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Chapitre 4 Stratégies de pilotage décentralisé et centralisé des générateurs

IV.5 Stratégies de pilotages centralisé et décentralisé

En parallèle des études précédemment présentées sur le pilotage décentralisé des GED, des recherches sont réalisées sur le pilotage centralisé dans le cadre des travaux de thèse de Clémentine Benoit [BEN 15]. Afin de comparer les apports des deux types de pilotage, centralisé et décentralisé, ce paragraphe exploite des simulations de pilotage similaire réalisé en centralisé dans les travaux de thèse de [BEN 15] et en décentralisé dans les chapitres III et IV.

- 129 - Contrairement aux trois pilotages présentés dans le paragraphe IV.3, les systèmes de pilotage centralisé impliquent des moyens de communication permettant au GRD d’avoir une vision globale de son réseau afin de piloter les différents moyens de flexibilité. Les moyens de flexibilité présents, ou envisagés, sur le réseau de distribution sont multiples, avec notamment le délestage diffus des charges, le stockage énergétique, les transformateurs avec régleur en charge, le pilotage des GED et la recharge des VE, etc. Dans cette étude, uniquement la flexibilité offerte par les GED est considérée afin d’être comparée aux solutions de pilotage décentralisé présentées précédemment. Que le pilotage soit centralisé ou décentralisé, l’objectif reste le même, ainsi, dans ses travaux [BEN 15] étudie des pilotages centralisés de GED visant à réduire les dépassements de contrainte (en amplitude de tension, en déséquilibre de tension et en amplitude de courant de phases et de neutre) et à diminuer les pertes pour de forts taux d’insertion de GED. L’objectif est d’augmenter la capacité d’accueil du réseau de distribution. Ce paragraphe compare ces deux approches en termes de gain sur les grandeurs physiques du réseau et évalue les conditions d’implémentation des deux solutions. Les comparaisons sont faites entre des stratégies travaillant sur le pilotage des mêmes sorties (les puissances des GED ou la phase de raccordement). Les résultats de ces comparaisons sont présentés de façon qualitative puisque l’évaluation des deux approches est faite sur des modélisations différentes.

IV.5.1 Le pilotage de la puissance réactive

Dans son approche de pilotage des puissances de sortie des GED en centralisé, [BEN 15] fait l’hypothèse que les informations suivantes sont communiquées en temps réel et constituent des données d’entrées accessibles pour l’algorithme du GRD calculant les consignes des GED :

- Le module de la tension aux bornes de l’ensemble des clients et des GED connectées au départ. - Les puissances active et réactive, consommées par les clients et produites par les GED connectées

au départ.

Dans un contexte de réseau Smart Grid, ces hypothèses sont faites en considérant que l’ensemble des consommateurs et producteurs sont équipés de compteurs intelligents capables de communiquer ces mesures. Contrairement à la plupart des solutions de pilotage centralisé proposées dans la littérature, la topologie du réseau, ainsi que les impédances des conducteurs, ne sont pas considérées comme connues pour le calcul des consignes. Une estimation de la topologie du réseau est faite grâce à une période d’apprentissage et aux données communiquées par les compteurs intelligents (voir chapitre II de [BEN 15]).

A partir de ces hypothèses, l’algorithme de calcul de répartition de charge optimale du GRD, OPF (Optimal Power Flow en anglais : calcul de répartition de charge optimal), détermine les consignes des puissance active et réactive de l’ensemble des GED présentes sur le départ dans l’objectif de diminuer les risques de dépassements de contrainte. Pour cela, l’OPF cherche à minimiser le déséquilibre des puissances à chaque nœud du réseau en respectant les contraintes suivantes :

- Ø ∀ Ù ^Zb a ^ _ ∀ ? Ù ?ℎ` ^ 0,9 ¿ Ú ,-Ú ¿ 1,1 ( . 3)

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- ,5S m (_) ¿ Ûy/2Æ œ•™ ² − !2(_)² ( . 5)

Avec : Ú -Ú : Le module de la tension au nœud à la phase ?.

‹ ^‡ !Z ` ^25k › : Le coefficient appliqué à la puissance active produite par la GED, limité à 0,8 afin de ne pas pénaliser excessivement la production de puissance active.

,5S m (_) : La consigne de production de puissance réactive de la GED à l’instant _.

y/2Æ œ•™: La puissance maximale de la GED

!2 (_) : La puissance active produite par la GED à l’instant _.

Les résultats de cette optimisation, présentés dans les travaux de [BEN 15], mettent en évidence les gains plus intéressants obtenus par un pilotage centralisé des GED par rapport à un pilotage décentralisé, au détriment, bien entendu, d'un coût et d'une complexité de mise en œuvre plus élevés. Les problèmes de déviation de la tension sont résolus par le critère de convergence ( . 3) de l’optimisation, tandis que les fonctions à minimiser permettent de réduire les déséquilibres de tension et les courants de neutre, donc également les pertes sur le réseau. La connaissance globale de l’état du réseau en temps réel par le GRD permet donc de réduire les risques de dépassements de contrainte en tension sans augmenter les pertes et les déséquilibres de tension, contrairement aux solutions de pilotage décentralisé vues précédemment (notamment le pilotage par suivi de variation de tension présenté dans le paragraphe IV.3.2).

Cependant, les résultats des approches de pilotage centralisé sont à considérer avec précaution de par la complexité de réalisation qu’ils engendrent, comme évoqué ci-dessus. En effet, obtenir en temps réel l’ensemble des données nécessaires implique une importante structure de communication. De plus, la notion de temps réel reste relative, puisqu’équiper la totalité des usagers du réseau de distribution avec des compteurs communicants ne signifie pas disposer d’une communication temps réel. La fréquence de communication des équipements va fortement nuancer les résultats. Comme le montre la figure II.4, la dynamique de variation des courbes de consommation des clients peut être importante, avec une fréquence d’échantillonnage des communications des compteurs lente, les consignes de production de GED, une fois transmises, risquent de ne plus correspondre à l’état du réseau. Enfin, ce type de pilotage implique l’installation de matériels disposant d’une puissance de calcul importante dans les postes HTA/BT.

IV.5.2 La commutation de phase

Le concept du système à Commutation Automatique de Phase, présenté dans le chapitre III et fonctionnant de façon décentralisée, a été repris dans les travaux de [BEN 15] en le transposant à un pilotage centralisé. La décision de commutation de phase de la GED monophasée n’est donc plus prise suite à des mesures de grandeurs locales, mais suite à un calcul d’optimisation, utilisant les mêmes données d’entrées que précédemment dans le pilotage centralisé des puissances de sortie des GED

- 131 - (voir paragraphe IV.5.1). La fonction objectif de l’OPF est de minimiser le déséquilibre en tous les nœuds raccordant des charges ou des GED. A la suite du calcul d’optimisation, le GRD envoie à chaque GED la phase sur laquelle se raccorder. Les variables de sorties sont donc uniquement les phases de connexion des GED, aucune consigne n’est donnée sur les puissances.

Ce pilotage centralisé est évalué en simulation dans les travaux de [BEN 15]. Avec la connaissance en temps réel de la tension et des puissances actives et réactives des clients, l’optimisation de la phase de connexion des GED permet de diminuer le déséquilibre de tension, les pertes sur le réseau, ainsi que les variations de tension aux bornes des utilisateurs.

Contrairement au pilotage des puissances de sortie des GED, où l’approche centralisée présente une plus-value importante par rapport à l’approche décentralisée, le gain apporté par le pilotage centralisé pour la commutation de phase des GED monophasées est plus discutable. En effet, pour le pilotage des puissances de sortie, l’approche centralisée permet de réduire les problèmes d’augmentation des pertes et du déséquilibre de tension que l’on peut retrouver avec un pilotage décentralisé (voir paragraphe IV.4.3 et IV.5.1). L’intérêt du pilotage centralisé est évident puisqu’il résout le problème principal rencontré avec le pilotage décentralisé. Pour ce qui est du pilotage de la phase de raccordement des GED, l’approche centralisée présente peu d’avantages devant la difficulté supplémentaire d’implémentation qu’elle implique. Une fois de plus, les modélisations étant différentes entre les études de [BEN 15] et celles de ces travaux de thèse, la comparaison ne peut être qualitative. Cependant, au vu des résultats de simulation du système CAP, présentés dans le chapitre III, et de l’étude de [BEN 15] (chapitre III : Improved network operation with centralized Real Time

information), que le pilotage soit centralisé ou décentralisé, le contrôle de la phase de raccordement de

la GED monophasée dégage des gains comparables.

IV.6 Conclusion

Dans la continuité des études de raccordement de GED monophasée étudiées dans le chapitre III, des stratégies de pilotage des puissances de sortie des GED ont été évaluées. Trois nouveaux pilotages décentralisés ont été présentés, tous trois imaginés dans un contexte de réseau Smart Grid où les consommateurs sont équipés de compteurs communicants. Le premier pilotage, la compensation locale de la puissance réactive, permet d’utiliser la GED pour compenser l’énergie réactive localement consommée par le client propriétaire de cette GED. Le deuxième pilotage, le suivi de variation de tension, utilise la valeur de la sensibilité locale du réseau, estimée suivant la méthode présentée dans le chapitre II, pour effectuer un pilotage de type VVC afin de limiter les fluctuations de la tension. Et enfin, le troisième pilotage présenté dans ce chapitre est un mix des deux premiers, où la GED est contrôlée suivant le premier ou le deuxième pilotage en fonction du niveau de tension à ses bornes. Ces trois pilotages décentralisés ont ensuite fait l’objet de simulations afin d’évaluer leurs impacts respectifs sur un départ basse tension utilisant des courbes de charge réelles. Les simulations ont permis de mettre en évidence la nécessité de pouvoir basculer d’un pilotage à un autre afin de limiter l’augmentation des pertes et du déséquilibre occasionnés par le second pilotage. Enfin, dans la dernière partie, le pilotage décentralisé de la phase de raccordement du chapitre III (système CAP), et

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les pilotages de la puissance réactive de ce chapitre sont comparés qualitativement à des pilotages équivalents en centralisé. Cette comparaison montre que des problématiques rencontrées avec des pilotages décentralisés peuvent être résolus en travaillant avec des solutions centralisées. Cependant, le pilotage centralisé implique des moyens de communication supplémentaires importants avec les coûts associés. Pour le pilotage de la phase de raccordement des GED monophasées, la comparaison des deux approches, centralisée ou décentralisée, tend à conclure que la complexité engendrée par la solution centralisée ne produit pas une amélioration importante du système.

Le pilotage de la puissance réactive en décentralisé étudié dans ce chapitre et le système à Commutation Automatique de Phase présenté dans le chapitre III ont été étudiés de façon séparée. Réaliser des simulations joignant les deux pilotages est une perspective intéressante qui permettrait d’observer l’évolution de la capacité d’accueil d’énergie renouvelable d’un réseau en pilotant conjointement la phase de raccordement de l’installation ainsi que la puissance réactive. Concernant la comparaison des approches centralisée et décentralisée, une étude des deux types de pilotage à partir d’une même modélisation permettrait de quantifier leurs apports.

Les solutions de pilotage présentées dans les deux précédents chapitres ont été évaluées à partir de simulation numérique. La modélisation d’un départ BT a été utilisée pour observer l’évolution des grandeurs caractéristiques d’un réseau en fonction de la phase de raccordement ou du niveau de puissance injectée par des GED. Dans ces simulations, la GED est uniquement modélisée par une injection de puissance. Afin de tester le comportement des GED, et plus précisément celui des onduleurs solaires, face à ces stratégies de pilotage, le chapitre suivant reprend les pilotages dans des simulations hybrides temps réels intégrant un onduleur solaire physique.

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