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Annexe 5 – Cahiers

1.3.2. Le rôle spécifique du regard

D’après les études de Vergé (2001), le « système pronominal français est représenté par la direction du regard » (2001 : 262). La direction du regard indique celui qui a la place d’interlocuteur dans le discours. Dans la figure 38 le locuteur regarde la caméra, qui joue le rôle de la deuxième personne du discours. Lors de la figure 39 le regard du locuteur a changé de direction, de façon à « nommer » quelqu’un d’autre pour le rôle d’interlocuteur.

26 Cuxac (2000 : 235)

Figure 38 : Le locuteur dirige son regard vers la caméra

qui joue le rôle de l'interlocuteur.

Figure 39 : Changement de direction de regard et

d'interlocuteur.

Ce jeu de regard peut avoir d’autres rôles, comme le changement de discours lors des récits où le locuteur raconte une histoire et rentre dans la peau d’un des personnages par le transfert personnel. Le changement de discours serait aussi possible grâce au détour du regard. Dans un discours, lorsque le locuteur se sert d’un transfert personnel, son regard se détourne de celui de son interlocuteur. Le regard aurait également une fonction déictique dans le discours, comme illustre la séquence de figures suivantes :

Figure 42 : Deuxième partie du

signe HISTOIRE

Figure 48 : TP petite fille

en train de mettre sa capuche.

Figure 41 : Première partie du

signe HISTOIRE

Figure 45 : FILLE Figure 40 : RACONTER

Figure 44 : TTF petit. Figure 43: TP petite-fille ramène

quelque chose au dos.

Figure 47: TP petite fille met sa

capuche.

Figure 46: TP petite fille tient un

« panier » avec la main gauche et ramasse quelque chose de rond, « une pomme » par exemple, avec la main droite.

Lors de trois premières images, le locuteur prend le rôle de narrateur de l’histoire. Son regard est dirigé vers l’interlocuteur et son corps est face à la caméra. Ainsi, le discours est caractérisé donc comme discours narratif.

Lors des quatrième et cinquième images, le locuteur assume une autre posture, celle du discours descriptif, pour présenter le personnage petite fille. La direction de son regard change et son corps se tourne vers là où sera placé le personnage décrit. A partir de la sixième image, le discours change de nouveau lorsque le narrateur rentre dans la peau du personnage décrit, la petite fille, par le transfert personnel. Dans ce cas, tout ce que le personnage transféré dit serait considéré comme un transfert personnel discours rapporté. Selon Sallandre (2003 : 133) le transfert personnel discours rapporté standard se réalise quand « le locuteur s’efface et devient l’entité transférée qui dit quelque chose en standard dans un discours rapporté. ».

La colocation pronominale et le style de discours sont des exemples des rôles du regard dans le discours. Selon Vergé (2001) « on peut alors penser que faire prendre conscience aux Sourds du rôle du regard – de sa direction plus précisément – dans sa propre langue pourrait lui permettre de mieux comprendre sa transposition en français écrit et d’améliorer ses compétences à l’écrit. » Vergé (2001 : 262). D’où l’importance d’avoir un enseignant Sourd ayant une maitrise consciente des multiples spécificités de sa propre langue (la LSF), afin de travailler en binôme avec l’enseignant entendant spécialiste du français, qui apportera à son tour ses connaissances dans sa propre langue (le français).

Nous remarquons dès le début de cette analyse descriptive que la LSF présente des caractéristiques propres aux langues naturelles. Ces éléments se réalisent en LSF de façon très éloignée de celle vérifiée en français écrit. Mettre en comparaison chacun de ces points grammaticaux et syntaxiques en LSF et en français écrit peut nous donner des pistes pour constituer une didactique spécifique au public Sourd. De ce fait, l’échange entre un Sourd spécialiste en LSF et un entendant spécialiste en français nous semble essentiel dans une classe bilingue où les perceptions et les détails de chaque langue doivent être largement exploitées et mis en comparaison. Par la suite, nous continuerons donc notre réflexion contrastive afin de présenter au mieux nos objets d’étude.

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1.4. Quelques éléments pertinents de la syntaxe et de la phonologie en grammaire des LS: réflexions contrastives entre la LSF et le français écrit

Nous pouvons constater par les exemples grammaticaux et syntaxiques de la LSF, que les notions de quantificateur et qualificateur, les valeurs actantielles et les fonctions déictiques ne semblent pas être exprimées de la même façon en français écrit et en LSF.

En langue des signes, ces notions semblent faire partie intrinsèque de la constitution verbale et nominale. Elles sont représentées par le plissement des yeux, le gonflement des joues, des soufflements, ces éléments qui selon Cuxac (2000), font partie des « structures minimales de grande iconicité » (2000 : 31). Cette explication rejoint par ailleurs la définition de morphème27 par excellence, ce qui montre la

relation intrinsèque et la combinaison entre les morphèmes pour la construction du sens global d’une unité distincte.

Figure 49 : Fusellier (2004 : 157) – La phonologie des langues des signes.

En français, ces notions de quantificateur et qualificateur, les valeurs actantielles et les fonctions déictiques, semblent être représentées non pas par des morphèmes mais par des unités distinctes - à part entière - qui appartiennent à des catégories grammaticales comme les adverbes, les adjectifs, les expressions adverbiales ou nominales (par ex. : les mots «grand » ;

27 Morphème : est une unité linguistique minimale ayant une forme et un sens.

« pointu » ; « petit » ; « vite » ; « gros, volumineux » ; « fort ») qui sont détachés de la structure principale (verbe ou nom).

La notion d’un morphème assimilé à la structure verbale ou nominale est néanmoins présente en français lors de la constitution des unités lexicales, conformément au schéma ci-dessous (fig. 50). La temporalité, en français, paraît suivre ce même schéma mais constitué par des morphèmes associés aux verbes, afin de renseigner sur le temps verbal - comme les morphèmes qui expriment le temps imparfait (souligné) « - ais/- ait/ - aient » ou les morphèmes qui indiquent les personnes « - s/ - t/ - ent », comme le montre la figure 50 ci-dessous.

Figure 50 : Exemple de combinaison morphémique pour la constitution d'une unité lexicale28

L’analyse contrastive et le dialogue entre ces deux langues - français et LSF- sur les notions décrites aux paragraphes ci-dessus, semble être importante dans l’enseignement du français écrit en classes bilingues. La conscience métalinguistique des élèves sur les paramètres et ses fonctions dans la langue de référence, semble être pertinente pour la compréhension d’un système linguistique distinct. La langue de référence (LSF) obéit à une grammaire et une syntaxe spécifiques dont la richesse est rendue possible par le canal visuo-gestuel. Voici quelques réflexions contrastives entre ces deux systèmes linguistiques.