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Partie 1: Positionnement du problème

4. Les expériences didactiques et les stratégies d’apprentissage et

4.3. Le « pont didactique » entre la langue de référence et la langue cible :

Depuis plusieurs années, différentes techniques se sont développées sur le terrain, afin de rendre possible le dialogue entre la langue de référence et la langue cible dans la classe. Prinz & Strong (1998) ont catégorisé quatre techniques utilisées spécifiquement dans l’enseignement du français écrit au public des jeunes Sourds. Il s’agit des techniques assez connues, comme les formes signées de la langue orales (Mayer & Akamatsu, 1999; Mayer & Wells, 1996), couramment connues sous le nom de français signé ; les techniques de glossing (Singleton & al., 1998) ; la technique de chaining (Padden & Ramsey, 1998, 2000) ; la technique de SignWriting59 (Sutton & Gleaves, 1995). Niderberger (2004) introduit à cet ensemble, les techniques de traduction (Lelièvre & Dubuisson, 1998) et les comparaisons inter-langues explicites (Vercaingne-Ménard, 2002).

Il existe, actuellement, plusieurs débats autour de ce sujet. Selon (Mayer & Akamatsu, 1999; Mayer & Akamatsu, 2000; Mayer & Wells, 1996) la maîtrise d’une langue écrit présuppose l’acquisition préalable d’une langue de référence. Les enfants Sourds, locuteurs d’une langue des signes, auraient leur accès à l’écrit bloqué en dépit de la grande différence structurelle entre les deux langues. Ces auteurs défendent donc l’idée que l’enseignement du français devrait être entamé par la technique du français signé60. D’après la théorie Common Underlying Proficiency (Cummins, 1989), la connaissance préalable des concepts pourrait faciliter l’apprentissage de ceux même dans une langue seconde.

« "Conceptual knowledge developed in one language helps to make input in the other language comprehensible." If a child already understands the concepts of "justice" or "honesty" in her own language, all she has to do is acquire the label for these terms in English. She has a far more difficult task, however, if she has to acquire both the label and the concept in her second language. »

Cummins (2000)

59 Voir http://www.signwriting.org

60 Français signé : « l’utilisation de signes de la LSF ordonnés selon la syntaxe linéaire de la langue française. (…) La

traduction en français signé serait la suivante : JE AIMER ALLER MOI PROMENER , PEUX TOI PRÊTER TON VÉLO ? En langue des signes française la traduction donnerait : ( JE ) ENVIE PROMENER , VÉLO TON PRÊTE PEUT ( TOI )? » https://interpretelsf.wordpress.com/2012/09/16/langue-des-signes- francaise-versus-francais-signe/, consulté le 16 octobre 2017.

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Les techniques de glossing (Singleton et al., 1998), consiste dans l’utilisation des différentes formes intermédiaires entre production orale en langue des signes et en français écrit. « Par exemple, Neuroth-Gimbrone et Logiodice (1992) présentent un modèle pour enseigner l’anglais écrit à des adolescents Sourds fondé sur le renforcement des compétences en ASL61, le développement des capacités métalinguistiques en ASL et en anglais, et des traductions de leurs propres productions. Les adolescents produisent d’abord des narrations en ASL, filmées en vidéo » d’après Niederberger (2004 : 44). Après cette étape, les élèves effectuent plusieurs traductions possibles dans la langue écrite – dans ce cas, l’anglais – en se servant de leur propre système de notation, d’où le nom glosses, pour ensuite transcrire l’ASL en anglais écrit. Selon l’auteur, cette phase intermédiaire permet, de mieux comparer les deux langues et de réfléchir sur des points spécifiques de la traduction.

La technique de chaining (Padden & Ramsey, 1998, 2000) consiste à travailler consécutivement trois systèmes : le mot écrit, sa représentation en dactylologie et ensuite, sa signification en langue des signes. Le but de cette technique est de renforcer les systèmes de représentation.

Le SignWriting est une technique qui consiste à travailler l’écrit à travers d’un codage bidimensionnel des signes. Cette technique, illustrée par les figures suivantes, a pour but la conservation des traces de la langue des signes sur un support bidimensionnel. La transposition d’une langue à plusieurs dimensions vers un support à deux dimensions occasionne la perte de quelques paramètres lors de la transcription, malgré cela les locuteurs peuvent garder une trace de leur production orale.

Figure 66 : Les signes basiques de SignWriting.62

Figure 67 : Exemples de phrases écrites avec SignWriting.63

Niederberger (2004) expose d’autres techniques comme celle de la traduction de l’ASL vers l’anglais écrit s’est montrée efficace et rapide. Selon les études d'Akamatsu et Armour (1987), cité par Lelièvre & Dubuisson (1998) à la fin de quelques semaines d’utilisation de cette technique les productions écrites des élèves ont présenté des améliorations.

La technique de comparaison inter-langue a été objet d’étude de plusieurs chercheurs (Vercaingne-Ménard, 2002 ; Lelièvre, Dubuisson & Daigle, 1998 ; Strong & DeMatteo, 1990) qui suggèrent l’utilisation de ce modèle par les élèves Sourds, afin de leur permettre de créer des repères structuraux de la langue écrite en la comparant avec la

62 http://www.omniglot.com/writing/signwriting.htm, consulté le 2 août 2017. 63 http://www.signwriting.org/forums/linguistics/ling004.html, consulté le 2 août 2017.

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structure de leur propre langue des signes. Les résultats de cette étude révèlent une amélioration dans la compréhension des élèves à faire la distinction lexicale et morphosyntaxique de deux langues, alors que les enfants plus jeunes se servaient fondamentalement de la langue des signes pour comprendre l’écrit. La figure suivante illustre un exemple possible de comparaison inter-langue.

Figure 68 : Cahier LSF - français.

Nous avons vu tout au long de cette première partie que la langue des signes a une structure distincte de celle des langues vocales, ce qui engendre un développement cognitif spécifique chez les locuteurs de cette langue. Nous avons présenté également les études qui ont analysées les étapes de la lecture. Puis, à travers de la typologie des erreurs nous avons exploité quelques spécificités de l’écriture des scripteurs Sourds, ainsi que le parcours d’une apprenante Sourde et quelques stratégies développées par elle-même, afin d’apprendre à lire et à écrire.

Nous avons remarqué l’importance de l’élaboration de méthodes didactiques adressées à ce public et d’assurer l’exécution des droits constitutionnels à tous les enfants à travers une révision du rôle fondamental et des devoirs de l’école. Enfin, nous avons montré certains exemples des méthodes d’enseignement qui établissent un lien de passage entre la langue des signes et le français écrit. Dans la deuxième partie de ce mémoire, nous allons présenter quelques observations obtenues sur le terrain grâce à un stage d’un mois au sein d’une classe bilingue.