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II.1 Les prostaglandines (PGs) et les thromboxanes (TXs)

II.1.4 Mécanisme d’inhibition des molécules sélectives de COX-2

Pour mettre au point des molécules efficaces, il important de i) comprendre le mécanisme grâce auquel les composés vont inhiber la COX-2 et plus particulièrement dans quelle partie de la protéine ils vont se fixer et ii) déterminer leurs modes de liaisons. Dans le cas de la COX-2, il est aussi important d’élucider les mécanismes guidant la sélectivité de certains composés pour la COX-2.

Les premières approches pour tenter d’inhiber l’activité de COX proposaient d’inhiber la réaction de cyclooxygénation de l’AA par 3 différents procédés [19, 68] : 1) Limiter la concentration du substrat. La concentration de l’acide arachidonique peut être contrôlée en bloquant sa libération par les PLA2. Pour cela, la synthèse de nouveaux médiateurs lipidiques régulant l’activité des PLA2 a été proposée, 2) Réduire la concentration des hydroperoxydes. L’activité de COX est complètement dépendante des hydroperoxydes. En réduisant leur concentration en dessous de 10 nM il a été démontré que l’activité de COX diminue, 3) Utiliser des réducteurs agissant sur les substrats présents dans la POX afin d’empêcher l’oxydation de l’atome de fer héminique qui est nécessaire à l’initiation de la réaction de cyclooxygénation. De nombreux composés contenant un groupe phénol ont été cités comme ayant potentiellement ce rôle de réducteur dans la POX. C’est le cas de l’acétaminophène, de l’acide méfenamique, et du BW755C (Figure 8). Il a été particulièrement prouvé que de tels substrats phénoliques pouvaient avoir une double fonction : activer la COX quand ils sont utilisés à faibles concentrations (0, 1-1 mM) et inhiber la COX à plus forte concentration (> 1mM) [69]. De plus, la COX peut être inhibée en piégeant le radical Tyr 385 ou en empêchant sa formation. En effet ce radical intervient tout au long du cycle catalytique de la COX : il est généré au début du cycle catalytique dans l’hème, ensuite il active l’AA, et enfin il libère la

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PGG2 en fin de cycle. Si un substrat vient piéger ce radical en début de cycle, l’hème ne serait plus sous sa forme radicalaire cationique et la COX ne serait pas activée. Le réducteur peut également empêcher l’activation de l’AA en piégant le radical Tyr 385 avant qu’il ne réagisse avec l’AA ou en piégeant le radical PGG2 afin d’éviter la formation des futurs PGs et donc empêcher l’activation de la COX [69, 70].

Figure 8 : Structures chimiques de l’acétaminophène, de l’acide méfénamique et du BW755C

Une classification a été établie en 1996, par Kurumbail et collaborateurs [53, 71]. C’est la classification la plus connue et la plus utilisée encore de nos jours : elle distingue les inhibiteurs selon leurs mécanismes d’inhibition et leur sélectivité vis-à-vis de l’enzyme. Selon cette classification, les inhibiteurs de COX peuvent être classés en 4 groupes :

1. Les inhibiteurs irréversibles de COX-1 (aspirine) ou COX-2 (APHS : sulfure de 2- acétoxyphénylhept-2-ynyl). Ces inhibiteurs inactivent la COX de manière irréversible par la formation d’une liaison covalente entre leur fonction COOH et la sérine 530, par une réaction d’acétylation.

2. Les inhibiteurs COX-1 et COX-2 réversibles : ces molécules entrent en compétition avec l’AA pour se lier au site actif de la COX. Ex : ibuprofène, piroxicam et acide méfénamique (Figure 9).

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3. Les inhibiteurs COX-1 et COX-2 réversibles, d’interaction lente et « temps-dépendant» : cette catégorie comprend l’indométhacine et le flurbiprofène (Figure 10). L’interaction lente s’explique principalement par la formation d’interactions ioniques entre l’Arg 120 et la fonction carboxylate des inhibiteurs. Ces interactions lentes réduisant la flexibilité de l’enzyme, entraînent l’inhibition de la protéine.

Figure 10 : Structures chimiques de l’indométhacine et du flurbiprofène

4. Les inhibiteurs de COX-2 irréversibles, dits d’interaction lente et « temps-dépendant » : les Coxibs, tels que le célécoxib ou le rofécoxib appartiennent à ce groupe (Figure 11). Ils sont qualifiés d’inhibiteurs sélectifs de COX-2. Leur caractère lent et temps-dépendant s’explique par le fait qu’une partie de leur structure s’intégre dans la poche latérale spécifique de COX-2. De plus, la mise en place d’interactions fortes au sein de cette poche justifie le terme « temps-dépendant». Ces molécules sont de faibles inhibiteurs compétitifs de COX-1 [39, 72].

Figure 11: Structures chimiques du célécoxib et du rofécoxib

Il est important de différencier les inhibiteurs « temps-dépendant » réversibles et irréversibles : dans le premier cas, une augmentation de la concentration d’AA permet de déplacer l’inhibiteur du site actif. En effet pour un même type d’interaction régnant entre les inhibiteurs réversibles et l’AA, le temps dépendant s’explique par la compétition entre ces

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inhibiteurs et l’AA, puis la mise en place d’interactions nécessaires à l’inhibition de l’enzyme. Alors que pour le second cas, le temps dépendant irréversible est du en grande partie à des interactions fortes s’établissant dans la seconde poche (interactions n’existant pas dans le cas des inhibiteurs temps dépendant réversibles) qui se forment entre l’enzyme et l’inhibiteur et entraînent la perte définitive d’activité et ce indépendamment de la concentration de l’AA. La notion de « temps-dépendant » est un concept important qui précise la cinétique de liaison et d’inhibition des inhibiteurs de COX-2. En 1975, Rome et Lands [73] introduisent un modèle cinétique expliquant le mode d’inhibition. Tout d’abord, l’enzyme et l’inhibiteur interagissent rapidement par des liaisons faibles et réversibles ([EI]), cette première étape est caractérisée par une constante de dissociation K1. Ensuite, une liaison « pseudo-irréversible » se met en place entre le ligand et l’enzyme (EI*) ; c’est le temps de mise en place de cette liaison qui définit le caractère « temps-dépendant ». Cette seconde étape mène à l’inactivation de l’enzyme [35, 73].

Mécanisme d’inhibition à 2 étapes (diclofénac, indométhacine)

Cette inhibition « temps-dépendante » peut présenter deux ou trois étapes, la première étape étant toujours une étape rapide et les suivantes des étapes lentes [35].

Mécanisme d’inhibition à 3 étapes (célécoxib)

Les étapes lentes qui mènent à la formation d’une liaison forte reliant l’enzyme et son inhibiteur aboutissent à la conversion du complexe [EI] en d’autres complexes ([EI*] ou EX) et durent quelques secondes voire quelques minutes. Ces dernières étapes sont essentielles puisqu’elles caractérisent la puissance et la sélectivité des molécules inhibitrices de COX-2 [21].

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L’inhibition par « temps-dépendant » se réalise principalement de deux manières [73] : soit par une modification chimique au sein du site actif, soit par une altération allostérique de la structure protéique.

1) Par modification chimique

Certaines molécules inhibent la protéine via la formation d’une liaison covalente avec un résidu du site actif de l’enzyme. C’est le cas de la réaction d’acétylation entre l’aspirine et la Ser 530 (Schéma 6) [74].

Schéma 6 : Formation de liaison covalente entre l’enzyme et son inhibiteur. (E : enzyme, I : partie inhibitrice de la molécule, X : sous-produit issu de la réaction n’ayant pas la capacité de réagir avec les autres molécules de l’enzyme) [74]

2) Altérations allostériques

L’inhibiteur peut provoquer de subtils changements conformationnels dans la structure de l’enzyme aboutissant à la formation d’une liaison forte de nature non covalente entre l’enzyme et son inhibiteur dans le site actif (Schéma 7) [73, 75].

Schéma 7 : Altérations allostériques entre l’enzyme (E) et son inhibiteur (I) [74]

Ces changements sont notamment dus au réseau de liaisons hydrogène entre Arg 120, Glu 524 et Tyr 355. Ce dernier résidu a d’ailleurs été supposé comme pouvant participer à l’activation allostérique [75]. Dans cette zone, la molécule doit être capable d’établir des interactions ioniques et des liaisons hydrogène qui mènent à sa stabilisation. Selon la classe d’inhibiteur, l’établissement de ces liaisons peut prendre du temps. Par exemple, pour le cas des inhibiteurs COX-1 et COX-2 réversibles, la constante d’association inhibiteur-enzyme (k) a été évaluée à 0,034 s-1 pour l’indométhacine et à 0,105 s-1 pour le flurbiprofène. Cette zone est donc le premier obstacle que doit passer la molécule avant d’entrer dans le tunnel de COX.

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Certains AINS ont des difficultés à traverser cette zone du fait de la liaison entre Arg 120 et Glu 524 [22]. Il faut qu’ils réussissent à casser cette liaison pour que leur carboxylate puisse se lier avec Arg 120, avant d’entrer plus profondément dans le site actif de COX. Tandis que pour les inhibiteurs sélectifs de COX-2, comme le Célécoxib, ils ne connaissent pas cette difficulté puisqu’ils sont dépourvus de fonction COOH dans leur structure chimique, leur insertion dans le site actif est donc plus aisée.

De plus, du fait que COX-2 présente deux possibilités de réaliser le réseau de liaisons hydrogène dans la zone de compression (l’un avec Arg 120 et l’autre avec Arg 513), il a été proposé l’existence d’un équilibre entre ces réseaux. Ce système d’équilibre provoque différentes conformations de COX-2, et est à l’origine de l’activation allostérique favorisant ainsi la progression d’une molécule située dans cette zone vers le site actif [75]. Le réseau avec Arg 513 offre une zone dite plus « relaxée » facilitant l’accès au site actif et participant fortement à l’activation allostérique alors que le réseau formé avec Arg 120 est dit plus « compact », obligeant l’inhibiteur à adopter une conformation plus appropriée pour réussir à passer cette zone.

Ainsi, les changements conformationnels subtils entraînant l’ouverture / fermeture du tunnel de la COX correspondent donc à la rupture / formation des réseaux de liaisons hydrogène dans la zone de compression [21, 71] et le tunnel a la capacité de suivre ces mouvements pour faciliter le passage de la molécule dans son couloir hydrophobe [75].

En résumé, pour COX-2, trois explications majeures justifient une inhibition dite de « temps-dépendant » :

1) les réseaux de liaisons hydrogène et leurs interactions avec la molécule sélective 2) l’introduction et l’occupation d’une partie de la molécule dans la poche additionnelle de COX-2

3) la liaison forte formée dans le complexe ligand-enzyme engendrant une dissociation très lente permettant de maintenir l’inactivation de l’enzyme pendant un long moment(K

inact-célecoxib = 0.03-0.5 s-1) [76]

Par la suite, un état de l’art des différents composés inhibitant sélectivement COX-2 est présenté.

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