• Aucun résultat trouvé

D. G UIDAGE D ' UN GESTE DE PONCTION CHIRURGICALE

7.7 Stratégies correctives des trajectoires

Nous proposons d'analyser plus en détail les différentes stratégies et les problèmes que les sujets ont pu rencontrer durant leurs productions à travers plusieurs exemples représentatifs. Les figures que nous présenterons seront constituées d'une représentation 3D (en rouge) différente pour chaque exemple afin de mettre en avant des passages précis du parcours de trajectoires que certains sujets ont réalisées. De plus, nous avons ajouté par photomontage un graphique représentant les indices de stimulation en fonction de la distance parcourue (diagramme bleu) afin d'apprécier plus précisément les segments où la trajectoire sort de la zone de tolérance (cylindre gris). Rappelons que l'indice de stimulation qui est en général assez élevé sur le premier segment correspond principalement à la phase de recherche initiale de l'orientation de la trajectoire prédéfinie. Par ailleurs, une flèche noire indiquera l'endroit sur lequel se porte notre attention dans l'exemple cité.

D'après l'observation des trajectoires deux stratégies de production se distinguent : la stratégie dite "fluide" où le mouvement est corrigé en cours d'avancement (figure 89). La progression de l'aiguille vers la cible n'est jamais stoppée, la correction se fait en quelque sorte en temps réel ; et la stratégie dite "stop and go" (figure 90) où la progression est stoppée lorsqu'une stimulation est ressentie jusqu'à ce que la position correcte soit atteinte (absence de stimulation). La stratégie "fluide" est plus rapide car elle ne perd de temps à aucun moment, cependant il arrive que la stimulation ne soit pas perçue immédiatement provoquant une sortie plus importante de la pointe de l'aiguille jusqu'à discrimination de la stimulation après un temps de latence ou par augmentation du signal (figure 91). Le risque d'une telle stratégie est donc d'augmenter l'écart à l'axe et de stimuler davantage les récepteurs tactiles en accentuant l'accommodation aux stimulations qui peut détériorer la perception des stimulations correctives ultérieures. A l'opposé, la stratégie "stop and go" augmente la durée du geste mais permet de conserver la pointe de la cible dans la zone de sécurité. Le sujet stoppe sa progression dès qu'il ressent une stimulation afin de retrouver la bonne

orientation avant de poursuivre. Pour certains sujets, cette option permet de recentrer l'axe de l'aiguille conformément à la représentation mentale spatiale qu'ils ont construite à l'aide des stimulations précédentes (figure 90). L'inconvénient de cette stratégie est qu'à l'arrêt le geste peut devenir plus hésitant et moins précis car le segment bras/main effectuant la tâche n'a pas d'appui pour se stabiliser (figure 92). La dispersion de l'écart à l'axe devient donc plus importante entraînant des risques de cisaillement des tissus environnants.

Fig. 89. Exemple de réalisation de geste de ponction avec la stratégie "fluide". Le graphique en haut représente l'évolution de l'indice de stimulation. On remarque qu'il y a peu de changements de directions et que les corrections d'orientation (flèches noires) se font simultanément avec la progression de l'aiguille (sujet 9, essai 8 avec 8 directions).

Fig. 90. Exemple de réalisation de geste de ponction avec la stratégie "stop and go". La production est plus lente ce qui a pour conséquence d'augmenter le nombre de pics de vitesse (courbe en escalier). Lorsque la pointe rencontre une frontière du cylindre, la progression est stoppée (flèche noire) pour permettre le recentrage de l'aiguille (sujet 10, essai 5 sous 4 directions).

Fig. 91. Exemple d'une trajectoire pour la stratégie "fluide" avec correction tardive de l'erreur d'orientation sur le dernier tiers du parcours (flèche noire). Le graphique en haut représente l'évolution de l'indice de stimulation. On remarque qu'il y a peu de changement de directions, le geste est fluide et rapide mais il faut parfois du temps au sujet pour comprendre l'information tactile transmise (trajectoire réalisée par le sujet 7, essais 4 avec 8 directions).

Fig. 92. Exemple d'une trajectoire pour la stratégie "stop and go" avec correction hésitante de l'orientation (flèche noire). L'effecteur main/bras n'étant pas en appuie, lorsque la progression est stoppée, la main peut avoir tendance à trembler entraînant un risque de cisaillement des tissus et de désorientation du sujet (clinicien-radiologue C1, essai 1 avec 4 directions).

Bien qu'au travers du questionnaire sur l'ergonomie du dispositif de guidage TDU les sujets nous ont montré qu'ils trouvaient cohérent le codage "orienter l'aiguille à l'opposé de la stimulation", il apparaît après observation des trajectoires que les confusions entre avant-arrière ou droite-gauche ont provoqué parfois des erreurs de correction (figure 93). Dans l'exemple ci-dessous, le sujet utilise apparemment une stratégie "stop and go". Cependant, après un départ difficile, au 2/3 de la trajectoire alors qu'il détecte une stimulation, le profil de la trajectoire laisse penser qu'il stoppe son geste pour effectuer la correction en commettant l'erreur d'inverser les stimulations avant et arrière. Surpris de sentir l'intensité de la stimulation augmenter alors qu'il pense avoir effectué la bonne correction, on comprend qu'il ramène vivement son geste dans le sens opposé provoquant une erreur inverse qui le recentre finalement sur la bonne trajectoire. Cette erreur est caractéristique d'un manque d'apprentissage des patterns directionnels.

Fig. 93. Exemple d'une trajectoire pendant laquelle le sujet inverse les stimulations avant et arrière (flèche noire), augmentant dans un premier temps l'erreur d'orientation initiale au lieu de la corriger (sujet 8, essais 4 avec 8 directions).

Enfin, nous en avons déjà parlé, l'inconvénient de transmettre des stimulations exclusivement quand l'aiguille sort du cylindre de sécurité est que les sujets n'ont pas les moyens d'anticiper le rapprochement des frontières du cylindre ou de connaître la distance entre l'aiguille et l'axe à suivre. Ce manque d'informations spatiales se traduit parfois par des trajectoires qui suivent les bords de la zone en oscillant entre l'intérieur et l'extérieur (figure 94). Pour remédier à ce "défaut de conception" il serait essentiel de rajouter une électrode centrale qui coderait en fréquence l'éloignement de l'axe à l'intérieur de la zone de tolérance. Le guidage pourrait transmettre des stimulations à basse fréquence, entre 1 Hz et 2 Hz, lorsque la pointe de l'aiguille serait proche de l'axe, puis la fréquence augmenterait avec l'éloignement, passant alors le relais aux patterns directionnels lorsque celle-ci sortirait de la zone de tolérance. Toutefois, il est probable que cette information spatiale supplémentaire nécessiterait un apprentissage plus important pour maitriser correctement les deux informations. Cette information ne permettrait pas de corriger le geste car elle ne contient pas d'indication de direction mais elle permettrait d'attirer l'attention du sujet sur le fait qu'il va recevoir une information corrective.

Fig. 94. Exemple de trajectoire illustrant la tendance de certains sujets à rester le long du cylindre de sécurité. A partir de la première fois où il percute une frontière de la zone de tolérance (flèche noire), on constate qu'il reste proche de celle-ci zigzaguant entre l'intérieur et l'extérieur de la frontière. Ceci entraîne une augmentation du nombre de fois où l'aiguille sort du cylindre mais pas forcément une augmentation de l'écart à l'axe maximum (trajectoire réalisée par le clinicien-radiologue C2, essai 5 dans la condition 8 directions).

Nous venons de décrire les deux stratégies principales employées spontanément par les sujets de l'expérience ("fluide" et "stop and go"), ainsi que les erreurs commises les plus courantes. D'autres facteurs plus ou moins contrôlables influent sur les performances des trajectoires et la quantité des erreurs d'orientation. Nous pouvons citer, entre autres exemples, le stress augmentant les tremblements de la main, le manque de concentration sur les stimulations, l'assurance du sujet parfois trop rapide et donc moins précis... Cependant, toutes ces erreurs plus ou moins conscientes peuvent très certainement être pour la plupart améliorées par un entraînement plus intense. Sur seulement dix essais, bien que les sujets s'adaptent rapidement, ils testent parfois d'un essai à l'autre de nouvelles stratégies concluantes ou pas.