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3. Flétrissement bactérien causé par Ralstonia solanacearum

3.2. L Ralstonia solanacearum

3.2.1. Caractéristiques générales de Ralstonia solanacearum

Smith E. F. a décrit pour la première fois la maladie (bacterial wilt) en 1896 et la bactérie responsable du flétrissement bactérien fut alors appelée Bacillus solanacearum ou encore

Bacterium solanacearum. En 1914, Smith, se basant sur le système classification

taxonomique des bactéries proposé par Migula (1900) reclassa cette bactérie dans le taxon des Pseudomonacées en tant que Pseudomonas solanacearum (Smith 1914). La bactérie porta ce

Tableau 5. Caractéristiques de Ralstonia solanacearum (Hayward et al. 1964 ; He et al. 1983

; Velupillai et Stall, 1984 ; Wall et Kaiser 1999 ; Tans-Kersten et al. 2001)

Famille Pseudomonadacées

Morphologie Bacille

Coloration de Gram Négatif

Flagelle ≥ 1

Métabolisme des sucres Oxydatif

Spore -

Autotrophie avec H2 -

Production de pigments (LPGA) da (brun)

Production de pigments fluorescents (KingB) -

Croissance à 40°C -

Enzymes Cytochrome c oxydase

Catalase

Substance de réserve Poly- -hydroxybutyrate

Hydrolyse Amidon - Gelatine - Activité Arginine hydrolase - Lécithinase - Nitrate réductase + Oxydase - Catalase - Lipase D Phosphatase D Formation de mélanine D Utilisation D-galactose D D-glucose + D-ribose D D-xylose - Saccharose +

a d : réponse différente selon les souches

Tableau 6. Caractéristiques générale des génomes des souches de R. solanacearum

CFBP2957, CMR135, PSI07, GMI1000, IPO1609 et Molk2 (Remenant et al. 2010).

Souches CFBP2957 CMR15 PSI07 GMI100 IPO1609 Molk2 Moyenne

Phylotype IIA III IV I IIB IIB

Origine géographique Antilles Cameroun Indonésie Guyane française Pays Bas Indonésie

Longueur Chromosome 3 594 081 3 508 632 3 539 015 3 716 413 NA NA 3 589 535 Mégaplasmide 1 963 952 2 084 845 2 144 387 2 094 509 NA NA 2 071 923 Plasmide 35 008 12 811 - - - - 23 910 Génome 5 593 041 5 606 288 5 683 402 5 810 922 5 523 292 5 862 101 5 679 841 Ratio G+C (%) 66,9% 66,9% 66,3% 67,0% 66,7% 66,7% 66,7% Séquence codante 5 310 5 149 5 247 5 635 5 203 5 438 5 330

Nombre d'opéron ARNr 1 3 1 4 1 1 1,7

Nombre d'ARNt 56 59 49 57 NA NA 47,3

Synthèse bibliographique

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nom d’espèce une centaine d’années. Par la suite, sur la base de caractéristiques phénotypiques, l’analyse des acides gras et autres lipides cellulaires, l’analyse phylogénique des séquences nucléotidiques de l’ARN ribosomique 16S et l’homologie ADN-ARN, la bactérie est placée très furtivement dans le genre Burholderia (Yabuuchi et al. 1992) puis enfin placée sur la base des mêmes critères dans le genre Ralstonia pour être connu aujourd’hui sous le nom Ralstonia solanacearum (Yabuuchi et al. 1996).

R. solanacearum est une -protéobactérie de type gram négatif (Stackebrandt et al. 1988). Ce

bacille de dimension moyenne de 0,5 x 1,5 µm possède un ou plusieurs flagelles polaires lui permettant de se mouvoir. La mobilité contribue de façon importante à la virulence au flétrissement bactérien au cours des stades précoces d’invasion et de colonisation de la plante hôte (Tans-Kersten et al. 2001). Cette bactérie de type aérobie strict, non fluorescent, possédant une oxydase, métabolise le glucose par voie oxydative et accumule du poly- - hydroxybutyrate dans son cytoplasme à partir d’un milieu riche en carbone. Les principales caractéristiques de R. solanacearum sont regroupées dans le Tableau 5.

Le séquençage récent de souches de R. solanacearum couvrant l’essentiel de la diversité génétique établie à ce jour, a permis un progrès considérable des connaissances sur

R. solanacearum et le déterminisme génétique du pouvoir pathogène. A l’heure actuelle, 6

souches ont été séquencés et les génomes publiés : GMI1000 (phylotype I) (Salanoubat et al. 2002), IPO1609 (phylotype IIB), Molk2 (phylotype IIB) (Guidot et al. 2009b), CFBP2957 (phylotype IIA), CMR15 (phylotype III), et PSI07 (phylotype IV) (Remenant et al. 2010). Les principales caractéristiques de ces six génomes sont résumées dans le Tableau 6. Deux autres souches BDB, agent responsable de la maladie du sang du bananier (blood disease of banana), et R. syzygii (anciennement nommé Pseudomonas syzygii) qui est pathogène du giroflier en Indonésie, appartenant au phylotype IV sont en cours d’analyse (Remenant, CIRAD). Pour l’essentiel, R. solanacearum possède un génome bipartite organisé en deux réplicons circulaires, un chromosome et un mégaplasmide (Salanoubat et al. 2002). C’est un des premiers organismes pour lequel une organisation génomique bipartite a été décrite (Genin and Boucher 2004). La taille moyenne du génome est approximativement de 5,7 Mb incluant le chromosome (3,6 Mb) et le mégaplasmide (2,1 Mb) (Remenant et al. 2010). La littérature fait très peu cas de la présence de plasmide. Cependant, en 1985, des petits plasmides, de taille inférieure à 100kb, ont été rapportés dans plusieurs souches de R. solanacearum (Morales and Sequeira 1985). Plus récemment, deux petits plasmides pRSC35 (35kb) et

pRSI13 (12,8kb) appartenant, respectivement, aux souches CMR15 (phylotype III) isolée au Cameroun et PSI07 (phylotype IV) isolée en Indonésie ont été séquencés (Remenant et al. 2010). Leur faible nombre de copies les rendraient difficile à purifier et donc difficile à détecter.

Le chromosome porte l’ensemble (80%) des gènes de ménage permettant la survie de la bactérie tels que les gènes contrôlant la réplication de l’ADN, la réparation de l’ADN, la transcription, la traduction et la division cellulaire. A l’inverse, le mégaplasmide ne porte pas de gènes indispensables au fonctionnement de la cellule qui ne soient pas déjà présents sur le chromosome. Cependant, il possède des gènes codant plusieurs enzymes impliqués dans le métabolisme primaire dont la synthèse de certains acides aminés et de cofacteurs. Le mégaplasmide héberge plusieurs facteurs qui sont impliqués dans la virulence de la bactérie, notamment les gènes contrôlant la production d’exopolysaccharides (EPS), les gènes codant pour les constituants du flagelle et les gènes hrp gouvernant le système de sécrétion de type III (TTSS, type three secretion system) et les effecteurs associés au TTSS. Ainsi, le mégaplasmide pourrait jouer un rôle important dans l’adaptation de la bactérie à différentes conditions environnementales. Bien que son origine soit clairement plasmidique (Salanoubat et al. 2002) ; le mégaplasmide est devenu un élément indispensable du génome. Les deux réplicons au sein de R. solanacearum ont co-évolué depuis longtemps (Coenye and Vandamme 2003; Guidot et al. 2007).

Les deux réplicons ont une structure mosaïque due aux nombreux réarrangements et acquisition de gènes par transferts horizontaux (Salanoubat et al. 2002). Près de 16% du génome de R. solanacearum soit 547 sur 3436 gènes analysés ont été acquis suite à des transferts horizontaux de gènes (Nakamura et al. 2004). Souvent associés aux éléments génétiques mobiles, certains gènes ou régions, nommés régions à usage de codon alternatif, ACURs (alternative codon usage regions), présentent un usage de codon et une composition en G+C différents de ceux trouvés dans le reste du génome, de 50 à 70% de variation du contenu en G+C par rapport à la moyenne 67% dans l’ensemble du génome de GMI1000 (Salanoubat et al. 2002). Chez GMI1000, 93 ACURs de taille variant de 1 à 20kb représentent plus de 7% du génome. Ces séquences d’insertions et ces régions acquises par transfert horizontaux codent souvent pour des fonctions d’adaptation comme des voies métaboliques supplémentaires, des résistances aux antibiotiques ou des facteurs de virulence. Guidot et al (2009a) ont détecté des transferts de gènes connus ou candidat de la pathogénicité tels que les

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gènes de la famille hrp contrôlant le système de sécrétion de type III, les gènes popB et popC codant pour les effecteurs associés. Sa capacité d’acquérir et de recombiner de l’ADN par transformation naturelle (Bertolla et al. 1999; Bertolla et al. 1997) suggère une grande plasticité du génome de R. solanacearum. Les caractéristiques de son génome pourraient être à l’origine de la diversité génétique de R. solanacearum, et de sa très large gamme d’hôte et de sa répartition géographique.

Les colonies de R. solanacearum cultivées sur milieu Kelman contenant du chlorure de triphéniltétrazolium (TTC) sont visibles après 2 ou 3 jours d’incubation à 28°C (Kelman 1954). L’aspect de cette bactérie sur ce milieu sélectif dépend de son pouvoir pathogène. Les colonies obtenues à partir de plants malades sont reconnaissables et présentent un morphotype dit « muqueux » ou fluide, dû à la production massive d’exopolysaccharides (EPS) (Figure

5). Ces colonies ont une forme irrégulière, fluide, lisse et sont opaques, leur couleur est

blanchâtre à rosée au centre. Cette forme muqueuse est généralement associée à la virulence (Kelman 1954). Un variant spontané du morphotype muqueux, avirulent, forme des colonies dites « rugueuses » plus petites, rondes, et sèches car ce variant produit peu ou pas d’EPS. Le morphotype rugueux forme des colonies rondes de couleur rouge vif due à l’accumulation de formazan. La conversion phénotypique correspondant à la transition de la forme muqueuse à la forme rugueuse s’observe fréquemment en culture et également spontanément in planta (Buddenhagen and Kelman 1964). Cette conversion s’accompagne d’autres modifications : chez les mutants avirulents, la mobilité est accrue, la production de polygalacturonase est plus élevée mais les productions d’endoglucanase et de lipopolysaccharides (LPS) sont altérées (Brumbley et al. 1993; Brumbley and Denny 1990; Denny et al. 1994; Jeong and Timmis 2000). De plus, la réversion phénotypique (passage de la forme rugueuse à la forme muqueuse) est dépendante de la présence de plante hôte car elle a été observé in planta et in

vitro mais seulement en présence d’exsudat racinaire de tomate (Poussier et al. 2003).