• Aucun résultat trouvé

Pour augmenter la quantité d’oxygène intra-tumorale, des stratégies basées sur l’utilisation de gaz ont également été proposées. A titre d’exemple, l’oxygénothérapie hyperbare a été expérimentée. Elle consiste à faire inhaler aux patients de l’oxygène pur sous pression (entre 2 et 4 atmosphères), notamment pendant la RT. Les premiers résultats obtenus dans les années 80 ont été encourageants, l’oxygénothérapie hyperbare permet un contrôle de la tumeur (Dische et al. 1983) mais les difficultés de mise en place de la technique, notamment des chambres hyperbares, ont eu raison d’un essai à plus grande échelle.

L’inhalation de carbogène, un mélange de 95% d’O2 avec 5% de CO2, a également été

évaluée. Le CO2 étant un puissant agent vasodilatateur, la stratégie est d’augmenter la

disponibilité en oxygène dans le sang ainsi que le débit sanguin dans la tumeur. Cette approche a montré de bons résultats dans un certain nombre de modèles de tumeurs solides (Ljungkvist et al. 2000). Devant ces résultats prometteurs avec le carbogène, une étude multicentrique intitulée ARCON (Accelerated Radiotherapy with Carbogen and Nicotinamide) a été lancée dans les années 90. Le but de l’étude était de tester l’efficacité du carbogène, couplé ou non à du nicotinamide, pour améliorer les effets de la RT dans le cadre de patients présentant des tumeurs hypoxiques (cancers du sein, cancers « tête et cou », tumeurs cérébrales de haut grade). L’objectif de cette étude était de réoxygéner les tumeurs en agissant à la fois sur le débit sanguin et sur l’apport en oxygène pour augmenter l’effet oxygène durant la RT puis d’inhiber les mécanismes de réparation de l’ADN avec le nicotinamide (Kaanders et al. 2002).

Cette approche s’est avérée efficace pour contrôler la progression tumorale des patients atteints de cancers « tête et cou » et s’est reflétée par une augmentation de la survie globale. Cependant, pour les patients atteints de tumeurs cérébrales de haut grade, l’étude a montré que l’inhalation de carbogène au moment de la RT n’améliore pas la survie des patients (Miralbell et al. 1999) par rapport à une population de référence ne recevant que de la RT (Figure 31).

Depuis la fin des années 90, les avancées réalisées dans le domaine de la mesure de l’oxygénation tissulaire ont permis d’avancer des explications quant à l’échec de cette stratégie de réoxygénation des GB. Il a ainsi été montré que l’efficacité du carbogène pour réoxygéner la tumeur semble être dépendante du volume tumoral (Hou et al. 2012). Dans

les premiers stades de

développement, le

carbogène est efficace pour augmenter la pO2 à la

fois dans le tissu tumoral et le tissu controlatéral. Cependant, rapidement le carbogène échoue à réoxygéner le tissu tumoral (Figure 32A). Ce résultat a récemment été confirmé au sein du laboratoire dans un autre modèle de GB, le

modèle U251, en utilisant l’IRM qBOLD (Chakhoyan et al. 2016). Cette étude a permis de montrer que le carbogène permet d’augmenter le volume sanguin et l’oxygénation du tissu sain mais que cette augmentation est beaucoup plus limitée dans le tissu tumoral (Figure 32B). Ceci a été interprété comme un phénomène de vol hémodynamique et non comme une dysfonction de la vascularisation tumorale puisque des approches d’imagerie dynamique ont permis de montrer que dès lors que le challenge en CO2 est arrêté, le

volume sanguin diminue dans le tissu sain et augmente dans la tumeur avant de rapidement revenir à la ligne basale. Ceci montre que le sang est restitué du tissu sain vers la tumeur dans laquelle les vaisseaux sont dilatés, puis que ceux-ci reviennent à leur diamètre initial (Figure 32C).

Figure 32 | L’inhalation de carbogène a une efficacité limitée pour réoxygéner le glioblastome. A. Evolution de la pO2 tissulaire d’un gliome (modèle F98) et du tissu controlatéral

mesurée à l’aide de sondes oxymétriques pendant 30 min d’inhalation de 30% d’O2 puis de

carbogène. Adapté de Hou et al. 2012. B. Estimation par IRM de l’évolution du volume sanguin et de l’oxygénation tissulaire dans le tissu sain et dans la tumeur chez un rat après inhalation de carbogène. C. Evaluation dynamique de la réponse au carbogène. Le rectangle pointillé représente l’inhalation de carbogène. Adapté de Chakhoyan et al. 2016.

Figure 31 | Courbe de survie des patients atteints de glioblastome dans l’étude ARCON. Adapté de Mirabell et al.

INTRODUCTION - Stratégies de vectorisation passive

Les résultats de ces deux études peuvent expliquer l’échec de l’étude ARCON à améliorer la survie des patients par une inaptitude du carbogène à induire une réoxygénation tumorale au profit du tissu cérébral sain. Pour contourner ce problème, des méthodes de réoxygénation ciblées sont en développement, notamment par l’utilisation de vecteurs. Ces stratégies, très originales, récemment discutées dans la littérature soulèvent cependant des questions. Dans le cas des tumeurs cérébrales, et malgré la présence de l’effet EPR, la taille des vecteurs utilisés est une limite. Les stratégies basées sur l’utilisation de nanoparticules semblent être à ce titre d’un grand intérêt. Ces stratégies sont présentées plus en détails dans le chapitre suivant.

I I I . ST R A T E G I E S D E V E C T O R I S A T I O N P A S S I V E

A.

L

ES NANOPARTICULES POUR LE TRAITEMENT DES CANCERS

1.

DEFINITIONS DES NANOPARTICULES

Les nanoparticules (NP) sont définies comme des objets dont au moins une des dimensions a une taille comprise entre 1 et 100 nm. Cela comprend donc à la fois les particules dont les trois dimensions sont à l’échelle nanométrique comme les fullerènes, mais aussi celles dont seulement deux dimensions le sont comme les nanotubes et également celles dont une seule dimension l’est comme le graphène (Figure 33).

Figure 33 | Des exemples de nanoparticules à base de carbone. A. Fullerène. B. Nanotube de

2.

LES PROPRIETES DES NANOPARTICULES

Selon sa composition, chaque NP possède des propriétés propres gouvernant sa forme, sa taille, sa charge, etc. qui influencent grandement son interaction avec les systèmes biologiques. Ces caractéristiques sont résumées dans la Figure 34.

a)

La taille

La taille des NP joue un rôle important sur leur interaction avec les cellules vivantes. Elle influence l’efficacité d’absorption par les cellules, la voie d’internalisation, la localisation intracellulaire et leur toxicité. Cependant, du fait de la variété des nanoparticules et des systèmes biologiques, il est très difficile de corréler une réponse cellulaire particulière avec une taille

donnée de NP, mais il existe tout de même des tendances générales.

Il y a une taille optimale pour une endocytose efficace des NP, indépendante de leur composition. Cette taille critique peut varier en fonction des types cellulaires et des propriétés de surface des NP. De plus, les petites NP ont une probabilité plus grande d’être internalisées par absorption passive que les grandes NP (Figure 35). Enfin, à conditions identiques, les petites NP sont plus susceptibles d’être cytotoxiques (Shang et al. 2014).

Figure 35 | Endocytose de nanoparticules. A. Internalisation de Quantum Dots (8 nm) par des

cellules HeLa. Adapté de Jiang et al. 2010 ACS Nano. B. Internalisation de nanoparticules de polystyrène (100 nm) par des cellules souches mésenchymateuses. Adapté de Jiang et al. 2010

Biomacromolecules.

Figure 34 | Les principales propriétés des nanoparticules influençant leur biodistribution, leur élimination et leur ciblage. Adapté de Baetke et al. 2015 et

INTRODUCTION - Stratégies de vectorisation passive

Parmi tous les paramètres, la taille des NP est celui qui joue le rôle le plus important pour l’effet EPR. Premièrement, seules les NP ayant une taille inférieure aux espaces entre les cellules endothéliales formant les vaisseaux tumoraux (environ 800 nm au maximum) peuvent extravaser. Cependant, les NP avec une taille supérieure à 200 nm sont rapidement éliminées du sang par la rate. Une fois que les NP sont sorties des vaisseaux, leur diffusion dans le tissu est également très dépendante de leur taille. Pour les NP avec une taille relativement faible, qui diffusent assez facilement, un équilibre entre l’extravasation et le retour dans le sang peut rapidement s’établir (Sun et al. 2014). De manière générale, les NP ayant une taille supérieure à 30 nm montrent une meilleure rétention dans les tissus et déplacent l’équilibre vers l’extravasation et donc la rétention dans le tissu. En conclusion, les NP ayant une taille comprise entre 30 et 200 nm semblent optimales pour bénéficier de l’effet EPR (Jain & Stylianopoulos 2010).

b)

La forme

La forme des NP joue également un rôle dans l’effet EPR. Il a été montré que les NP de forme sphérique (isotrope) tendent à adopter un modèle de flux laminaire dans la circulation sanguine et que seules ces NP qui se déplacent près de la surface des vaisseaux peuvent extravaser dans la tumeur (Ferrari 2005; P. Decuzzi et al. 2005). Au contraire, les NP en forme de tubes sont moins stables d’un point de vue hydrodynamique et peuvent avoir du mal à suivre le flux et adopter un modèle plus turbulent lorsqu’elles se déplacent dans la circulation sanguine (Decuzzi et al. 2009).