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Pour trouver une molécule capable d’interagir avec la maladie étudiée, il est nécessaire dans un premier temps, d’identifier une « tête de série » c’est-à-dire un composé possédant l’activité pharmacologique désirée. Une nouvelle « tête de série » peut être découverte par sérendipité, à partir des ressources naturelles, en utilisant les méthodes de criblage in silico, ou en s’inspirant de médicaments déjà existants [6].

De nombreuses molécules ont été découvertes par hasard par simple observation, comme c’est le cas du gaz moutarde utilisé pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il s’est révélé que son inhalation entrainait une destruction de globules blancs. A partir de cette observation, des molécules analogues au gaz moutarde ont été synthétisées pour cibler la leucémie, un cancer qui se manifeste par une production excessive de globules blancs dans le sang [6]. Hormis la sérendipité, la nature constitue la plus grande source de composés offrant un large spectre d’activités biologiques intéressantes. Les plantes, les micro-organismes, les organismes marins, les animaux (peau, venins) regorgent de molécules aux structures riches et variées, qui n’ont pas encore été suffisamment exploitées, et dont les activités biologiques sont encore à élucider [6]. En 2011, les molécules issues de produits naturels sont impliquées dans le traitement de 87% de maladies touchant l’homme et sont le point de départ de la découverte de nombreux médicaments [7].

Pour aider à concevoir de nouveaux composés à visée thérapeutique plusieurs méthodes in silico peuvent être employées. Lorsque la structure d’une protéine est déterminée et un site de liaison identifié, il est intéressant d’étudier les différents types d’interactions pouvant s’établir et ainsi orienter la conception de diverses molécules capables de s’insérer dans le site de liaison [6]. Si à l’inverse, la structure de la protéine n’est pas encore élucidée, il est possible par exemple de créer des modèles pharmacophoriques en superposant les structures des molécules qui sont connues pour se lier à la protéine. Ces modèles peuvent servir de guide dans le développement de nouveaux composés capables de s’insèrer dans le site actif de la protéine et d’y modifier son activité biologique.

Une autre stratégie utilise des médicaments déjà connus en thérapeutique afin d’orienter leur usage vers de nouvelles applications. Trois approches illustrent cette stratégie : le repositionnement de médicaments, la synthèse d’analogues et l’optimisation sélective des activités secondaires (SOSA).

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Le repositionnement des médicaments est l’une des approches les plus utilisées. En effet, il s’agit d’associer aux médicaments déjà existants, de nouvelles applications thérapeutiques. L’efficacité de cette méthode s’évalue en cinq points majeurs : 1) les formulations et les méthodes de fabrications sont déjà établies, 2) les données du profil ADMET (absorption, distribution, métabolisme, excrétion et toxicité) du médicament parent sont connues, 3) les essais cliniques ont peu de probabilité d’échouer, et 4) les données de pharmacovigilance du médicament sont connues. [8]. 5) Par cette méthode, le processus de mise au point d’un nouveau médicament est réduit de 12 à 3 ans [8] reflétant ainsi l’efficacité de cette approche. Le repositionnement est ouvert à un large spectre de médicaments : ceux qui ont été retirés du marché, ceux qui ont échoué pendant les essais cliniques et ceux qui sont commercialisés [8]. Les différentes méthodes permettant de repositionner un médicament sont illustrées dans la Figure 1. L’observation fortuite (voie 1), les médicaments existants qui montrent avoir une nouvelle activité biologique (voie 2), ou la découverte d’une nouvelle cible thérapeutique (voie 3) peuvent être le point de départ d’un repositionnement. Si un nouveau rôle pour une cible déjà existante a été établi (voie 4), ou si le médicament peut-être impliqué dans de nouvelles voies de la maladie (voie 5), la méthode de repositionnement peut également être réalisée. Enfin, la présence d’effets secondaires inattendus constitue aussi une occasion de développer de nouveaux médicaments par du repositonnement (voie 6) [8].

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Figure 1 : Les différentes méthodes de repositionnement d’un médicament [8]

La synthèse d’analogues est la deuxième approche décrite pour développer de nouveaux agents thérapeutiques à partir de médicaments connus [9]. Il existe trois méthodes pour le design d’analogues. La première consiste à élaborer des dérivés qui conservent les similarités chimiques et pharmacologiques de la molécule parent. Ces composés sont qualifiés « d’analogues directs ». En général, de simples modifications sont apportées à la structure telle que la substitution d’un groupement bioisostère. Ces « analogues directs » améliorent l’activité thérapeutique du médicament. La deuxième méthode conserve uniquement les similarités chimiques. Ces analogues « structuraux » possèdent une structure chimique comparable à la molécule parent mais peuvent révéler des propriétés pharmacologiques inattendues. La dernière méthode est la plus originale. Elle consiste à élaborer des analogues en modifiant la structure chimique tout en préservant le profil pharmacologique de la molécule parent. Ces analogues « fonctionnels » décrivent alors une affinité similaire à celle du médicament pour une cible donnée tout en offrant des composés avec une grande diversité structurelle. En général, cette méthode fait référence au principe du « scaffold hopping » où

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l’idée est de découvrir de nouvelles molécules en changeant significativement la structure principale du médicament mais en conservant des activités biologiques similaires. Ce principe repose sur l’hypothèse que des molécules structurellement et chimiquement différentes peuvent interagir avec le même récepteur et donner des activités biologiques comparables [9]. La troisième approche concerne l’optimisation sélective des activités secondaires connue sous le nom de SOSA (Selective Optimization of Side Activities) [10, 11]. L’approche SOSA comprend deux étapes : la première étape consiste à réaliser un screening en utilisant une petite bibliothèque de médicaments (environ 1000) aux structures diverses judicieusement choisies et dont la biodisponibilité, la toxicité et l’efficacité ont été demontrées chez les humains. La deuxième étape est l’optimisation des hits issus du screening, afin d’augmenter l’affinité pour une nouvelle cible et de réduire l’affinité pour la cible originale. Le concept SOSA a donc pour objectif de préparer des analogues de ces hits pour transformer l’activité secondaire observée en effet principal et de réduire significativement voire d’annihiler l’activité pharmacologique initiale. Un des avantages majeurs de cette méthode réside dans le fait que les molécules issues de cette approche possèdent de bons profils ADMET et présentent moins de problèmes de toxicité par rapport aux molécules préparées par d’autres approches [10, 11].

Le but de ces travaux de thèse est de développer de nouvelles molécules à partir de médicaments connus. Nous nous sommes particulièrement intéressés au cyclocoumarol, drogue utilisée en thérapeutique en tant qu’coagulant. Nous avons étudié l’activité anti-inflammatoire de ce composé et nous avons orienté notre recherche vers la préparation d’inhibiteurs sélectifs de la cyclooxygénase-2 (COX-2).

Pour mener à bien ce projet, nous nous sommes appuyés sur les outils de la bioinformatique et de la chimie médicinale. En partant de résultats antérieurs au laboratoire de chimie médicinale [12], démontrant l’activité anti-inflammatoire du cyclocoumarol (criblage in silico et évaluations biologiques), nous nous sommes intéréssés à développer une nouvelle série de dérivés du cyclocoumarol, inhibant sélectivement la COX-2. La pharmacomodulation réalisée autour de ce composé suit une approche de chimie thérapeutique relativement classique permettant par la suite de réaliser la synthèse des nouveaux analogues du cyclocoumarol. Les outils de bioinformatique nous ont guidé dans l’élaboration de nouvelles structures inhibitrices et sélectives de la COX-2, en conservant le squelette du cyclocoumarol, grâce à l’étude du mode de liaison des molécules dans le site actif de la COX-2 et à des logiciels

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permettant soit de générer des modèles pharmacophoriques (LigandScout) soit d’estimer l’affinité par une visualisation directe de la structure (SeeSar) afin de prédire les molécules les plus susceptibles d’inhiber sélectivement la COX-2.

Ce manuscrit est décomposé en 4 grands chapitres

Le premier chapitre sera consacré à la présentation de la cible COX-2. Il s’agit de comprendre l’intérêt de cette enzyme en tant que cible thérapeutique, d’étudier la structure de son site actif (forme, taille…etc) afin de pouvoir cibler les différents types de molécules capables de s’y insérer afin d’en modifier son activité. Une présentation des inhibiteurs sélectifs mis sur le marché et de leurs effets secondaires sera faite.

Le deuxième chapitre concernera les méthodes in silico. Les modèles pharmacophoriques et les études de docking seront particulièrement détaillés. Nous décrirons comment ces deux approches peuvent guider l’élaboration de molécules susceptibles de présenter de meilleures affinités pour une cible donnée.

Dans la troisième partie de ce manuscrit, nous nous attarderons à discuter du choix du cyclocoumarol, en tant que tête de série, issu d’un screening in silico en utilisant le logiciel TOMOCOMD-CARDD (TOpological MOlecular COMputational Design Computer-Aided-Rational-Drug Design). Les stratégies de pharmacomodulation envisagées seront présentées. Enfin, le dernier chapitre sera consacré à l’analyse et à l’interprétation des résultats expérimentaux obtenus aux cours des travaux de synthèse des molécules, des études de modélisation moléculaire et des études biologiques. L’analyse de ces résultats nous permettra de proposer de futures structures intéressantes à développer en tant qu’inhibiteurs sélectifs de la COX-2.

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Deuxième Partie : COX-2 et

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