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Annexe 5 – Cahiers

3. Le parcours de scolarisation des élèves Sourds, les méthodes didactiques les

4.1. Les stratégies d’entrée à l’écrit mis en place par Marie-Thérèse Abbou

L’investissement et l’envie de l’apprenant à acquérir certains savoirs paraissent être des facteurs essentiels à tous les domaines d’apprentissages. Les Sourds qui sont devenus bons lecteurs sans passer par la voie phonologique ont développé par eux-mêmes des stratégies. Marie-Thérèse Abbou54 (1992) raconte son parcours d'initiation à la lecture (cf. épigraphe de la partie 2. Les Sourds et l’écrit: les caractéristiques de l’écriture des scripteurs Sourds). « Sourde, comment j’ai appris à lire » est le titre de son article, où elle décrit un parcours ardu qui est marqué par deux phases de stratégies didactiques distinctes. L’oralisation était la première de ces phases. Abbou livre à ses lecteurs ses ressentis lorsqu’elle débute l’apprentissage de la lecture.

« À l'école, on m'avait enseigné la lecture à partir de la parole, malgré moi, chaque phrase écrite se transformait dans mon esprit en phrase parlée, et je me trouvais bloquée. Il était impossible de procéder ainsi d'autant que je ne prenais aucun plaisir à un tel travail de déchiffrage. Je décidai donc de briser ces réflexes et de m'orienter vers une nouvelle méthode. » MT-Abbou (1992)

54 Marie-Thérèse L’Huillier

La nouvelle méthode mise en place par l’auteur passait par des supports vidéo, des films et des livres. « Dans un premier temps, je visionnai un film à la télévision ou bien au cinéma, un film qui me plaisait, puis j'achetai le livre d'après lequel le film avait été tourné » Abbou (1992), autour desquels des discussions étaient entamées avec des amis signeurs. La première étape de cette méthode de lecture, qui se servait de trois supports – « celui du film, de ma langue et de la langue écrite » (1992) – consistait d’abord à se rappeler du film et à le reformuler en langue des signes, ensuite, entamer la lecture du livre correspondant. En faisant ainsi, l’auteur raconte que l’accès au sens du texte était plus facilement atteint. Si un mot difficile était confronté, le souvenir du film rendait le sens du mot déductible. C’est grâce à cet exercice d’« allées et venues mentales entre le film et la lecture du livre » (1992) que l’auteur a réussi son apprentissage.

Autres stratégie, décrite par Abbou (1992) était de choisir des supports sur des thèmes proches de son vécu personnel, comme d’un petit garçon Sourd, David ou Hellen Keller, Sourde aveugle qui a appris à lire et à écrire. La lecture des textes écrits par des Sourds dans le journal « La Voix des Sourds » était aussi un de ses choix de lecture, qu’elle considérait plus facile à lire. En ce qui concerne ses productions écrites pour ses interventions dans des conférences, Abbou (1992) se faisait corriger par des entendants. Cette pratique lui permettait d’apprendre et de découvrir comment ses propos qui se présentaient à l’origine en langues des signes, été réalisés en français écrit. Il s’agissait de travailler la mémoire visuelle au profit de la compréhension du texte écrit. Le fait de travailler d’abord le sens et ensuite le texte est une stratégie qui se rapproche des fondements de la méthode idéo-visuelle.

4.2. La Méthode idéo-visuelle

Il s’agit d’une méthode d’enseignement du français écrit, qui, contrairement à la syllabique, où le son est le principe de base, n’établit pas la décodification des mots comme clé d’accès à la lecture. La méthode idéo-visuelle proposée aux enfants entendants est défendue par les chercheurs de l’INRP55 de Paris, E. Charmeux et J.

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Foucambert. Ces derniers considèrent comme une erreur multiple, le fait de débuter l’apprentissage de la lecture par le déchiffrage des mots, comme le fait la méthode syllabique. Selon ces auteurs, les analyses sur l'acte de lire confirment que le déchiffrage ne concerne pas la lecture, puisqu’il s’agit d’un fonctionnement contraire à celui de la perception visuelle qui ne tend pas à une discrimination linéaire, lettre à lettre.

D’après ces recherches « l'efficacité de lecture dépendant de la taille de l'empan visuel, habitue l'enfant à lire linéairement, lettre par lettre, ne peut qu'handicaper gravement la maîtrise du savoir lire. »56. Le principe de la méthode idéo-visuelle est de partir d’une exploitation globale du texte pour ensuite, faire une décomposition des mots, puis en syllabes et enfin en lettres. Il s’agit d’une méthode surtout basée sur la mémoire visuelle et auditive.

« le déchiffrage est quasi impossible dans une langue comme le français où la syllabe orale n’est pas transcrite à l’écrit, et où les lettres les plus importantes sont celles qui ne correspondent à aucune prononciation ; de ce fait, donner l'habitude de passer par l'oral pour comprendre ne peut que mettre en difficulté le futur lecteur, qui doit au contraire apprendre à comprendre directement avec les yeux, d'autant plus que le texte écrit ne ressemble généralement pas à ce qui se dirait à l'oral, pour dire la même chose. »57

A partir de ces réflexions, le débat autour de l’accès à la lecture par des enfants Sourds semble se rapprocher sur certains points des contestations faites par E. Charmeux et J. Foucambert sur la méthode traditionnelle58. D’après eux, l’accès au sens devrait être travaillé en premier – ce qui implique l’enseignement d’une LS aux enfants Sourds pour pouvoir travailler la compréhension du sens d’un texte à partir de cette langue qui lui est accessible – afin que l’élève puisse déduire par ses propres observations logiques les caractéristiques du système linguistique à apprendre. Grâce à cette réflexion, l’apprentissage pourrait se présenter plus logiquement à l’apprenant et non pas comme un système extérieur à connaitre par cœur. Cela pourrait éviter aux apprenants d’avoir une consolidation illogique du système linguistique et de l’appliquer par conditionnement mécanique et non pas par son appropriation autonome.

56 http://www.charmeux.fr/blog/index.php?2014/09/16/248-a-force-de-froler-le-ridicule-on-finit-par-tomber-dedans,

consulté le 9 juin 2017

57 Ibidem.

4.3. Le « pont didactique » entre la langue de référence et la langue cible :