est pas sans conséquence sur la spontanéité du phénomène. Il est fort probable que les évènements non productifs (mauvais repliement, agrégation…) observés in vitro soient corrigés in vivo par des systèmes spécialisés de réparation ou d’aide au repliement. De la même façon, les processus de repliement décrit comme réversibles in vitro et autodéterminés par la séquence en acides aminés seule, peuvent dans certains cas être beaucoup plus complexes dans les conditions in vivo. Les protéines et les molécules impliquées dans ces processus d’aide au « bon repliement » interviennent pour

accélérer certaines étapes importantes, contourner des pièges cinétiques (oxydation, réduction, isomérisation de Prolines), ou éliminer et prévenir l’accumulation de protéines toxiques dans leur forme mal repliée par exemple.

Il y a des observations in vitro et in vivo qui montrent que les systèmes de chaperonnes améliorent l’efficacité de repliement, notamment pour des protéines sensibles à l’agrégation. Ces cages moléculaires ont également l’avantage d’augmenter la vitesse de repliement de certaines protéines ((Ellis 2001)). La forte concentration dans une cellule, c'est-à-dire l’encombrement moléculaire, a une forte conséquence énergétique sur la plupart des fonctions cellulaires ( (Ellis 2001; Hall and Minton 2003)). L’encombrement favorise les réactions qui conduisent à la compaction, comme le repliement de protéines, et à la formation d’agrégats comme dans le cas des plaques amyloïdes. Des découvertes récentes appuient la conclusion que, par de tels mécanismes, les chaperonnes augmentent les vitesse et la qualité du repliement dans certains cas. Le terme de « cage d’Anfinsen » a été proposé par RJ Ellis pour résumer l’idée que la fameuse chaperonne GroEL augmentait le taux de repliement en encapsulant chaque chaîne protéique partiellement repliée dans sa structure oligomérique. La protéine peut ainsi continuer à se replier, comme dans l’expérience classique et pionnière d’Anfinsen de renaturation de protéine. Il reste à résoudre beaucoup de problèmes. Il est également vraissemblable que les différents polypeptides, dont le repliement est aidé par des chaperonnes, ne s’effectuent alors pas par les mêmes chemins. Quoiqu’il en soit, cette idée de « cage d’Anfinsen » est plaisante pour les expérimentateurs étudiant la physicochimie du repliement des protéines in vitro. En effet, cela implique que les protéines se replient en suivant les mêmes règles dans les cellules qu’au fond des tubes à essais. RJ Ellis rapporte des propos de C Dobson (revisiting the anfinsen cage) qui fait remarquer que, puisque le repliement des protéines n’est pas aléatoire et suit certains chemins, il est peu probable qu'il s'agisse de mécanismes très différents impliqués dans la cellule.

Déterminisme du repliement, où il est question de l’utilité de se déplier…

Pour la cellule, la bonne gestion du repliement peut également être de déplier une protéine inutile ou néfaste à la cellule. En effet, le repliement et le dépliement sont les voies ultimes de génération ou d’abolition de l’activité cellulaire. Le dépliement est également l’élément normal dans la voie de la dégradation régulée des protéines ((Matouschek and Glick 2001; Matouschek 2003)). Il est de plus en plus apparent que certains évènements dans la cellule, comme la translocation à travers la membrane, peuvent nécessiter que les protéines

soient dans des états dépliés ou partiellement repliés. Des processus apparemment aussi différents que le « trafficking », la sécrétion, la réponse immunitaire et la régulation du cycle cellulaire sont en fait aujourd’hui reconnus comme directement dépendant du repliement et du dépliement ((Radford and Dobson 1999)). Il n’est alors pas surprenant que des échecs pour un repliement correct, ou pour rester correctement replié, vont donner lieu à des mauvais fonctionnements des systèmes vivants et donc conduire à des maladies. De ce fait, il est devenu de plus en plus évident qu’un grand nombre de maladies humaines sont associées à des aberrations du processus de repliement ((Thomas, Qu et al. 1995)) ((Dobson 2004)).

Un défi : Décrypter le code de repliement et comprendre son évolution.

Aujourd’hui, l’impact social de ces maladies génétiques et sporadiques, causées par le mauvais repliement de protéines, est énorme. Ces maladies incluent des maladies neurodégénératives touchant les personnes les plus âgées comme Alzheimer ou Parkinson, ou des maladies dévastatrices dès l’enfance comme la fibrose cystique. Ces résultats de mauvais comportements de protéines peuvent être la conséquence d’évènements d’agrégation qui y sont fréquemment associés. Les protéines ont évolué pour se replier de façon efficace et rester solubles, en dépit de leur tendance à s’agréger. C’est le résultat de la sélection naturelle de séquences qui ont co-évolué dans l’environnement dans lequel elles agissent. Avec ces maladies, nous apercevons les limites actuelles de notre niveau d’évolution moléculaire. Pour ces raisons, beaucoup de travaux s’orientent vers une meilleure définition des phénomènes conduisant au mauvais repliement ou à l’agrégation, pour nous permettre d’avoir un contrôle sur notre évolution moléculaire et de trouver les moyens de répondre à ces limitations.

Alors que nous allons toujours plus loin dans notre connaissance des mécanismes de repliement des protéines, et de la façon dont cela est optimisé et régulé au sein de l’environnement cellulaire, nous devons être capables de répondre avec de plus en plus de conviction à la question plus large qui est de savoir comment l’évolution a permis, même aux système biologiques les plus complexes, de s’auto-assembler avec une fidélité aussi impressionnante. Une telle connaissance représenterait un pas très significatif dans la compréhension, au niveau moléculaire, de l’une des caractéristiques les plus fascinantes et fondamentales de la vie elle-même.