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3. Flétrissement bactérien causé par Ralstonia solanacearum

3.4. Stratégies de lutte

Comme pour toutes les maladies causées par des agents phytopathogènes, la compréhension de l’interaction avec l’hôte a permis de développer différents principes de stratégies de contrôle des maladies de plantes (Plant Disease Development and Control. National Academy of Sciences, Washington, D. C. 1968) :

- Prévention – sélectionner une période de l’année ou un site où il n’y a pas d’inoculum ou encore lorsque l’environnement n’est pas favorable à l’infection ;

- Exclusion – empêcher l’introduction de l’inoculum ; - Eradication – éliminer, détruire ou inactiver les inocula ;

- Protection – prévenir l’infection au moyen de barrières (prophylaxie, de produits chimiques toxiques) ;

- La résistance de ces plantes- cultivars résistants ou tolérants ;

- Thérapie – cure de plantes qui sont déjà infectés. Dans le cas du flétrissement bactérien, la thérapie n’est pas envisageable car les symptômes de flétrissement sont irréversibles.

La lutte prophylactique s’appuie sur un ensemble de mesures préventives, additives, à effet partiels, qui limitent la dissémination des bactéries vers des sites non infectés. Il ne s’agit pas d’éradication mais bien de la réduction du potentiel d’inoculum et des capacités d’infection. Par exemple, il est recommandé d’utiliser du matériel végétal sain (tubercules de pomme de terre, semences, boutures non contaminées) sur un sol ou un substrat sain avec un équipement désinfecté (machines, outils, bottes, etc). L’eau d’irrigation ainsi que les fertilisants doivent aussi être contrôlés. Sur une parcelle déjà infectée, une des mesures consiste à l’élimination (arrachage et brûlage) des plantes (plantes cultivées et adventices) contaminées autrement dit

Synthèse bibliographique

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les sensibles mais aussi les porteurs sains qui sont des réservoirs d’inoculum naturels permettant aux bactéries de survivre et de se multiplier.

Les rotations culturales avec des cultures non hôtes tels que, par exemple, le maïs (Zea mays), le riz (Oryza sativa), le soja (Glycine max), le gombo (Abelmoschus esculentum), le haricot (Vigna unguiculata) à la suite de culture d’espèces hôtes est une mesure efficace pour réduire les populations bactériennes présentes dans un sol et donc de réduire l’incidence de la maladie. Suivant la souche de R. solanacearum présente, les rotations culturales sont plus ou moins efficaces et nécessitent une période de culture de plantes non hôtes qui peut durer plusieurs années (Machmud 1993; Melton and Powell 1991; Michel et al. 1997; Saddler et al. 2005).

Le choix de la plante non hôte est important dans le cas de rotation culturale mais aussi d’association culturale puisque certaines espèces de plantes notamment les alliacées possèdent des propriétés d’assainissement, autrement dit ces espèces non hôtes sont capables de provoquer une diminution de la population bactérienne de R. solanacearum et donc diminuer l’incidence du flétrissement bactérien (Yu 1999).

La culture de crucifères est connue pour casser le cycle de vie de graves pathogènes du sol tels que Gaeumannomyces graminis var tritici, agent du piétin-échaudage du blé (Angus et al. 1994). Des plants de Brassicacées ont été sélectionnés au Queensland (Australie) pour la première fois pour le contrôle de la bactérie tellurique pathogène, R. solanacearum (Akiew et al. 1996). Dans un essai en serre, la population de R. solanacearum décline quand on ajoute dans le sol, des résidus en décomposition de moutarde (Brassica juncea) et de canola (Brassica napus), une variété de Colza sélectionné au Canada dont la teneur en acide érucique a été abaissée. Lors d’un essai au champ où des accessions de tomate sensibles au flétrissement bactérien sont plantés dans un sol infesté par R. solanacearum amendé par des résidus de moutarde et de canola, la moutarde et le canola réduit l’incidence de la maladie de 59% et 28% respectivement. Selon Arthy et al. (2002) des résultats similaires de protection par amendements de Brassicacées sont observés sur des plants de tabac dans un sol infesté de

R. solanacearum.

Les amendements organiques des sols (un mélange appelé S-H, les boues de station d’épuration, la bagasse de canne à sucre, la farine de soja, l’urée, l’urée combiné à l’oxyde de calcium) (Chang and Hsu 1988; Sun and Huang 1985) favorisent la résistance des plantes aux agressions parasitaires et l’utilisation de bio-fumigants telles que les huiles essentielles

comme le thymol (phénol contenu dans l’huile de thym), l’huile de palme, huile de citronnelle, huile d’eucalyptus (Paret et al. ; Pradhanang et al. 2003) permettent de réduire dans certains les populations bactériennes et de réduire ainsi l’incidence du flétrissement bactérien. Ces modifications de l’interaction entre l’hôte et le pathogène peuvent être dû à la production d’une ou plusieurs substances toxiques (durant la transformation de l’urée en présence d’oxyde de calcium).

Différents traitements du sol ont été testés pour lutter contre R. solanacearum par amendement chimique avec KNO3, NaNO3, NaCl, KCl (Hartman et al. 1993) ; par application

de fumigants tels que le bromure de méthyle, la chloropicrine, le formol, l’hypochlorite de sodium (Chellemi et al. 1994; Enfinger et al. 1979; Fortnum and Martin 1998) ; application d’herbicides pour éliminer les plantes adventices colonisées par R. solanacearum (Machmud 1993); application d’antibiotique comme la streptomycine, l’ampicilline, la tétracycline et la pénicilline (Farag et al. 1982; Hartman and Elphinstone 1994). Dans le cas de culture hors- sol, la désinfection du substrat par ces différentes méthodes ou des eaux d’irrigation par traitement à la javel, ou au détergent désinfectant contenant un agent bactéricide tel que le AVDN5®, le tomaxil®, le désogerme microserre® (Cariglia 2007), ont montré une réduction voire une élimination de la population bactérienne. Ces traitements sont souvent onéreux, limités dans le temps et également pour quelques un dangereux pour l’environnement, certains produits comme le bromure de méthyle sont interdits. Une alternative est d’utiliser un éliciteur de défense de plante, par exemple l’Acibenzolar-S-methyl utilisé en pulvérisation augmentait la résistance de lignées de tomate faiblement résistantes à R. solanacearum (Anith et al. 2004; Pradhanang et al. 2003). Cet éliciteur serait un analogue fonctionnel de l’acide salicylique induisant la voie de signalisation de la SAR (systemic acquired resistance) qui est un mécanisme de défense induite conférant une protection contre un large spectre de microorganismes.

La solarisation consiste à recouvrir le sol nu de plastique en saison chaude, le réchauffement du sol ainsi provoqué jusqu’à une vingtaine de centimètre de profondeur permet de réduire la pullulation de nombreux pathogènes telluriques : champignons, nématodes et bactéries.

Par ailleurs, la lutte biologique par utilisation de bactéries antagonistes ou avirulentes (sauvages ou mutantes) de R. solanacearum est aussi une stratégie de la lutte testée par de nombreuses équipes internationales. Le principe est d’inhiber la croissance de l’agent

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Tableau 11. Bactéries étudiées comme agents de contrôle biologique contre le flétrissement

bactérien (Saddler 2005).

Bactérie Hôte

Pseudomonas aeuginosa, P. fluorescens, Bulkhoderia glumae, Bacillus spp., Bacillus polymyxa, Bacillus subtilis, Bacillus pumilus, Bacillus atrophaeus, Streptomyces mutabilis,

actinomycètes

Tomate

P. fluorescens, Bacillus sp., B. subtilis, Bacillus cereus,

actinomycètes Pomme de terre

Corynebacterium sp., Bacillus spp., B. subtilis, Escherichia sp.,

Serratia sp., Pseudomonas sp. Piment

P. fluorescens, Bacillus spp., Banane

P. fluorescens, Bacillus spp., Aubergine

Bacillus spp., Tabac

pathogène, en mettant en compétition l’agent biologique et le pathogène cible. Les souches notamment P. fluorescens, Bacillus sp., Bulkolderia sp., sont capables d’inhiber la croissance de R. solanacearum (Hartman et al. 1993; Ji et al. 2008; Shekhawat et al. 1993; Wydra et al. 2005) Sunaina et al. 1997; Ji et al. 2008 ; Wydra et al. 2005) (Tableau 11). Contrairement à la plupart des souches mutantes non pathogènes de R. solanacearum, ces souches d’espèces différentes ne sont pas forcément de bon compétiteur au sein de la rhizosphère ou de la niche écologique à laquelle appartient R. solanacearum (Cook 1985). Les mutants dépourvus des déterminants hrp colonisent le système racinaire et les tissus conducteurs de la tige des plantes hôtes ce qui empêche la colonisation de la plante par les souches pathogènes (Trigalet and Trigaletdemery 1990).

Toutes ces méthodes sont sérieusement limitées par la stabilité génétique et phénotypique de l’agent de lutte biologique, sa production, sa formulation et son application.

Finalement, la résistance variétale reste la stratégie de choix car elle reste la plus efficace pour lutter contre le flétrissement bactérien (Hayward 1991). Elle consiste à identifier les sources de résistance ou de tolérance (colonisées et absence de symptômes) adaptées aux conditions climatiques de la zone de production. Les géniteurs de résistance sont repérés parmi les collections de ressources génétiques ce qui nécessite des tests d’évaluation (Carmeille et al. 2006a; Carmeille et al. 2006b; Wang et al. 1998). L’étape suivante consiste à rechercher les facteurs génétiques (gènes ou QTLs, Quantitative trait Loci) impliqués dans la résistance puis il faudra introgresser ces facteurs génétiques dans des fonds génétiques sensibles mais à haute valeur agronomique. Depuis les années 60, de nombreux chercheurs et sélectionneurs ont évalués et sélectionnés des accessions résistantes de cultures de Solanacées contre des souches race/biovar locales dans des zones géographiques spécifiques.

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Figure 13. Modèle en zig-zag qui illustre le système immunitaire des plantes (Jones et Dangl

2006).

En phase 1, La plante détecte des MAMPs/ PAMPs (Microbial/Pathogen-Associated Molecular patterns, losanges rouges) via les PRRs (Pattern Recognition Receptors) pour déclencher une résistance basale, PTI (PAMP-triggered immunity). En phase 2, les pathogènes victorieux libèrent des effecteurs de virulence qui interfèrent avec la PTI, ou permettre la nutrition et la dispersion des pathogènes, résultant en un ETS (Effector-Triggered Susceptibility). En phase 3, un effecteur Avr (petit cercle rouge) est reconnu par une protéine R de type NB-LRR, activant une nouvelle résistance appelée ETI (Effector-Triggered Immunity), une version amplifiée de la PTI qui permet souvent de dépasser le seuil d’induction d’une réaction hypersensibilité (HR). En phase 4, des isolats de l’agent pathogène ayant perdu l’effecteur rouge, et peut être ayant acquis de nouveaux effecteurs (cercles en bleu) peuvent contourner l’ETI en produisant ces nouveaux effecteurs qui ne seront pas reconnus par la première protéine R. La plante devient sensible à ses nouveaux isolats du pathogène. La sélection favorise de nouveaux allèles NB-LRR de plante qui peuvent reconnaître l’un des effecteurs nouvellement acquis, ce qui permet à nouveau le développement d’une résistance de type ETI.