• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 4 RESTITUTION DU MOUVEMENT EN SIMULATION DE CONDUITE

4.3. Architectures logicielles employées

4.3.4. Stratégies de commande

La stratégie de commande est la partie du logiciel de simulation permettant de piloter les déplacements physiques du simulateur. Ces déplacements physiques étant bridés par l’architecture mécanique (position, vitesses, accélérations… maximales atteignables), elle doit réaliser un compromis entre optimiser la restitution des accélérations et maintenir le simulateur dans ses limites physiques. La littérature fournit un grand nombre de stratégies

4.3 Architectures logicielles employées 71 de commande différentes, et le motion cueing est encore actuellement un sujet ouvert de recherche. Nous proposons ici un rapide aperçu des principales stratégies de commande employées ainsi que leurs avantages et inconvénients.

Stratégie classique

La stratégie dite classique est la première stratégie de commande à avoir été développée et utilisée en simulation. Elle a initialement été développée par (Schimdt et Conrad 1970) pour de la simulation de vol à la NASA, puis modifiée par la suite par (Sinacori 1973) puis (Reid et Nahon 1985). Elle constitue le point de départ de la plupart des autres stratégies de commande. Très utilisés dans les simulateurs commerciaux pour la simplicité de sa mise en œuvre, elle propose d’effectuer une décomposition fréquentielle des accélérations du véhicule simulé.

Les accélérations linéaires et angulaires du véhicule simulé sont filtrées par un filtre passe-haut du 3ème ordre permettant à la fois de maintenir le simulateur dans ses limites et de ramener le système mobile dans sa position neutre (washout). Un filtre “anti-backlash” peut également être ajouté pour réduire des artéfacts induits par le filtrage passe-haut (Reymond et Kemeny 2000). Les accélérations soutenues longitudinales et latérales (calculées par filtrage passe-bas) sont restituées par tilt coordination. La Figure 49 illustre cette stratégie pour le cas des mouvements longitudinaux et des rotations de tangage.

La stratégie « classique » est plutôt simple à mettre en œuvre. Cependant, le réglage de ses paramètres peut se révéler long et fastidieux car effectué par essais/erreurs. De plus, l’utilisateur n’a aucune garantie quant au fait que la trajectoire du simulateur n’excède pas les limites physiques. C’est pourquoi le réglage des paramètres est généralement fait en considérant un cas « au pire » en termes d’amplitudes et durées d’accélérations.

Figure 49 – Structure de la stratégie de commande classique pour le cas des accélérations longitudinale et de tangage. Cette structure est généralisable aux autres axes.

Seules les accélérations transitoires (haute-fréquence) sont restituées directement. Les accélérations soutenues (basse fréquence) sont restituées par tilt coordination.

Stratégie adaptative

Pour tenter d’améliorer la stratégie classique, et notamment le réglage des paramètres, (Parrish, Dieudonne et Martin 1975) ont proposé la stratégie dite adaptative, dont le développement fut poursuivi plus tard par (Reid et Nahon 1988). Sa structure est

basée sur celle de l’approche classique. La différence se situe au niveau des paramètres ( ) des filtres qui ne sont dorénavant plus constants au cours de la simulation. Ils sont recalculés à chaque pas de temps de sorte à minimiser une fonction de coût définie par :

Le premier terme correspond à l’écart entre l’accélération du véhicule

simulé et l’accélération de la plate-forme calculée par l’algorithme. Les deux autres

termes et faisant intervenir la vitesse de la plate-forme et sa position servent à limiter les déplacements de la plate-forme et à la ramener dans sa position

neutre. Les deux coefficients pondérateurs et permettent à l’utilisateur de régler le compromis entre la fidélité de la restitution et le respect des limites physiques.

On obtient donc une stratégie non linéaire augmentant la fidélité de la restitution des accélérations autour de la position neutre par rapport à la stratégie classique. Cependant, il y a toujours des paramètres à régler ( et ), tâche s’effectuant toujours par essais / erreurs et n’étant pas évidente pour des utilisateurs non expérimentés. D’autre part, l’utilisateur n’est toujours pas assuré de ne pas dépasser les limites physiques.

Stratégie optimale

Au lieu de minimiser un coût instantané (comme dans la stratégie adaptative), (Sivan, Ish-Shalom et Huang 1982) proposent avec l’approche optimale de minimiser un coût global. Cette stratégie a été développée plus tard par (Reid et Nahon 1985) et modifiée encore plus récemment par (Telban et Cardullo 2002) pour de la simulation de vol.

Le principe consiste à déterminer « hors-ligne » (avant la simulation) pour une entrée donnée, un modèle de perception donné et sur une simulation de durée infinie, le filtre optimal qui minimise l’écart d’accélération perçue ê (Figure 50) tout en maintenant le simulateur dans ses limites. L’écart ê correspond à la différence entre l’accélération perçue dans le simulateur âpf et l’accélération qui aurait été perçue en conditions réelles âveh. La trajectoire utilisée en entrée est généralement un bruit blanc.

Figure 50 – Structure de la stratégie de commande optimale.

Pour une trajectoire donnée et un modèle de perception donné, on minimise « hors-ligne » l’écart d’accélération perçue sur une durée de simulation infinie afin d’obtenir le filtre « optimal ».

4.3 Architectures logicielles employées 73 Cette méthode utilise donc un modèle de perception humaine pour calculer les accélérations perçues. Mais ce modèle de perception n’est pas exact, car notre compréhension des mécanismes de perception du mouvement est actuellement incomplète. De plus, on retrouve un des inconvénients des stratégies classique et adaptative : les limites physiques ne sont pas explicitement prises en compte. Donc on doit à nouveau déterminer le filtre optimal pour une trajectoire en entrée considérée comme le cas « au pire ». Dans ces conditions, l’utilisateur n’est une fois de plus pas assuré de ne pas dépasser les limites physiques de son simulateur.

Stratégie prédictive

Pour surmonter les problématiques soulevées par les 3 précédentes stratégies de commande, (Dagdelen 2005) propose une nouvelle approche : la stratégie prédictive (Figure 51), basée sur la technique MPC (Model-based Predictive Control). Cet algorithme prend explicitement en compte :

 un modèle de perception humaine ;  les contraintes physiques du simulateur ;  un modèle dynamique de la plate-forme.

Cette approche non-linéaire calcule à chaque pas de temps la consigne de trajectoire à fournir à la plate-forme de sorte à :

 minimiser l’écart d’accélération perçue en utilisant le modèle de perception humaine ;

 maintenir le simulateur dans ses limites (en termes de position, vitesse, accélération) en utilisant explicitement ses contraintes physiques.

De plus :

 la trajectoire calculée n’est appliquée que si le simulateur peut être stoppé avec une décélération imperceptible (en dessous du seuil de perception) avant d’atteindre les limites en position ;

 un autre algorithme de retour en position neutre (washout) est utilisé pour ramener la plate-forme en position neutre lorsqu’elle atteint une position limite.

Cette approche, en prenant en compte explicitement un modèle de perception et les limites physiques, permet de garantir une meilleure utilisation de l’espace de travail tout en minimisant les conflits sensoriels. De plus, l’utilisateur est cette fois assuré de ne pas envoyer de commande excédant les limites physiques. Ces résultats ont été testés et validés sur le simulateur ULTIMATE de Renault (Dagdelen, Reymond, et al. 2004). Cependant, il n’a pas encore été implémenté sur d’autres simulateurs.

Figure 51 – Stratégie adaptative, d’après (Dagdelen 2005).

Le profil d’accélération du véhicule correspond à l’accélération longitudinale au démarrage. La consigne d’accélération rectiligne est calculée par la stratégie prédictive en considérant les limites du rail longitudinal d’ULTIMATE.