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CHAPITRE II CADRE THÉORIQUE 39

2.2 L’analyse stratégique des systèmes d’échange de proximité 46

2.2.5 Les stratégies 83

Dans cette section, nous nous intéresserons principalement aux stratégies proposées par les auteurs pour les organisations d’économie sociale en tentant de voir dans quelle mesure elles sont applicables au cas précis des systèmes d’échange de proximité. Nous présenterons : la typologie des modalités de développement des coopératives de Desforges (1980) et le cheminement type des entreprises collectives de Malo et Vézina (2004). L’éventail de stratégies proposées par les auteurs traditionnels, plaçant les logiques de concurrence et de croissance au premier plan, ne sont que peu éclairante dans la

présente analyse. Nous nous questionnerons toutefois sur la notion de créneau et les stratégies qui y sont associées. Nous débuterons en nous penchant sur quelques éléments de distinction entre les différents niveaux de stratégie.

Le terme stratégie n’est pas monolithique. Il existe plusieurs niveaux de stratégie. Côté et al. (2008) distinguent la stratégie directrice de la stratégie d’affaires ou stratégie concurrentielle (il s’agit là des deux derniers éléments de l’encadré orientations stratégiques du modèle du tétraèdre stratégique, à la section 2.1.3). La stratégie directrice consiste en le « moyen permettant de concrétiser la mission de l’entreprise et d’atteindre ses objectifs généraux prioritaires » (p. 42). La définition de la stratégie directrice passe par l’identification de couples produit-marché. Malo (2001b) affirme que quand le choix produit-marché est déterminé par les forces concurrentielles du marché capitaliste, l’organisation perd sa spécificité. Quant à la stratégie d’affaires, elle est le « moyen pour concrétiser la stratégie directrice de l’entreprise » (p. 47). Allaire et Firsirotu (2003, dans Côté et al., p. 23) proposent plutôt une distinction entre stratégie formelle (qui mène à des choix à la limite du réalisable et entraîne des engagements durables) et stratégie actualisée (qui représente les démarches concrètes pour réaliser le vœu de la stratégie formelle).

2.2.5.1 Les modalités de développement des coopératives de Desforges

Desforges (dans Desforges et Vienney, 1980) propose une typologie des modalités de

développement des coopératives. Au nombre de cinq, les stratégies décrites par l’auteur sont :

l’émergence, le développement en surface, la polyvalence, la diversification et l’intégration en amont et/ou en aval. Ces stratégies ne sont pas exclusives et peuvent se retrouver simultanément ou successivement dans une organisation.

Desforges présente tout d’abord le développement par émergence dans lequel, dans la coopérative, le groupement de personnes et l’entreprise sont en symbiose et se conditionnent mutuellement alors que l’organisation se développe progressivement. Cette stratégie est donc celle de la genèse des coopératives dont la formation se fait en réponse à l’identification de besoins insatisfaits. Selon Bouchard (2001, citant Lévesque et Desforges, 1977), la création de l’entreprise collective peut se faire selon un modèle ascendant ou descendant ; « dans le cas où l’initiative provient de la base, la viabilité de l’association devra être forte puisque c’est elle qui donnera naissance à l’entreprise. » (p. 9). On peut donc penser à un système d’échange de proximité en développement dans lequel la mission économique (facilitation des échanges) et l’aspect social (développement de liens de solidarité) ne sont pas générateurs de tensions au sein de l’organisation.

Une fois les besoins des membres comblés, l’organisation peut chercher à rejoindre de nouvelles personnes (Bouchard, 2001, d’après Desforges 1980) : il s’agit du développement en surface. Cette modalité implique un élargissement du sociétariat, notamment afin d’atteindre une plus grande efficacité par la taille et de faire bénéficier à plus d’individus des avantages coopératifs. L’élargissement peut se faire par le recrutement de nouveaux usagers, l’ajout de points de services ou le soutien à la création d’une autre organisation similaire sur un territoire différent. Dans le cas des systèmes d’échange de proximité, il n’y a à proprement parler aucun objectif d’efficacité, mais un nombre critique d’usagers doit être atteint afin d’assurer un équilibre entre l’offre et la demande de services diversifiés. Une stratégie utilisée par plusieurs systèmes d’échange de proximité est de permettre les échanges entre membres de plusieurs organisations en établissant des équivalences entre leurs unités de compte (ces échanges sont qualifiés d’InterSel en France). Il en résulte un élargissement du sociétariat ou plutôt une entente d’alliance entre plusieurs groupes sur un territoire géographique plus ou moins étendu. Lorsque le territoire est trop étendu, cette stratégie ne représente que peu de valeur pour les membres étant donné l’importance accordée à la proximité dans l’échange de certains types de services (accompagnement, soins esthétiques, cuisine, etc.). On peut également penser aux systèmes d’échange de proximité qui travaillent à développer des partenariats avec des commerces, institutions financières et autres afin d’y faire accepter leur unité de compte. Les organisations seront alors membres ou partenaires. À la structure d’échange de biens, services et savoirs entre individus- membres, s’ajoute la possibilité de se procurer des biens ou des services chez une organisation- membre ou un partenaire, lequel peut lui aussi échanger la valeur accumulée contre des biens ou des services auprès des autres membres.

La stratégie de polyvalence entraine « un élargissement des activités du sociétaire qui sont coopérativisées » (Desforges, 1980, p.292). Plutôt que de se spécialiser dans un seul secteur d’activité sur un large territoire, la coopérative limite son expansion géographique, mais répond à un éventail plus large des besoins des membres, multipliant les liens d’usage entre les membres et l’organisation (Bouchard, 2001) ce qui « a pour objectif ou pour effet de renforcer le jumelage association- entreprise » (Desforges, 1980, p.291). Dans les systèmes d’échange de proximité, l’ajout de nouvelles activités, comme des groupes d’achat et du micro-crédit, correspondrait à cette stratégie. L’ajout de foires d’échange de biens dans une organisation où seul l’échange de services est initialement prévu relèverait aussi d’une stratégie de polyvalence.

Lorsque la coopérative diversifie ses activités dans des secteurs liés, complémentaires ou non, il est plutôt question d’un développement par diversification. Cette diversification peut se faire en partenariat avec des entreprises privées, d’autres organisations d’économie sociale ou des

organisations publiques. Selon l’auteur, l’objectif est de faire bénéficier aux membres de la valeur ajoutée issue de l’ajout d’activités à l’entreprise, en optimisant l’utilisation des équipements ou des expertises développées. « La finalité coopérative est quand même visée au plan sociétal et macro- économique » (idem, p. 294). La stratégie de diversification peut devenir une stratégie de développement en surface si les nouveaux usagers deviennent membres de l’organisation (Bouchard, 2001). Cette stratégie, au premier abord, semble moins en phase avec la situation des systèmes d’échange de proximité. Elle pourrait se traduire par une décision d’une organisation de commercialiser à l’extérieur les produits d’artisanat de ses membres ou de donner des formations payantes sur l’échange de proximité. Le public visé par ce type de stratégie n’est alors pas spécifiquement les sociétaires et c’est le développement de la coopération qui est visé, plutôt que celui de la coopérative.

Enfin, l’intégration d’activités en amont ou en aval de l’activité initiale de la coopérative est peu susceptible de se retrouver dans un système d’échange de proximité. Les stratégies de développement par émergence, en surface et par polyvalence sont, selon nous, les plus pertinentes pour ces organisations, à ce stade-ci de développement du mouvement et dans le contexte environnemental actuel.

Bouchard (2001) précise que des regroupements d’entreprises collectives peuvent prendre part aux cinq modalités de développement proposées par Desforges : en assurant la promotion des organisations, en soutenant ou développant de nouvelles activités pour les membres ou en permettant de rejoindre de nouvelles catégories d’usagers. La collaboration entre les entreprises collectives n’est toutefois pas aisée. En effet, « […] les entreprises d’économie sociale, à la base, opposent généralement une forte résistance au modèle intégrateur » (Malo, 2000 dans Côté et al., 2008, p.323). L’autonomie est une valeur fondamentale dans ce type d’organisation. Certaines conditions doivent être réunies pour favoriser les regroupements : l’urgence d’un besoin à satisfaire, le leadership (celui des dirigeants d’une entreprise pionnière notamment), la mobilisation des moyens et des personnes, et la cohésion, surtout lorsque l’environnement devient hostile (Lévesque, 1980, dans Côté et al., 2008). D’après Malo (2000, dans Côté et al., 2008, p.323), la collaboration peut prendre quatre formes : « l’autonomie des organisations locales [...] la concertation autour d’une table de concertation […] la fédéralisation par l’adhésion volontaire à un regroupement […] l’intégration découlant de fusions successives et donnant lieu à une organisation unique pour un secteur donné ». Le regroupement peut même être imposé par l’État ou un bailleur de fonds important.

Dans tous les cas, Bouchard (2001) affirme qu’il est important que les entreprises collectives « sortent de leur isolement et se regroupent aux niveaux local, régional et national, tout en développant

des stratégies de concertation avec les pouvoirs publics, les municipalités, les institutions publiques scolaires, de santé et de services sociaux » (idem, p.11). Le développement de partenariats avec des entreprises marchandes et le service public permettrait aussi de diversifier les sources de financement et d’assurer un certain encadrement technique et professionnel.

2.2.5.2 Le cheminement type des entreprises collectives d’usagers de Malo et Vézina

Malo et Vézina (2004) proposent, à partir de l’approche stratégique et des configurations organisationnelles et mécanismes de coordination de Mintzberg, une modélisation des cheminements type que peuvent emprunter les entreprises collectives d’usagers. L’évolution en trois phases mène à cinq stratégies de création de valeur propres à ce type d’organisation. Les deux premières étapes de l’évolution sont communes à toutes les organisations. Ce sont l’expérimentation (création sur le mode de l’expérience innovante) et la diffusion de l’innovation. Suite à ces étapes, l’organisation entre dans une phase critique où émerge une tension entre la standardisation et l’innovation qui la pousse à choisir l’une des trois avenues de développement suivantes : la standardisation, la focalisation et l’hybridation. Des trois axes envisageables, seuls deux apparaissent aux auteures comme cohérentes avec l’identité de l’entreprise collective d’usagers : la focalisation, qui vise une innovation plus poussée, mais ciblant un groupe de membres restreint, et l’hybridation, qui a pour finalité de répondre à un sociétariat plus large et diversifié. Dans ce dernier cas, la combinaison entre l’innovation et la standardisation – d’où le terme hybridation – doit permettre d’atteindre efficacité et efficience dans les activités auprès des membres. Malo et Vézina abordent, pour chaque stratégie, la question de la configuration organisationnelle (entrepreneuriale, mécaniste, adhocratique, professionnelle, divisionnalisée, politique ou missionnaire) et la structure de gouvernance et management adaptée. Ces théories apportent un éclairage intéressant en ce qui concerne l’évolution des systèmes et du mouvement d’échange de proximité et permettent d’identifier des pistes expliquant les succès mitigés dans certains pays. Elles permettent également de confirmer l’importance de l’approche stratégique dans ce type d’organisation et font le pont avec les théories sur l’innovation sociale. Le schéma 2.9 représente les trajectoires possibles des entreprises collectives.

Schéma 2.9 – Le cheminement type de l’entreprise collective d’usagers

Source : Malo et Vézina (2004, p.103)

L’émergence d’une entreprise collective d’usagers est présentée par les auteures comme constituant une innovation en soi étant donné qu’elle représente l’arrivée d’un acteur organisationnel constitué différemment de l’entreprise capitaliste et de l’institution publique, car fondé sur le regroupement d’individus. L’organisation est alors relativement petite et les choix stratégiques sont orientés vers la satisfaction des besoins des membres, dans une perspective de transformation sociale qui insuffle sa vitalité à l’organisation. Les ressources étant généralement limitées, le développement est fondé sur le capital humain et social (par le bénévolat notamment). Il y a alors absence de regroupement sectoriel ou territorial. Les effets positifs de l’activité dépassent généralement déjà les membres (il y a des externalités positives). Cela semble près de la réalité des premiers systèmes d’échange de proximité qui proposaient un type d’organisation n’étant pas comparable à ce qui existait à l’époque dans la société, donc n’appartement à aucune catégorie juridique précise. C’est alors l’idée de transformer les modes de consommation et de répondre aux besoins urgents des membres qui a porté le développement de ces organisations isolées.

Il est fort possible que l’expérience tentée lors de l’émergence soit susceptible de répondre aux besoins d’autres communautés qui voudront l’expérimenter : l’innovation se diffuse donc par

essaimage18. La diffusion est présentée comme une étape succédant temporellement à l’émergence. Bien que la vision utopiste initiale soit encore présente, les entrepreneurs peuvent compter sur les connaissances acquises précédemment par les autres organisations. Il n’y a au moment de la diffusion aucun regroupement d’organisations, mais il est fréquent qu’une organisation phare soit identifiée. On commence toutefois à ressentir une tension entre le local et le sectoriel (ou régional). La reconnaissance étatique est alors un enjeu crucial. Selon Malo et Vézina, on retrouve surtout une configuration adhocratique (le compromis repose alors sur la délibération et l’ajustement mutuel) au moment de la diffusion. La gouvernance et la gestion quotidienne se définissent peu à peu de façon séparée. Il y aurait parfois un début de standardisation à cette époque. Le nombre d’organisations croit rapidement, certains modèles gagnant plus d’adeptes que d’autres (Malo et Vézina parlent de repérage

des meilleures pratiques), les uns comme les autres tentant d’obtenir une reconnaissance étatique tout

en cherchant à conserver une forte autonomie face à l’État, mais également face aux autres organisations. Un des risques identifiés par les auteurs est le danger d’isomorphisme par rapport aux entreprises privées ou à l’organisation traditionnelle du marché. Dans le cas des systèmes d’échange de proximité, il est relativement fréquent que la diffusion se réalise lorsqu’un membre vivant en périphérie du territoire d’activité d’une organisation décide de démarrer un groupe dans sa municipalité ou son quartier. Certaines organisations, les JEU notamment, donnent accès à tous, sur leur site Internet, à la marche à suivre pour fonder un nouveau système, facilitant le transfert horizontal de connaissances. Dans le cas spécifique des SEL français, il semble que la majorité des organisations naissent d’initiatives individuelles plutôt que d’essaimage (Lenzi, 2006).

Suite à la diffusion, trois options de développement se présentent aux entreprises collectives d’usagers : la standardisation, la focalisation et l’hybridation. La standardisation, résultat d’une quête d’efficience économique, est présentée comme une option à éviter. Le membre risque d’y être considéré comme un simple acheteur. Le développement se fait alors plutôt par l’ouverture de nouvelles succursales, pratique peu en harmonie avec les valeurs associatives, tout comme la gestion mécaniste. La recherche d’occasions d’affaires remplace celle de la satisfaction des membres. Il y a risque de rupture de l’équilibre entre la valeur (marché) et les valeurs (vision fondatrice) : au détriment des valeurs sociales, sociétales et humaines, seule demeure la valeur économique.

La focalisation est vue comme une opportunité de croissance équilibrée pour la petite organisation. Par cette stratégie, l’organisation se concentre sur les besoins d’un segment de membres actuels précis, relativement homogène, et axe l’innovation sur les produits et les services. La recherche d’efficience a

18

Selon Malo (2001b, p.90), « À l’échelle du mouvement, les petites associations et coopératives préfèrent se développer par essaimage plutôt que par succursalisme ». Il s’agit selon elle d’un mode cohérent avec les stratégies de créneau, mais pas avec celle de domination.

tout de même sa place, étant donné le risque de perdre des membres au profit du marché. Comme la stratégie est centrée sur un segment de marché rentable, mais peu attrayant pour le marché, elle peut être reconnue comme une stratégie de niche. La taille que peut atteindre l’organisation est donc modeste sauf si cette stratégie est couplée à d’autres. Dans le cas des services d’échange de proximité, on retrouve souvent, à première vue, cette stratégie. Plusieurs groupes affirment leur volonté de ne pas accroître la taille du sociétariat au-delà d’un certain niveau de peur de perdre leur essence. Cette voie de développement mène à la diversification dans des domaines reliés (cette stratégie présente plusieurs similitudes avec le développement par polyvalence proposé par Desforges (1980) et la structure par projet est jugée plus adaptée que celle par produit. La focalisation permet de combiner les configurations entrepreneuriale et innovatrice.

Enfin, la troisième option est celle de l’hybridation qui combine la standardisation et l’innovation pour répondre aux attentes d’un sociétariat différencié. Cette option est adaptée au regroupement ou à la grande entreprise collective d’usagers. La standardisation est vue comme essentielle au maintien d’une structure de coûts compétitive. Les auteurs affirment que cette force est tempérée par celle de la différenciation, possiblement au sein de chaque segment. Il est nécessaire qu’un projet commun soit encore fortement présent, notamment un projet d’intérêt général porté par les mouvements sociaux. Il importe alors de travailler en partenariat avec les pouvoirs publics, la société civile et le marché. L’objectif de cette hybridation entre standardisation et innovation est de créer une double valeur d’usage (interne) et sociétale (externe). Selon les auteures, « le maintien dans le champ de l’économie sociale impose [...] de relever le défi de l’intégration des valeurs à la valeur et vice versa » (p. 118). Ces organisations ne sauraient être viables sans valeur ajoutée.

2.2.5.3 Les stratégies de créneau

Peu d’auteurs en stratégie proposent des stratégies tenant compte de la spécificité des organisations d’économie sociale. Il est toutefois possible d’effectuer certains rapprochements avec les stratégies de créneau – la spécialisation et la concentration – bien que l’angle d’approche soit là encore orienté vers la recherche de profit, dans un esprit de compétition. Un créneau de marché est un segment mal desservi par les généralistes, ici les individus à la recherche de modes de consommation alternatifs, soit sur le plan du développement de liens sociaux ou sur celui de l’éthique. Les stratégies de créneau n’émergent qu’aux phases du cycle du marché où plusieurs segments cohabitent, c'est-à-dire lorsque les consommateurs ne privilégient plus tous les mêmes bénéfices.

Allaire et Firsirotu (2003) présentent trois stratégies de créneaux dont deux semblent pertinentes pour notre analyse, notamment en raison de la position par rapport au marché : la stratégie de

spécialisation et la stratégie de concentration. La stratégie de spécialisation est une « confrontation frontale de la part d’une nouvelle firme spécialisée qui veut expulser les généralistes d’un segment de marché en concevant une façon nouvelle d’exploiter ce segment » (idem, p. 397), mais l’entreprise ne vise pas à devenir généraliste, contrairement à la stratégie de concentration. En principe, elle s’adresse à des segments à fort potentiel sous-développés par les généralistes. Cette stratégie renvoie à l’idée que les entreprises capitalistes, voire même les autres organisations d’économie sociale, ne répondent pas au besoin d’un segment de la population à la recherche d’une réelle alternative au système économique et monétaire actuel, ce que font les systèmes d’échange de proximité en localisant les échanges de biens, services et savoirs des membres dans un espace à part. En outre, le segment peut devenir un marché à part entière, « Le spécialiste d’hier [devenant] souvent le généraliste d’un autre entrepreneur. » (idem, p.403). À mesure que le mouvement de l’échange de proximité prend de l’expansion, les membres potentiels se retrouvent en présence de plusieurs organisations sur un même territoire. La différenciation peut alors se faire sur la valeur symbolique du produit offert par l’organisation ou sur la valeur d’usage pour le membre (Côté et al., 2008). Plusieurs systèmes d’échange de proximité échouent possiblement lors de la segmentation de leur marché local. Ils ne peuvent satisfaire tous les membres et aspirants avec une formule unique.

La stratégie de concentration quant à elle « se fonde soit sur la négligence et l’indifférence des firmes en place à l’égard de certains groupes d’acheteurs jugés « moins rentables», soit sur le fait que des contraintes opérationnelles ou stratégiques empêchent les généralistes de bien servir certains segments d’acheteurs ou d’exploiter certains territoires géographiques. » (Allaire et Firsirotu, 2003, p.395) L’organisation qui adopte une stratégie de concentration aspire à devenir ultimement un généraliste. Cette vision se rapproche de celle des militants qui espèrent que leurs monnaies puissent remplacer complètement les monnaies nationales, rejoignant ainsi un public beaucoup plus vaste que le segment initialement ciblé.